AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,54

sur 38 notes
5
2 avis
4
3 avis
3
9 avis
2
1 avis
1
1 avis
Paris, 30 avril 2013. Un homme roule dans la ville, prend le périph, arrive en banlieue et trouve une rue tranquille, à Saint-Ouen, tout près de la déchetterie et de la fourrière. C'est cet endroit qu'il a choisi pour garer sa Xantia et mettre fin à ses jours en se plantant dans le coeur le couteau qu'il vient d'acheter. Il a choisi la veille des défilés du 1er mai, où en tant que syndicaliste il aurait figuré en bonne place, pour en finir avec une vie qui ne lui convenait plus. Pourtant, il n'était pas seul, il avait des amis. La preuve : sur son portable les SMS affluent, on l'invite à des fêtes, on s'inquiète de savoir ce qu'il fait, on déplore son silence.
Ce même jour, Parfait sillonne le Xè arrondissement de Paris au volant de son camion-poubelle. Il a hâte que s'achève cette journée de travail et s'impatiente de la lenteur de ses "ripeurs". Ce soir, il sera Montrouge dans la salle du Chic Club et connaîtra son heure de gloire. Il a tout prévu, une tenue inédite et hors du commun, des accessoires plus que parfaits, dont un boy blanc qui tiendra une ombrelle au-dessus de sa tête et une arrivée en Rolls! C'est sûr, il va vaincre et réduire à néant les efforts de tous les autres sapeurs de la soirée. Il aimerait que son pote syndicaliste soit là pour voir ça mais ses SMS restent sans réponse...
Pour Barbara, la journée est longue aussi. Sur ses rollers, elle parcourt la capitale pour écouler le contenu de son "gloryfier", un panier d'ouvreuse de cinéma qu'elle porte autour de la taille et qui contient des souvenirs de Paris en tout genre, gadgets, briquets, lingettes désinfectantes, crèmes solaires, etc. Entre un aller-retour à Aubervilliers pour refaire le plein de marchandises, une conférence à la prestigieuse ESCP (Ecole Supérieure de Commerce de Paris), Barbara patine et vend en rêvant d'un brillant avenir, une franchise à son nom et des équipes de vendeurs en rollers dans toutes les rues de la capitale. Elle réussira, c'est certain, et elle ne sera pas seule, son amoureuse, future réalisatrice, sera à ses côtés et elles formeront un couple riche et heureux. En attendant, les affaires marchent bien, son gloryfier se vide et quand certains clients la prennent de haut parce qu'elle est chinoise, elle s'en amuse, comme ce frimeur de chauffeur de camion-poubelle black qui lui a acheté un briquet érotique et qu'elle a gentiment insulté dans sa langue maternelle.


Une journée particulière dans la vie de trois personnages qu'on a l'habitude de croiser sans vraiment les voir, un syndicaliste déprimé, un éboueur congolais et une vendeuse ambulante chinoise. Une écriture brillante, poétique, imagée qui donne l'impression de visionner trois court-métrages. Terrassé par la vie comme le premier ou conquérants comme les deux autres, on les suit dans un Paris accablé de chaleur pour un voyage au coeur de leurs pensées.
Frédéric Ciriez manie la plume avec brio et ne recule devant aucun détail pour nous mener dans l'intimité de ses personnages. En Xantia, en camion-poubelle, en Rolls, à rollers ou en bus, on découvre un Paris magnifié par une écriture moderne et nerveuse et ce sont des mondes inconnus qui s'ouvrent à nous : les errances du syndicaliste, inspecteur du travail, conseiller en insertion, malheureux avec les femmes; les sapeurs congolais qui vivent et respirent pour le Vêtement, se rencontrent lors de soirées prévues pour se mesurer, se défier, par le costume et par les mots; les vendeurs ambulants, la fatigue, les meilleurs coins, les clients difficiles, les techniques de vente.
Un roman saisissant, surprenant et tendre, à lire.
Commenter  J’apprécie          213
30 avril. Il fait chaud. Tout le monde ne pense qu'à la soirée qui précède le jour férié. Mais chacun y pense à sa façon et l'histoire s'attache aux pas de trois personnages. Il y a un syndicaliste aux tendances suicidaires. « Affolé par son incapacité à être banal, il se sent vain, se hait. » (p. 85) Il y a Parfait, chauffeur de camion-poubelle le jour, sapeur de la plus grande classe le soir. « Parfait de Paris, le maître incontesté de l'élégance masculine made in Bacongo, digne héritier des plus grands maîtres de l'histoire, va quitter son déguisement de chauffeur de camion-poubelle et mettre sa peau de lumière. » (p. 141) Il y a une jeune Chinoise en patins à roulettes qui vend sa camelote dans tout Paris. « La mondialisation viendrait à elle toute seule, sur son ventre, dans son panier, sous la forme de produits de trois sous fabriqués en Asie, dans la stimulation de l'achat d'impulsion des passants. » (p. 271) Comment ces trois êtres se croisent-ils ? Comment interagissent-ils ? C'est ce que Mélo tente de dire.

Je ne suis pas entièrement convaincue par ce roman. Les personnages pourraient être caricaturaux si les masques ne tombaient pas, chacun révélant autre chose derrière l'archétype. Si je n'ai pas aimé la première partie consacrée au syndicaliste, notamment pour l'écriture blanche qui y est pratiquée, j'ai pris plus de plaisir avec le Congolais adepte de la sape et la jeune Chinoise ambitieuse. Toutefois, je ne sais pas bien où mène ce roman, ni même si son intention est d'aboutir. Comme presque toujours, j'ai été largement agacée par le name-dropping qui bouffe la page et la réduit soit à une liste de courses, soit à une sordide tentative de placement de produits. Certaines marques répétées à l'envi constituent une litanie écoeurante et les objets ainsi serinés, s'ils prennent la puissance de grigris des temps modernes, ne parviennent pas être autres que ce qu'ils sont, de tristes produits de la société de consommation. Et que dire de la description qui est faite de Paris ? Entre la tristesse industrielle de sa proche banlieue, la saleté de ses trottoirs jonchés de touristes et l'épileptique boucle de son périphérique, la capitale n'est pas belle. Paris n'est pas une carte postale. C'est là qu'est le mélo : Paris est triste d'un gros chagrin de crocodile et personne ne sait la consoler.

Cette lecture n'est pas un échec, car le style de Frédéric Ciriez est intéressant, mais l'histoire ne me laisse pas beaucoup plus qu'un vague à l'âme assez proche de la nausée que cause un wagon de métro à l'heure de pointe, avec l'impérieux besoin de prendre une grande goulée d'air frais et de me laver les mains.
Commenter  J’apprécie          174
Soiree du 30 avril au 1er mai:
Trois destins se croisent en trois chapitres aux titres révélateurs :
_  tranfixion
_ transformation
_ transaction
Ces trois tranches de vie constituent un bien beau moment de littérature .

Dans un Paris tentaculaire, étouffant tant par son activité que par l'atmosphere surchauffée et la menace d'orage, trois personnages vivent un fragment de leur vie:
_ sa fin pour le syndicaliste désabusé, pourtant entouré d'amis,
_ sa soirée de gloire  pour le chauffeur de camion poubelle congolais  qui travaille et ne vit que pour faire partie de l'excellence de la sape.
_ une soiree de "travail ordinaire"pour la jeune fille d'origine asiatique, décidée a se faire une place dans le monde du commerce de rue avec patins en ligne, "gloryfier" en ceinture, et patente d'autoentrepreneur en poche.
Notre sapé raconte a la première personne, avec passion et truculence sa soirée qui devrait rester dans les mémoires de la communauté internationale des élégants .
Pour ces trois là, la vie est percue différemment :
_ au passé
_au  présent ,
_au  futur,
Du moins l'ai-je  ressenti ainsi.
Le texte rend compte de l'activité fébrile _ ou du vide existentiel _ de chacun des acteurs....  Qu'il est dur de continuer à travailler quand vos viscères vous plient en deux en pleine rue, sur rollers !
Cette" langue incarnée, généreuse et imagée"(*)nous fait vivre le ressenti de chacun

J'ai donc pris plaisir a me laisser porter par le rythme soutenu et riche de cette prose, tendre envers ces citadins anonymes, que nous cotoyons sans les voir.

(*) quatrieme de couverture des ed. Verticales.

Ancien chroniqueur littéraire , Frédéric Ciriez estime qu' "Un critique littéraire est un écrivain qui écrit a partir du texte d'un autre."
Donc, j'en déduis :
, _ ceci n'est pas une critique,
et _ je ne suis pas un écrivain
Commenter  J’apprécie          81
Le roman de Frédéric Ciriez est le récit de quelques journées avant le premier mai de trois personnages dans les quartiers du nord parisien.
Un Lorientais de trente huit ans, travaillant pour un syndicat, aux instincts suicidaires sans véritable attache amoureuse se poignarde dans sa Xantia.
Parfait, congolais, chauffeur de camion poubelle et ami du Lorientais nous ballade dans le Xe arrondissement avant de se rendre à une manifestation de Sapeurs. Il est le roi de la Sape et affronte dans des joutes verbales d'autres amateurs.
" Moi, Parfait de Paris, travailleur à main nu, venu à toi, vêtu de jaune, de vert et d'argent, sache que je suis le maître du déchet, le terminus esthétique de l'Occident."
Enfin, Barbara, une jeune chinoise vendeuse des rues mais étudiante à l' École Supérieure de Commerce de Paris, nous fait découvrir sur ses rollers son métier fatigant, risqué mais rentable. Elle vendra à Parfait un superbe briquet qui laisse découvrir le corps d'une sensuelle "poupée russe".
Trois personnages atypiques, aux existences fragiles, qui deviennent très touchants soit par leur solitude, leur ridicule ou leur acharnement.
Seulement, pour les connaître et les apprécier, il faut suivre les parcours sinueux et peu intéressants de l'auteur qui sont ceux de la Xantia du Lorientais, du camion poubelle de Parfait ou des rollers de Barbara. On sinue dans les quartiers parisiens sans grand intérêt, on entre à peine dans les vies des personnages et l'on arrive inévitablement sur le mélo de leurs petites vies.
A part la mise en valeur de personnages qui n'attirent pas habituellement l'attention, je termine le livre en me demandant quelle pouvait être la finalité du roman.
Lien : http://surlaroutedejostein.w..
Commenter  J’apprécie          70
Ce roman, découpé en trois parties, s'attache à suivre en cette veille de 1er mai le parcours d'un homme, syndicaliste, au bord du suicide; d'un chauffeur de camion-poubelle le jour et sapeur la nuit; et d'une jeune franco-chinoise vendeuse ambulante de rue et étudiante dans une grande école de commerce.
Le point commun entre ces trois personnages, c'est qu'ils se connaissent : le syndicaliste est ami avec le sapeur qui a acheté un briquet à la vendeuse ambulante.
On met dans le shaker, on agite et c'est un récit en demi-teinte qui en ressort, parfois structuré, parfois non.
La première partie baptisée "Transfixion" décrit de manière chaotique et déstructurée les sentiments d'un homme sur la brèche prêt à en finir avec la vie : "Un suicidé n'est jamais un héros, même aux prud'hommes.".
Je n'ai franchement pas aimé cette construction sans queue ni tête, Frédéric Ciriez a un style, mais qui est souvent à l'image de la structure de son récit, ou plutôt de sa non-structure : "Nul humain dans le rétroviseur, juste l'image d'un décor inutile. Personne dans le pare-brise, personne, Sa Majesté la rue - tapis noir. le script final exige l'annulation de son auteur. Clause : le contrat sera signé au moment de sa mort, avec son sang. Jouer avec le suspens est obscène. L'accomplir est juste.".
La deuxième partie, "Transformation", présente un homme chauffeur de camion-poubelle avec ses principes le jour : "Ca m'agace quand les gens se trompent, pour eux tout le monde est éboueur, même moi. Or je suis chauffeur et mes gars ripeurs, voilà."; et roi de la sape de Paris la nuit : "Je suis la synthèse du chic bourgeois, du dandysme excentrique et du m'as-tu-vu-isme spectaculaire. Je suis la magnificence du code couleur éboueur. Je suis l'élégance d'outre-social. Je vais mordre et être très méchant. Je suis Parfait de Paris.", et modeste avec ça.
Certes, il n'y a plus les soucis d'intemporalité dans le récit, j'ai même été intéressée par le début de cette nouvelle partie du roman, mais j'ai fini par m'en détourner lorsque le narrateur est parti dans ses délires de grand sapeur de Paris, trop pour moi même si je reconnais que ce personnage est bien plus fouillé que le premier.
Quant à la troisième partie, "Transaction", c'est sans doute celle qui m'a le plus intéressée dans ce roman, à travers le prisme de Barbara, une jeune franco-chinoise que le lecteur découvre comme vendeuse ambulante sur rollers pour finir par apprendre qu'elle est étudiante dans une prestigieuse école de commerce et envisage de monter son propre business selon un modèle qu'elle teste grandeur nature : "Tout le monde ne pouvait avoir sa volonté et son abnégation à elle, Barbara; tout le monde ne pouvait être une pionnière, avoir une double vie d'étudiante et de vendeuse expérimentale - question d'image, de tempérament, d'histoire et de trajectoire familiale, certainement.".
Est-ce par que c'est une femme et./ou un personnage plus proche de moi de par son âge, elle m'a touchée et c'est avec un certain plaisir que j'ai suivi ses déambulations dans les rues de Paris, déambulations à la fois physique mais également morale : patiner pour parfois oublier les chocs du quotidien, un personnage à part des deux autres qui a su trouver un chemin jusqu'à moi.
D'une façon plus générale, il ressort de ce roman une étude relativement bien approfondie de trois personnages aux antipodes les uns des autres.
Et si je n'aime pas énormément l'ambiance de fond qui se dégage du récit, avec un Paris à l'image de sa proche banlieue manquant de luminosité et d'éclat, je reconnais que l'idée de base du récit n'était pas mauvaise tout comme sa construction n'est pas inintéressante.
Mais voilà, je ne sais si Frédéric Ciriez a cherché à écrire un mélodrame de trois personnages ou bien un méli-mélo de personnages qui s'entrecroisent ou alors les deux, je ressors de cette lecture avec une impression mitigée où les aspects négatifs l'emportent plus largement sur ceux positifs.

Récit d'une génération et d'une ville désenchantées, "Mélo" ne me laissera ni mélancolie dans le coeur ni souvenir impérissable, juste l'impression d'un roman à l'image de ses personnages : de passage, aussi vite oublié que lu.
Lien : http://lemondedemissg.blogsp..
Commenter  J’apprécie          60
En dépit de son titre, Mélo ressemble davantage à une tragédie contemporaine qu'à un mélodrame. L'unité de lieu (Paris et sa région) et de temps (la veille du 1er mai) créent véritablement le lien entre les trois récits plus que les trois personnages qui en sont les héros.
La solitude semble être leur point commun. C'est d'autant plus frappant pour le premier. Dépouillé de son nom, il n'est défini que par son engagement syndicaliste, et par ses échecs dans sa vie personnelle. le choix d'une narration à la troisième personne, désincarnée, froide, sèche, m'a empêché de ressentir de l'empathie pour lui. Ce choix a cependant l'avantage de renforcer le caractère inéluctable de son destin.
A côté, le personnage de Parfait paraît plus optimiste et m'a permis de découvrir un milieu qui m'était entièrement inconnu jusqu'alors, celui des Sapeurs. L'adhésion au personnage était renforcée par la narration à la première personne : le lecteur est véritablement toujours en compagnie de Parfait. Sa solitude est pourtant aussi grande que celle de son ami, si ce n'est qu'il l'a choisie. Quant à Barbara, la jeune étudiante d'origine chinoise, qui vend à la sauvette à l'heure du commerce électronique, elle a beau parcourir Paris en roller et entretenir un contact étroit avec sa clientèle, elle n'en reste pas moins seule, jusqu'au bout.
Syndicalisme, sape, vente à la sauvette : Mélo se voudrait-il un portrait de notre société de consommation ? Parfait et les siens se battent non à coup de vêtements, mais à coup de marques, toutes plus prestigieuses, plus imposantes les unes que les autres. Sa propre fille, qui n'a que sept ans, est définie parce qu'elle possède, non parce qu'elle est. Barbara achète et revend des gadgets divers et variés, joue sur les stéréotypes un brin racistes – même Parfait se laisse prendre aux apparences, lui qui sait pourtant à quel point elles sont trompeuses.
Désespérant ? Oui. Même si les personnages laissent tomber leurs oripeaux, au propre comme au figuré, reprenant ainsi corps devant nous, Mélo reste une oeuvre résolument désenchantée.
Commenter  J’apprécie          60
À rollers, en camion-poubelle ou en Xantia, trois vies, trois trajectoires dans Paris à la veille d'un 1er Mai. Deux hommes et une femme circulent dans les rues de la capitale, se croisant parfois, jusqu'au bout de la nuit. Trois trajectoires d'un soir, qui nous font remonter parfois quelques heures, quelques jours, quelques années auparavant.

On commence d'abord par un syndicaliste au bord du suicide, dans sa Xantia abandonnée près d'une fourrière. Puis nous découvrons un de ses amis, Parfait de Paris, conducteur de camion-poubelle à ses heures, mais le meilleur "sapeur" de la capitale, digne de l'élégance des grandes soirées parisiennes d'antan. Avant de se rendre au grand gala de l'Amicale des travailleurs congolais d'Ile de France, "la seule association de travailleurs qui préfèrent bien s'habiller que travailler.", il achète un briquet un peu spécial à une Chinoise vendeuse de briquets, circulant à roller. Cette dernière n'a plus grand chose de chinois, elle se contente de mettre en application ce qu'elle apprend dans son école de commerce très cotée …

Le plus intéressant étant de découvrir l'univers de la sape, comme l'a fait l'auteur lui-même (voir son interview), où transparaît une esthétique de vie, sorte de dandysme noir visant à imiter et dépasser les maîtres, comme une réaction au colonialisme. Des dandys qui ont un désir de perfection dans l'être, le paraître mais également le dire puisque les soirées comportent des joutes verbales où ils peuvent exposer leur maîtrise de la langue …

Violence sociale, violence économique, violence culturelle : les trois personnages choisis par l'auteur ne sont pas anodins, issus de son expérience personnelle. Ils illustrent trois aspects de la France d'aujourd'hui, en particulier le combat et le paraître, mais nous le fait voir d'une manière différente …

Avec une langue incarnée, généreuse et imagée, Frédéric Ciriez nous plonge au coeur d'un mélo, sorte de lamentation qui émane de Paris ce soir-là, électrisée par le jour férié du lendemain. Ode à la ville, ode à ses habitants, ode à trois personnalités banales et pourtant dignes d'intérêt car se mettant en scène, Mélo est un roman atypique qui m'a surprise et séduite alors que j'ai eu du mal à l'accrocher de prime abord, ayant été submergée par les centaines de détails – ce que je ne supporte pas habituellement dans les romans, mais pour le coup, ici la langue permet de le rendre supportable – qui finalement donnent tout leur charme au texte.
Lien : http://missbouquinaix.wordpr..
Commenter  J’apprécie          30
A Saint Ouen (Seine Saint Denis), non loin de l'usine d'incinération, une Citroën Xantia est garée le long d'un trottoir dans une rue sinistre. Assis derrière le volant, on découvre le corps d'un homme avec un couteau planté dans le ventre. C'est un syndicaliste dont les bureaux sont situés juste à l'étage au-dessus de la célèbre agence de mannequins Elite... Parfait de Paris est conducteur d'une benne à ordures. En compagnie de deux collègues éboueurs, il ramasse les poubelles dans les quartiers nord de Paris et ramène sa collecte à l'incinérateur de Saint Ouen. La nuit, il devient « Sapeur ». Il ambitionne d'être le plus grand, le plus beau et le plus célèbre des « élégants » congolais de la capitale. Pour y parvenir il est prêt à toutes les dépenses et à toutes les folies... Barbara, élève d'une école de commerce, passe ses journées sur ses rollers avec, autour de la taille, un petit panier plein de gadgets, briquets et autres pacotilles fabriquées en Chine. Elle gagne bien sa vie et ambitionne de transformer son petit commerce en concept franchisé de plus grande envergure. Pour l'instant, elle attend un texto de son amie, apprentie cinéaste...
« Mélo » n'est pas un roman au sens classique du terme, mais plutôt l'addition de trois nouvelles, « Transfixation », « Transformation » et « Transaction », traitant de trois personnages transitant sur un périmètre fort bien et presque trop bien décrit. le lecteur qui a vécu dans ces quartiers peut attester que peu de choses ont échappé à l'oeil d'entomologiste de Ciriez. L'ennui c'est que ces trois pseudos intrigues manquent de punch et présentent un intérêt inégal. L'histoire du syndicaliste laisse indifférent, celle de l'étudiante d'origine chinoise reste assez quelconque, bien que légèrement plus originale. Seule sort du lot, le destin de Parfait de Paris dans la mesure où il permet à l'auteur de décrire le monde des sapeurs, frimeurs et autres ambianceurs de Paris. Un microcosme peu connu du grand public où l'insignifiance rivalise parfois avec le mauvais goût, où le paraître l'emporte toujours sur l'être dans des débordements d'extravagance du look. de jeunes africains de milieu très modeste se rêvent héritiers du Beau Brummel, d'Oscar Wilde et autres dandys d'autrefois. L'espace d'une nuit, ils se métamorphosent en gravures de mode aux couleurs pour le moins voyantes, se lancent des défis d'élégance, surenchérissent dans les harmonies de matières et de couleurs, n'hésitant jamais à sacrifier plusieurs mois de salaire pour s'offrir un costume de grand couturier ou une paire de bottines d'un célèbre chausseur londonien. Parfait ira jusqu'à louer une Rolls-Royce Phantom ainsi qu'un boy blanc porteur d'ombrelle pour époustoufler ses compatriotes lors d'une simple soirée dans un foyer de travailleurs de Montrouge. La centaine de pages traitant du sujet tranche heureusement sur un ensemble plus terne. Enfin, un personnage qui a une vraie épaisseur, une réelle densité. Enfin, une prose qui prend toute son ampleur. Enfin, un auteur qui porte un regard bienveillant et empathique sur un homme qui prend une jolie revanche sur une existence morne et ingrate et peu importe si les moyens pour atteindre ce paroxysme de fierté sont discutables. Dommage que, passé ce moment de grâce, tout retombe aussi mollement qu'un soufflé dans un courant d'air.
(Livre chroniqué dans le cadre du Prix Océans-FranceÔ)
Lien : http://www.etpourquoidonc.fr/
Commenter  J’apprécie          32
Mélo, c'est une oeuvre. Un triptyque comme on dirait en peinture, un retable. Et le retable est souvent "baroque", c'est-à-dire dissymétrique, avec des chromatismes, des stridences, et un risque lyrique. Il y a trois histoires donc. Dans la première, un syndicaliste et sa Xantia, échoués à Saint-Ouen. Il s'est suicidé. Habilement construite, cette partie est la plus complexe, la plus riche presque par ses tonalités diverses, écrite à la troisième personne, elle épouse la lente décomposition d'un homme broyé par L Histoire récente, les idéologies disparues depuis longtemps, et l'impression tenace d'avoir fait un mauvais choix de vie. Son téléphone portable clignote de sms envoyés par un ami, héros de la deuxième partie. Parfait, son nom, Parfait de Paris. Un sapeur et un éboueur. On le suit dans ses tournées et ses soirées. C'est une dérive dans des ambiances variées. Des ordures qu'il ramasse aux fripes qu'il sublime, un art transparait, une métaphore de l'artiste qui n'a que son style, décliné en frime et en fulgurances d'attitudes (de phrases ?) pour exister. Pauvre et magnifiquement vêtu, ainsi va Parfait dans sa ville lumière. Un jour, il achète un briquet à une chinoise en roller, vendeuse de rue, le corps à corps marchand. C'est l'héroïne de la troisième partie. Elle étudie dans une école de commerce. Loin de la dématérialisation des échanges, elle poursuit un combat quasi désespéré avec l'argent : celui des ventes directes, à visage découvert. Il y a une quatrième héroïne, c'est Paris. Frédéric Ciriez semble croire encore à Paris. En le lisant, on aimerait le suivre. Il faut encore ajouter ceci : c'est un livre magnifiquement écrit, un livre né d'autres livres, de ceux qui forment la langue française. Un peu d'humilité chez les lecteurs, toujours aptes à chercher la "bonne histoire", et qui n'entendent plus grand chose au "Chant". Ici, c'est chanté, la langue est à la mesure de la complexité des êtres, elle n'est pas la caricature d'émotions et d'aventures vite vécues. A lire et relire, et ce n'est pas la moindre de ses qualités.
Commenter  J’apprécie          20
Ce livre est composé de trois parties, qui pourraient être trois nouvelles, centrées chacune sur un personnage. Mais ces nouvelles se croisent, par le biais d'un lieu ou d'un personnage.
La première partie, Transfixion, est aussi insipide et sans relief que son personnage. Les descriptions sont minutieuses, froides, aussi chirurgicales qu'un couteau de couteau en plein coeur.
Heureusement, la vie reprend ses droits dans Transformation. Cette partie met le doigt sur le paraitre. Éboueur le jour, le personnage vide son camion à quelques mètres de l'endroit où le personnage précédent s'est suicidé. Roi de la sape congolaise la nuit, combattant de la parole, il n'a qu'un objectif, montrer qui il est, quitte à s'endetter en achetant une paire de chaussure de luxe à crédit. Paraitre aux yeux de tous, être entouré dans la frime, c'est aussi être seul chez soi, sans autre recours que de parler à une projection féminine tout droit sortie d'un briquet vendu par une jeune chinoise en roller. L'écriture est plus chaude, plus vivante, aussi imagée que Parfait de Paris.
Mais ce que j'ai préféré dans ce livre, est la troisième partie, Transaction. Une jeune chinoise en rollers vend des babioles dans les rues touristiques de la capitale. On pense à une immigrée sans papier, baragouinant à peine le français, et dépendant d'un réseau de trafiquants.
Or, au fil de l'écriture, les stéréotypes tombent. Rien n'est en réalité ce qui paraissait être au début de cette partie. Les réflexions du personnage mettent en relief les préjugés de la société occidentale, où même un éboueur, immigré congolais, se permet de mal parler à une petite vendeuse chinoise.
Ces trois personnes sont des prétextes, des révélateurs de condition sociale. Ils s'entrecroisent, ignorent l'existence de l'autre, mais la vie de chacun met en lumière des préjugés. Ne pas se fier aux apparences.
Commenter  J’apprécie          20




Lecteurs (76) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (2 - littérature francophone )

Françoise Sagan : "Le miroir ***"

brisé
fendu
égaré
perdu

20 questions
3661 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , littérature française , littérature francophoneCréer un quiz sur ce livre

{* *}