Mes quatorze ans : Enquête sur ma découverte de la sexualité

Bon, je ne m'attendais pas du tout à ce type de BD, je ne vais pas vous mentir. J'étais persuadée que j'allais lire quelque chose d'éducatif, de pédagogique et je m'étais dit « ce sera parfait pour la bibliothèque de l'école ça ! »

Preuve que lorsqu'on travaille avec des ados, on se DOIT d'être attentif et au courant : je ne pourrais pas la mettre au cdi comme je le pensais.

Pas qu'elle est inintéressante, loin de là ! Elle parlera à beaucoup d'ados, mais elle n'est pas pédagogique / informative. Par contre, elle est décomplexante et rassurante, cette BD ! Et c'est terriblement important. J'invite tous les ados qui se questionnent sur leur rapport à la sexualité à la consulter… mais il faut avoir une certaine maturité sexuelle parce qu'elle est crue.

C'est important que la sexualité ne soit pas un tabou, que les ados puissent se sentir en sécurité d'en discuter mais aussi qu'ils sachent que c'est normal d'avoir des envies. J'insisterai toutefois sur le fait que certaines des envies de Lucie sont précoces (rapports buccaux obsédants, positions du kama-sutra…) et ne correspondront donc pas à la totalité des envies et questionnements des jeunes de 14 ans… et c'est tout aussi normal. On a tout autant le droit d'être obsédé par la découverte de son corps et du corps de l'autre à 14 ans que de n'y penser que de temps en temps voire pas du tout.

Autant ce n'était pas ce à quoi je m'attendais, autant j'ai adoré cette BD. Vraiment. Alors qu'on se le dise, c'est ma quasi trentaine qui parle : Lucie me fait écho dans tellement de références musicales / séries, notamment !

Quand je lis TEAM SPYKE ❤ ( Buffy contre les vampires), une obsession pour Tryo (SERRE-MOI ENCORE, SERRE-MOI JUSQU'A ÉTOUFFER DE TOIII 🎶), qu'on me parle des SMS à caractères limités (adieu 💸 et toute notion d'orthographe: il fallait économiser à tout prix les caractères)… ben clairement c'est toute mon adolescence qui cogne au portillon. C'était tellement chouette de replonger dans mon adolescence !

Bien sûr, il y a aussi toute la pression sociale liée à l'adolescence, ces diktats du corps et de la société… et ça aussi, ça m'a fait écho. Je constate qu'encore aujourd'hui, féministe née dans les années 90, je suis toujours aussi conditionnée… et questionner tout cela, ce développement et s'en détacher, c'est crucial.

Outre l'aspect sexualité (rappel : mise en garde en commentaire épinglé), la BD soulève donc pas mal de thématiques qu'il était intéressant de mettre en évidence afin de se construire / déconstruire sainement : ça reste malheureusement d'actualité, alors autant écouter / lire parfois ses aînés…

Bref, c'est un coup de coeur pour moi malgré les petits défauts que je peux lui trouver.

Bon à savoir aussi : il y a un podcast du même nom « Mes quatorze ans » par @luciemikaelian qui est une des autrice de cette BD ❤ Les dessins, que j'ai beaucoup aimés sont de @leeislou

La question qui se pose à moi à la lecture de cette BD est la suivante : faut-il vraiment tout exhumer de son passé ? Faut-il vraiment tout en dire, tout en montrer ?
Passé l'aspect narcissique de l'exercice plutôt sympa et même audacieux (je renoue avec la part honteuse de moi-même, je dis tout et je fais de gros clins d'oeil complices à mes lectrices), passé l'aspect petite madeleine (qui renforce cette complicité avec les mêmes sans efforts, puisqu'il suffit d'invoquer Buffy, de dessiner un téléphone de l'époque...), que reste-t-il ?
Une BD qui met mal à l'aise tant le rapport à la sexualité de cette ado de 14 ans est frénétique. Ce malaise est renforcé par les dessins criards et les couleurs pop.
L'argument pédagogique (servir de guide rassurant à des ados en découverte de l'amour) ne tient pas, comme l'ont bien souligné les critiques précédentes. Pourtant tout est fait sur la couverture pour les inciter à s'y plonger... A trop vouloir montrer de cette façon, ne risque-t-on pas au contraire de leur faire peur, de les inhiber ? Je ne suis pas sûre qu'une petite élève de 3ème soit vraiment rassurée d'assister aux multiples ébats dessinés dans cette BD avec une redondance complaisante. Les charmes de l'amour comme d'une narration ou d'un dessin bien faits tiennent aux zones d'ombre, aux non-dits, aux ambivalences dans lesquelles notre imagination s'égare. Rien de tout ça ici, ce qui rend la chair bien triste, hélas !
Quant à l'objectif qui consiste à défaire les schémas patriarcaux obsolètes de l'époque dont la narratrice dit être victime, il me semble un argument de vente, pas un propos exploré de façon approfondie. Juste une manière d'être un peu bêtement à la mode.

Cette BD illustre le journal intime d'une ado de 14 ans qui découvre et partage sa sexualité, ses amours, ses doutes, ses conflits familiaux et sa scolarité…

On se replonge aisément dans cette période ingrate de notre vie, qui pour ma part a été synonyme d'angoisse, de questionnements et de conflits.

"J'étais traversée par une multitude d'idées, d'espoirs, d'injonctions à intégrer et digérer."

Un ouvrage de qualité, avec des dessins amusants, un parti pris graphique aussi brouillon que l'intérieur de la tête d'une ado ou de son journal intime, avec des références drôles où l'on se projette quelque soit notre génération. Mais qui reste bien plus parlante à la génération qui a eu 14 ans à la fin des années 90-début 2000. J'ai adoré retrouver Diddle, MSN, le Nokia 3310, l'écriture abrégée des textos, Buffy contre les vampires et la trilogie du samedi.

J'ai aimé le regard d'adulte, plein de recul, sans filtre, que pose l'autrice sur son adolescence, cette période charnière qui va nous définir dans nos rapports aux autres. L'analyse des comportements masculins à cet âge est intelligente et vraie.

"J'ai 14 ans et je découvre à mon tour '' la charge sexuelle ''

Au-delà de tout ça, j'ai ressenti une sorte de gêne, peut-être plus un décalage avec mes propres 14 ans. Je n'ai pas le souvenir d'avoir été obsédée par la sexualité. J'étais obsédée par mon groupe de copines et nos disputes, mon orientation scolaire, mon corps qui changeait, trouver un petit ami et avoir mon premier baiser mais c'est tout. Je n'ai pas ressenti cette frénésie sexuelle, ni cette liberté là.

Le petit moins : J'ai perçu cette bd comme une remise en question des schémas patriarcaux, du poids de la sexualité sur les femmes de manière générale à une époque où le féminisme ne se faisait pas entendre, mais je ne l'ai pas trouvé suffisant abouti pour que cela soit pertinent. Et un peu en décalage avec la page du même nom que je suis depuis des années.

'' J'avais 14 ans et en quelques mois, le désir est devenu l'alpha et l'oméga de ma vie ''

Avant de parler davantage je tiens à le dire : cette bande dessinée est l'une des meilleure que j'ai pu lire dans ma vie.

Lucie a 30 ans elle retrouve le journal intime quelle tenait à ses 14 ans. En même temps elle redécouvre un monde de secrets, un peu honteux, d'émotions puissantes et variées. Elle décide de publier ce journal, en ajoutant les impressions de celle qu'elle est devenue.

Alors au-delà du courage qu'il faut pour publier un livre qui parle d'une période charnière de sa vie... Toutes ses prises de recul d'adultes sont intéressantes à suivre, intelligentes et bien amenées. Et tous les éléments graphiques sont parfaits. Ce livre est absolument génial sur tous les points.

'' J'étais traversée par une multitude d'idées, d'espoirs, d'injonctions à intégrer et digérer. ''

Les autrices donnent tellement de voix aux mots et aux maux de jeunesse. J'avoue avoir été émue à de nombreuses reprises, au-delà de l'identification dont j'ai été victime (totalement consentante).

Tout le cheminement qu'il a fallu à Lucie entre cette ado obsédée par le s*xe qu'elle a été et cette adulte qui publie son journal intime de l'époque... Une boucle est bouclée non ?

Et pourtant dans ses prises de parole, on sent que toutes ses fêlures vécues à l'époque n'ont pas été soignées. Que c'est encore présent. Ce qui nous amène à de nombreuses questions que l'on peut poser à nous-même : est-ce que la manière dont j'ai vécu mon adolescence et mes premières expériences d'adulte définissent mes insécurités et mes actions, mes choix en tant qu'adulte ?

'' J'ai 14 ans et je découvre à mon tour '' la charge sexuelle '' ''

Finalement une petite bd '' sans prétention '' amène à de nombreuses réflexions psychologiques, philosophiques, sociales... Qui montre comment une construction peut également et précocement être en partie une déconstruction. Merci infiniment aux auteures @luciemikaelian et @joeboezec et à l'illustratrice leeislou

Quel est le premier mot auquel vous pensez vis-à-vis de vos 14 ans ?

~ Merci à @gallimard_jeunesse_romans

A trente ans, Lucie Mikaelian décide d'enquêter sur l'adolescente qu'elle était. Tout cela à cause d'un agenda à spirales et à la couverture jaune qu'elle a retrouvé chez ses parents : le journal intime qu'elle tenait à quatorze ans, l'année de sa première fois. Ce journal a longtemps été pour elle un objet de honte qui a failli de nombreuses fois finir à la poubelle. Il en fut même récupéré in extremis. L'ouvrir suffisait à Lucie de se sentir mortifiée.
Toutefois à trente ans, elle a vu ce journal comme une opportunité de l'aider à comprendre comment elle avait construit sa sexualité entre regard masculin, représentations culturelles et injonction du corps parfait, mais aussi de savoir comment ce qu'elle avait vécu à quatorze ans a conditionné la femme qu'elle est devenue. Elle va alors se replonger dans l'année 2003 pour mener une enquête pleine d'humour sur son adolescence.
C'est en ayant accès à toutes ses pensées les plus intimes sur le moment le plus personnel de la vie d'une jeune fille , sur son rapport au corps, aux garçons, à ses parents, à ses amis, qu'elle aboutit à ce roman graphique qu'elle nous livre en toute honnêteté, sans filtre, sans tabou ni fausse pudeur.
le dessin débridé de Lisa Chetteau et l'explosion de couleurs accompagnent parfaitement bien la révolution hormonale qui est l'essence de ce récit.

Ce roman graphique passionnant et rafraichissant se lit d'une traite.

« Lu dans le cadre du Prix Orange de la BD 2024. Je remercie Lecteurs.com ainsi que les Editions Gallimard Bande dessinée pour cet envoi. »