Wow ! Ceci est une grande première. C'est la première fois que j'apprécie entièrement la lecture d'un recueil de nouvelles. Quand je dis entièrement, cela veut dire que pas une ne m'a laissée indifférente, ni dubitative comme si souvent avec ce format littéraire. Je redoute ces fins abruptes, parfois (souvent) incompréhensibles (pour moi en tout cas).
Ici, rien de tout ça. Nickel, elles passent toutes. Mieux, elles passent comme un roman entier, sans rupture car il y a toujours un petit quelque chose qui les relie. Pourtant même l'ordre chronologique n'est pas toujours respecté... Quinze nouvelles, quinze petites tranches de vie qui ont toutes un lien, soit avec
Célestopol, soit avec le duc Nikolaï qui dirige d'une main de fer cette ville, comme tout ce qui se passe sur la Lune.
Nous sommes au début du XXe siècle, l'empire Russe a écrasé la France. Napoléon et les français se sont enfuis de l'autre côté de l'Atlantique. Là ils ont bouté les anglais hors du continent Américain et ont créé la Nouvelle-France. Depuis, les Russes ont conquis la Lune, découvert une richesse locale, le Sélénium qu'ils exploitent, et construit
Célestopol abritée sous un dôme gigantesque de verre et de métal.
Les descriptions d'
Emmanuel Chastellière de cette ville font franchement rêver : une majestueuse St Pétersbourg sous cloche, sillonnée de canaux comme une Venise mais avec ce côté fantasmagorique si bien illustré par
Marc Simonetti, car c'est du Sélénium qui y circule et non de la si banale eau. Et donc une sorte de mélange de phase liquide (là, je n'en suis pas si sûre, même si on lit que le casino de Li-Chen y flotte) et de phase gazeuse. On parle surtout de ces vapeurs orangées, fluctuantes, mouvantes, à la fois magnifiques et inquiétantes...c'est selon la nouvelle ! Des belles toilettes, des palais, des parcs, de somptueux immeubles ou demeures en surface, des ouvriers, des laissés-pour-compte entassés dans les sous-sols.
Et une ambiance steampunk, avec des automates partout, bons à tout faire, des tâches ménagères aux plaisirs de ces messieurs, ou dames, dans des maisons closes, chez Hécate pour le gratin. Réparateurs/techniciens sur le barrage de Sélénium à quelques kilomètres de
Célestopol, et même en chien de compagnie comme le vieux Isidore, le compagnon de Sergueï, à bout de carburant, et donc en fin de vie. A noter que ce roman (oui, j'insiste) commence par un joli clin d'oeil à
Jules Verne, avec un journaliste qui fait le trajet Terre-Lune dans un traversier-obus :))
Le personnage le plus récurrent sera bien sûr le dirigeant de cette ville lunaire, le duc Nikolaï, auquel on s'attache bien vite, quoique... à l'instar de
Célestopol, au gré des nouvelles, il nous apparaît tantôt inflexible, intransigeant, tantôt fragile, touchant, mais parfois énigmatique, mystérieux. J'ai adoré cette façon de cerner un personnage.
Ainsi, au gré des nouvelles, c'est toute une galerie de protagonistes que va nous faire découvrir l'auteur. Certains plus que d'autres, comme les deux mercenaires Arnrùn et Wotjek que l'on voit ou entrevoit plusieurs fois. Un tandem original et succulent que cette Islandaise et son ami piégé dans le corps d'un ours brun de 700 kilos de muscles. Lady Tuppence aussi. Mais je dois avouer que même ceux que l'on ne croise qu'une seule fois, je les ai appréciés. Je ne vais pas les énumérer, ce serait trop fastidieux, il ne vous reste qu'une solution, le lire !
Il se dégage de ce roman (je persiste et signe) un maelström de sentiments, allant de l'émerveillement à la frayeur intense, de l'amusement à la tristesse. Un sacré panel d'émotions, mais celle que je retiendrai le plus est la mélancolie de l'ensemble, comme si j'avais lu un recueil de poésie de
Baudelaire. Et moi, je me mords les doigts de ne pas avoir craqué, d'avoir joué les timorées aux Imaginales, car ce livre je vais devoir le reposer dans le tas de Phooka, le rendre alors qu'il me manque déjà. J'espère sincèrement que tu seras invité l'année prochaine Emmanuel ! Et surtout que tu continueras à développer cet univers lunaire que j'ai tant aimé.
Célestopol est un doux coup de coeur.
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