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4,05

sur 636 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  

N°266 – Février 2007

L'ETERNITE N'EST PAS DE TROP. - François CHENG – Albin Michel


Je le confesse d'emblée, j'ai eu du mal à entrer dans l'univers de ce livre. J'ai cependant persisté dans ma lecture à cause de la notoriété de l'auteur ou de l'intérêt collectif qui se manifeste à l'endroit de son oeuvre. Je ne regrette pas ma démarche.

Je ne déflorerai pas l'intrigue, laissant au lecteur l'opportunité de la découverte, du plaisir de partager un moment d'exception où le dépaysement le dispute au climat apaisant distillé par ce texte.

Ce qui est évoqué ici, c'est une histoire d'amour contrariée, au XVII°, en Chine, sous la dynastie des Ming. Un jeune musicien croise le regard d'une demoiselle promise à un notable qui, usant de son pouvoir discrétionnaire et abusif fait bannir l'intrus qui pourrait devenir un rival. Histoire du pot de terre contre le pot de fer, vieille comme le monde et que chacun peut vérifier au quotidien,mais aussi évocation d'une histoire d'amour universelle. C 'est bien là, pour l'auteur, l'occasion de susciter, sinon d'explorer la sensibilité humaine mais aussi le mystère et le merveilleux de la femme...

Bien des années plus tard, l'homme, Dao-sheng, revient, avec le secret espoir de revoir celle qu'il n'a jamais oubliée. Il est devenu moine, médecin et devin et pratique ses soins avec un talent reconnu. La femme, Dame Ying, est depuis longtemps l'épouse délaissée du notable. Les événements les rapprocheront et naturellement et ils se retrouveront, même s'ils ont vieilli sur des routes différentes et connus des destins opposés...

Ce livre est celui du souvenir qu'on garde toute sa vie d'un être aimé, surtout lorsque le quotidien n'est pas venu bouleverser l'ordre des choses que le hasard avait si subtilement et subitement établi, que les habitudes et la vie commune n'ont pas martelé, à les détruire, les sentiments amoureux...On a beaucoup moqué ce paradoxe qui veut que deux êtres qui s'aiment souhaitent passer leur vie ensemble alors même que ce geste a précisément pour effet d'instiller entre eux l'indifférence, et parfois davantage, c'est à dire exactement l'inverse du but recherché. Cheng nous parle d'une atmosphère différente où les gestes sont pleins de retenue, les paroles prononcées avec une grande économie de mots, les sentiments distillés avec une extrême délicatesse... Il tresse pour son lecteur, devenu témoin et même confident, un décor apaisé et apaisant quand tout autour de nous est urgence et efficacité, paraître plutôt qu'être, réussir et être reconnu et pour cela se compromettre, plutôt que demeurer soi-même... la littérature aussi, peut-être pour être en phase avec ce monde devenu de plus en plus inhumain, n'offre à lire que sexe et violence...

Il ne faut pas perdre de vue que grâce au merveilleux univers du roman, le lecteur est transporté dans un monde différent du nôtre où la réussite sociale, l'argent, la notoriété n'ont pas la même valeur. le temps s'écoule différemment parce que, plus que chez nous, la nature est une beauté à laquelle on porte attention, la vie est perçue comme une période transitoire où la patience est une vertu essentielle, où un dieu, peu importe lequel, gouverne le destin des hommes, où l'humilité n'est pas un défaut... le temps n'a pas la même valeur et la mort n'est pas considérée comme un désastre. C'est que Eros n'est jamais très loin de Thanatos et la mort, justement, dans sa version humainement temporaire qu'est l'absence, c'est à dire l'éloignement imposé par la vie, à deux êtres que tout devrait réunir, se trouve mise en échec par la pensée. Elle puise sa force dans cet attachement définitif qui les unit.

Il y a aussi le symbole, tout en nuances et en finesses. C'est non seulement Dao-Sheng qui fait revenir miraculeusement Dame Ying à la vie par les manipulations et les incantations, mais c'est réellement leur pensée qui les unit et les réunit. Lorsque la mort survient, c'est en esprit qu'ils communiquent et se retrouvent dans cette autre vie promise par l'homme d'Église étranger; Là, rien ne les séparera plus et leur communion sera totale et parfaite. Alors, non, l'éternité ne sera pas de trop.


© Hervé GAUTIER
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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Un roman remarquable qui nous permet de suivre Dao-Sheng et Lang-Ying que la vie a séparé mais dont l'échange de regards a suffi pour faire naître l'amour. Les personnages sont très attachants et très surprenants. Ils incarnent un absolu qui fait de leur histoire quasiment une parabole. Cet amour est puissant, délicat, apaisant, il tranche avec le contexte parfois violent de la société chinoise dans laquelle ces personnages vivent.
A travers le destin de ces deux êtres, on découvre aussi une culture, des points de vue sur la religion, sur la société. le roman est une vraie réussite, l'écriture simple et soignée entretient une ambiance douce-amère qui ne ne quitte pas tout au long de la lecture. A découvrir !
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J'avais lu les méditations sur la beauté et sur l'âme qui sont exceptionnelles, ici la délicatesse et la poésie de maître Cheng vous offrent des tableaux magnifiques !

Bien sûr, on pensera à "Roméo et Juliette" made in China. Mais c'est au-delà de cette histoire d'amour. C'est la beauté (de la vie, du cycle et des saisons) qui se joue exactement dans l'espace vide et infini entre ces deux êtres . La poésie cueillie dans l'espace laissé.

Roman philosophique où les questions sur l'amour, la mort, notre destinée... sont abordées avec la douceur d'un conteur hors du commun.

Un réel plaisir ! A lire et relire.
Un bijou.
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Peut-on entrer dans un roman comme on entrerait dans un univers de sagesse ? Sommes-nous prêts, en tant qu'européens, en tant que Chrétiens à adopter la sagesse de celle que fut celle de Dao-Sheng. Sagesse qui s'oppose radicalement à la dictature Ming. C'est elle qui envoie à Dao-Sheng aux travaux forcés pour la simple accusation que trente ans auparavant, alors qu'il était violonniste, il a osé sourire à Lan-Ying, futur épouse de Deuxième seigneur Zhao.
Dao-Sheng s'enfuit des travaux forcés et se réfugie dans un monastère où il apprendra la sagesse, la médecine et le voyage auprès du "Grand Moine"
Il revient dans le village et réussira a renoué contact avec l'amour de sa vie. C'est là toute la sagesse que ce type d'homme est capable de développer. Vivre cet amour interdit de façon platonique en se disant que même si ce n'est dans cette vie, ce sera dans la prochaine qu'il le vivront totalement.

Mais il fallait aussi la sagesse de M. Cheng pour écrire de façon si brillance ce moment de beauté intérieure. Lorsque l'on écoute ce brillant Académicien on entre dans une grande sagesse en l'écoutant. Il en est de même en le lisant.

François Cheng vaut toutes les séances de Yoga
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Poétique, intense, un roman sur l'amour impossible, la recherche de soi, la compréhension des autres. Magnifique
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"L'éternité n'est pas de trop" de François Cheng nous plonge au coeur de l'Asie du XVIIème siècle. le vocabulaire utilisé est riche et soutenu. de fait, il est agréable à lire, et je le qualifierais même de poétique !

En effet, au début de chaque nouveau chapitre, l'auteur nous place face à un nouveau paysage, dans une nouvelle pièce, ou encore une nouvelle saison... Et ce, en décrivant les odeurs, les couleurs, en décrivant la nature et ce qui s'y trouve : il nous laisse admirer la scène avant de faire entrer en jeu ses personnages.

Quant au vocabulaire chinois introduit dans le texte, il nous maintient dans cet univers calme et détendu... Ce contexte asiatique, parfaitement maîtrisé par l'auteur, à en lire les références diverses et variées.
Calme et détendu, disais-je, grâce à son écriture ; puisque dans le fond de ces rencontres et de ces sentiments, il ne réside pas toujours une douceur de vivre. Il existe de la souffrance dans les âmes de certains, une quête de sens dans l'esprit des autres et dans les coeurs des deux principaux personnages, à la fois de la douleur et une soumission à l'Espérance divine, parfois difficilement acceptable...

Ils s'aiment, depuis toujours, et bien que la vie les sépara pour des décennies, lorsqu'ils se retrouvent, l'Amour et l'Éternité font leur apparition dans l'intrigue et le déroulé des évènements. Avec eux, une spiritualité nouvelle fait son apparition et vient alléger leur destiné. Sublime roman !
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Les critiques parlent de ce livre comme d'un Tristan et Iseult à la chinoise. Oui, mais sous certains prémisses.
Oui car il s'agit d'une histoire d'amour impossible, quasi mystique entre un jeune homme séparé trente années durant de celle qu'il a aimé dès le premier (le seul ?) regard.
Ses trente années passées dans la montagne, lui ont servi à apprendre médecine et bouddhisme. Sa vie n'est qu'ascèse et science.
Elle dans la vallée, a connu le mariage malheureux et la souffrance même si elle vit dans l'opulence bourgeoise de la dynastie Ming.
Finalement le héros se décide à quitter son temple et descend de la montagne pour retrouver celle qu'il aime toujours avec autant d'intensité.
La rencontre se fait, se répétera sur le marché, en pleine rue, au vu et au su de tous.
Les plus : la poésie de l'écriture, le lien constant avec la nature, la montagne (symbole, âme, ascension, sommets, masculin etc..) et à l'opposé la vallée (Ville, corps, sens, opulence, féminin, etc..).
L'écriture de François Cheng réussit ce tour de force de nous figurer ce qu'il décrit à la façon d'une estampe chinoise, mais avec des clés de lecture bien universelles : celles des sentiments humains. Ainsi sont maniés à merveille l'art du dépouillement, de la pudeur et de la suggestion..
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L'auteur est un Grand Homme, un grand philosophe, un grand humaniste. C'est un récit ou est décrit avec précision les émotions d'un amour qui semble impossible, mais qui est la seule raison d'être des deux amoureux. C'est un coup de foudre fulgurant qui est son leitmotiv.
DaoSheng, le protagoniste, est un homme sans titre de noblesse qui pratique l'art divinatoire et la médecine taôiste pour gagner sa vie. Sa quête de vie, amoureuse et mystique, est racontée dans un langage poétique, avec une infinie profondeur sur le lien spirituel (quasi mystique) qui unit deux êtres. Son amour n'a pratiquement plus rien de terrestre et il devient une source d'inspiration pour vivre au quotidien. Un seul élément de la présence de l'autre suffit à garder foi en la vie.
C'est trèsbeau. C'est de la grande poésie. En même temps, il nous entraine dans des réflexions philosophiques des plus intéressantes. Ce serait un livret exceptionnel pour monter un opéra tant cet amour appartient à la tragédie et où la beauté est prédominante. Ces amours impossibles.
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Tout simplement sublime !
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Un roman magnifique de François Cheng. Une histoire d'amour impossible entre un musicien et une dame de la cour de Chine. le destin va les éloigner puis les rapprocher trente ans après.
Une merveille d'écriture et la plus belle définition de l'amour que je n'ai jamais lu ! à lire absolument.
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