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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
J'ai toujours aimé la nuit, de Patrick Chamoiseau, est un roman que j'ai reçu par net galley et les éditons Sonatine.
Il s'agit d'un très bon thriller, bien noir, qui m'a captivé de la première à la dernière page.
Une espèce de huit clos très bien écrit, avec des personnages forts, une histoire qui se tient du début à la fin.
Nous sommes à La Martinique, bien loin des images de carte postale, avec un regard aiguisé, et très actuel.
Beaucoup de noirceur dans ce roman très réussit, et quelle écriture, vraiment un plaisir à lire. Cela m'a donné envie de découvrir d'autres romans de cet auteur.
Je donne cinq étoiles à ce très bon thriller, que je recommande chaudement :)

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Chamoiseau Patrick – "J'ai toujours aimé la nuit" – Points/Sonatine, 2017 (ISBN 978-2-7578-7075-4)
– première publication en 2013 sous le titre "Hypérion victimaire, Martiniquais épouvantable" aux éditions "La branche"

Un de ces rares romans qui allient magnifiquement la force de l'écriture avec celle des thèmes évoqués.

le thème principal ici traité est celui de la jeunesse à l'abandon, de ces adolescent-e-s d'aujourd'hui issu-e-s de différents milieux sociaux, livré-e-s sans défense et sans recours aux trafiquants de drogue, aux illusionnistes des pires médias "conviviaux", aux créateurs de ces "réalités virtuelles" et "jeux" vidéos violents déstructurant les jeunes individus rivés à leurs écrans (cf pp. 51, 134), de cette jeunesse qui ne (re)connaît plus aucune autorité ni aucune identité (cf p. 35, 80-81, 135) puisque les puissant-e-s de ce monde ont réussi à détruire les fondements même de la vie en société, au premier rang desquels la famille (cf pp. 100-103, 154, 222), de façon à atomiser les individus ainsi manipulables et façonnables au gré des "besoins" des "marchés" mondialisés.

La destruction systématique des référents représentés par les parents – et tout spécialement les pères – est ici illustrée avec une rare profondeur, et ce, jusqu'à la dernière ligne de la dernière page...

Bien évidemment, le centre de ce maelstrom est axé sur l'extrême violence engendrée par le trafic de drogue (cf pp. 48, 60, 258) – un cancer sociétal contre lequel aucun gouvernement n'a jamais entrepris quoi que ce soit, bien au contraire, on vit même en France des ministres "de gauche" et "écologistes" encourager ouvertement la consommation de cannabis, et toute la bien-pensance est actuellement en train d'imposer le "cannabis thérapeutique" en comptant bien sur l'effet domino attendu et en paralysant toutes les forces de police qui serait tentées de lutter contre ce fléau.

Ce sont là des thèmes maintes fois traités avec plus ou moins de succès par différents auteurs, depuis l'immense succès en librairie que connut en 1955 le désormais classique "Chiens perdus sans collier" de Gilbert Cesbron. Il convient de relire ce roman pour bien mesurer à quel point la délinquance juvénile n'a fait que se radicaliser et s'étendre depuis l'après guerre, là encore sans qu'aucun gouvernement ne mette en oeuvre la moindre mesure réellement efficace, et ce en toute connaissance de cause puisqu'il existe un nombre incalculable d'études de toute sorte exhibant les racines du phénomène.

Évoquer ces thèmes ne suffiraient donc pas à conférer à ce roman de Chamoiseau une mention spéciale, non, ce qui frappe dans ce texte, c'est son extra-ordinaire qualité littéraire : des personnages construits et pensés, une intrigue incisive et inexorable, des décors urbains d'une effarante justesse (cf pp. 33, 220), tout contribue à la grande efficacité du récit, mais il convient encore d'évoquer un élément tout aussi extra-ordinaire, propre à cet auteur.

Cet élément, c'est la langue ici mobilisée, observée, disséquée. A l'heure où les sbires et freluquets à la Macron étalent leur arrogance en cultivant l'entre-soi du sabir franglisch ou du globish, Chamoiseau embellit, enrichit notre langue française des apports créoles, antillais, urbains.
Mieux encore, en quelques scènes magistrales, il montre comment cette jeunesse est littéralement ravagée par son manque d'outil de communication (eh oui, à l'heure des soi-disant réseaux sociaux conviviaux), que ce soit dans le vêtement (cf pp. 96, 130), dans la gestuelle (cf pp. 155, 171) ou par la langue utilisée, une langue en ruine, en lambeaux (cf pp. 116—118).

Un roman exceptionnel, à lire, à relire, à offrir...
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J'ai toujours aimé la nuit est une étrange confrontation entre un assassin et un inspecteur de la PJ à quelques heures de la retraite, une garde à vue inversée entre Ephraïm, Evariste Pilon, vieux flic féru de Glissant et de Saint John Perse et Hypérion Victimaire, vengeur, qui, le tient sous la menace de son arme.

Voici donc l'histoire de Victimaire (les noms propres ont leur importance chez Chamoiseau), archange exterminateur en mission à Fort-de-France, justicier au service des jeunesses perdues par la misère, la violence et le crack, que l'on lit découvre avec horreur tant certaines scènes font frémir avant de ressentir une sorte d'empathie, une fois mieux cernées les activités et les méfaits de ses victimes. Un récit que doit subir une nuit entière « l'inspectère » Pilon, lui qui s'est contenté toute sa carrière de « rêver à une belle enquête qui aurait donné du sens à sa vie policière » et a dû « se réfugier dans les romans policiers pour vivre une vraie chasse aux criminels ». Une descente dans l'abîme et le désespoir le plus noir avant que n'apparaisse une légère lueur. Comme si le crime pouvait mener à la rédemption.

Le monologue logorrhéique d'Hypérion Victimaire justifiant sa « mission » (l'inadmissible ne saurait rester impuni) et la cavalcade dans « l'en-ville » qui suit l'un de ses crimes est entrecoupé par les réflexions de Pilon sur l'enquête qu'il menait avant leur face-à-face. Dans ce huis-clos haletant, le temps de l'action et le temps de la narration semblent se confondre dans un vaste tumulte émotionnel jusqu'à l'explosion / explication finale. La structure, complexe, est servie par la plume vive, précise et oh combien lyrique de Patrick Chamoiseau. Les lecteurs retrouveront avec plaisir la langue de Texaco et des autres romans de l'auteur martiniquais avec la diglossie créole-français (« langue maman » et langue cartésienne) qui en est la marque.

Qu'est-ce qui relève du bien, qu'est-ce qui tient du mal ? Qu'est-ce qui est juste et qu'est-ce qui ne l'est pas ? Autant de questions que pose ce livre fort, aussi étonnant que déconcertant.
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Ce roman m'a captivée. La construction narrative originale tient en haleine de bout en bout. La qualité du roman est de réussir une alchimie parfaite entre la fiction et le documentaire étayé. Quelle lumineuse idée que d'avoir fait de la nuit un personnage à part entière du roman et d'avoir fait des quartiers foyalais et des alentours de Fort-de-France le théâtre du récit tout aussi familiers d'étranges. Il ressort de ce roman une profonde humanité, une compassion qui réhabilite le lieu, les hommes et les femmes que l'on pensait en perdition. Il ouvre la réflexion et derrière la noirceur savamment orchestrée surgit l'espoir.
Chamoiseau signe une nouvelle fois son grand talent. Son roman est nécessaire.
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Lors de sa dernière garde de nuit, à la veille de sa retraite, le commandant de police Eloi Ephraïm Evariste Pilon se retrouve en mauvaise posture, le pistolet d'un tueur braqué sur lui.
Et il va en être ainsi durant quasiment tout le roman car il s'agit d'un huis-clos, d'un face-à-face entre un policier et un tueur.

Le tueur, c'est Hypérion Victimaire, ex-militaire, élevé par une mère exemplaire, sa "manman", une "Grande personne", qui lui a appris la droiture, le respect, l'honneur et le tranchant de l'autorité.
Au travers de la confession de celui-ci, c'est la dérive de la Martinique que décrit Patrick Chamoiseau. La Martinique de son enfance perd de son identité et de son charme. Des quartiers autrefois imprégnés de bonnes manières font place à des zones populaires, à des regroupements d'HLM, habités par des colonies de Saint-Luciens, Haïtiens, Dominiquais, qui traficotent la drogue, vendent des armes, et commettent toutes sortes d'atrocités.
Le tueur nous parle de la lente germination d'une nécessité qu'il perçoit en lui.
"Tant de crimes, de coups, de sang, de monstres en liberté, tellement de trafics et de pertes humaines dans les boues du cannabis et de la cocaïne, tellement de violeurs de femmes et d'enfants, et toutes ces nuées de prédateurs qui décimaient notre jeunesse, qu'il me fut clair que quelque chose d'au-delà de moi allait venir. "
Influencé par la clairvoyance de son voisin, Hortensius Capilotas, qui fait commerce avec des démons invisibles pour s'efforcer de soulager les désespérés qui viennent quémander une solution à leur déveine, Hypérion se transforme petit à petit en psychopathe vengeur et ravageur, un archange chargé de purifier La Martinique.

"Je suis un massacreur, un égorgeur de chose, un défonceur de chair, un déchireur de peau, un briseur de vertèbres, un démanteleur de hanches, d'épaules et de cou, un écarteleur de poitrine, un dérouleur de boyaux, et parfois un très goulu buveur de sang ! J'ai mordu, battu, écrasé, coupé et abîmé presque toutes les formes d'existence qui en valaient la peine, c'est-à-dire qui méritaient le châtiment divin, la frappe claire de l'Archange."

Le policier, c'est Eloi Ephraïm Evariste Pilon, un homme valeureux et honnête, qui à force de se consacrer un peu trop à son métier n'a pas vu venir la dégringolade de sa vie familiale. Sa femme, devenue alcoolique, s'est suicidée et sa fille, Caroline, passe de foyer en foyer.
La veille de sa retraite, ce dont il a rêvé toute sa vie se tient devant lui : un assassin pas ordinaire, un psychopathe de grande ampleur qui, pour des raisons obscures, se livre sans retenue à lui.
Eloi Ephraïm Evariste Pilon se tait au maximum ne voulant rien troubler de ce paysage d'horreur que le monstre a entrepris de redessiner sur sa réalité et sur celle de son pays.
Au détour de la confession du tueur, le policier va entr'apercevoir l'existence de sa fille dont la route a croisé celle de ce dernier au cours d'une nuit, celle de ce vendredi 13, qui commença par une virée insensée, meurtrière et irréfléchie, et finit par un massacre vengeur et prémédité.

Les deux personnages, chacun à leur manière, au fil du récit de l'un et des pensées de l'autre, nous parlent de la Martinique d'aujourd'hui, sa langue, ses paysages, sa misère, ses beautés, sa cuisine et sa délinquance aussi…
A l'opposé l'un de l'autre, par des moyens et des méthodes différents, ils ont pourtant un but semblable, rétablir une humanité sur terre, une humanité qui n'a pas complètement disparu mais qui est en train de disparaître.

"Sans trop hausser le ton, je leur expliquai que l'inadmissible n'était pas admissible, que ce qui était arrivé là était de notre faute à tous, que la faute n'était pas quelque chose de visible, même de compréhensible, elle était faite de toutes sortes de petites démissions, de petites insignifiances, de petits accommodements, de négligences, de bêtises, et d'une perte de vue que dans la vie il fallait de la droiture, de la netteté, un rêve, un idéal, une hauteur et une intransigeance ! Je leur parlai aussi du tranchant de cette autorité qui depuis trop longtemps nous avait désertés, et qui devait retrouver sa haute place verticale dans tous nos horizons !"

Patrick Chamoiseau nous livre là un beau thriller, bien noir, avec un tueur psychopathe, des jeunes fous qui se croient plus forts que tout et un policier intègre qui enquête avec intelligence et patience tout en cherchant à retrouver sa fille...
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