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EAN : 9782072762956
192 pages
Gallimard (04/01/2018)
3.31/5   37 notes
Résumé :
Quel obscur désir anime Stéphane Sorge, un critique littéraire respecté, alors qu'il enquête sur une jeune booktubeuse, consacrant ses coups de cœur vidéo à des dystopies grand public ? Au gré d'une intrigue hypnotique, le bref thriller de Frédéric Ciriez se fait tour à tour drôle, érotique et assassin. Il incarne avec une cruauté loufoque les enjeux actuels de l'industrie culturelle, ses splendeurs déchues, ses leurres en vogue et ses lueurs insoupçonnées.
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Critiques, Analyses et Avis (17) Voir plus Ajouter une critique
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Bon, commençons par le commencement : ce livre est né d'une résidence d'écrivain qui a eu lieu en 2015 à l'Université Paris Nanterre auprès d'étudiants en master 2 Métiers du livre. le sujet portait sur « la question de la critique littéraire envisagée comme une écriture de création à part entière ». (Oh, comme ça m'aurait intéressée… j'aimerais parfois retourner sur les bancs de l'école...)
Que ce sujet ne vous effraie pas : ce roman, plein d'humour, pose un regard acéré et satirique sur l'état de la critique littéraire et les difficultés de la presse écrite qui se voit un peu délaissée, notamment par les jeunes ultraconnectés qui, s'ils ont l'idée d'acheter un livre, consulteront plus facilement Internet (les blogs - très bonne idée, je ne peux que les encourager…- , les sites de lecteurs ou les vidéos de booktubers.)
Les chiffres sont là, la critique maintenant passe moins par les professionnels que par n'importe quel quidam qui poste son avis pour inviter les lecteurs à partager son coup de coeur ou bien, au contraire, leur permettre de faire une économie substantielle d'une vingtaine d'euros. Est-ce à dire que la critique s'est démocratisée ? Il y a certainement un peu de ça, c'est évident...
« BettieBook » est justement le nom du site d'une jeune et jolie lectrice booktubeuse, Bettie Leroy, passionnée par les livres, notamment les dystopies et dont les critiques sont lues par un nombre incalculable de followers. (Ah, il va falloir vous habituer à une langue branchée! Moi, j'interroge régulièrement mes propres gamins sur le sens de certains termes et une fois que j'ai compris à quoi ça renvoie, il faut qu'on m'explique... à quoi ça sert !)
L'autre personnage se nomme Stéphane Sorge : il est critique littéraire « papier et TV » (quel ringard!): il écrit dans le Monde des livres, Books, Paris Première, Livres Hebdo, les Échos week-end, Télé 2 semaines et Lovely Lady (pour ces deux derniers, sous pseudo), il est invité à droite à gauche à des dîners mondains et littéraires dans des lieux prestigieux, fréquente les Salons du livre, participe, en tant que juré, à des prix littéraires, rencontre des auteurs, des attachées de presse avec lesquelles il couche, reçoit des services de presse en pagaille qu'il n'ouvre pas, les revend chez Gibert dès qu'il peut et lit parfois un peu vite les livres dont il parle…
Il fait aussi un peu de télé...
Il gagne 2700 euros net par mois « toutes piges confondues ».
Quand il a le temps et besoin d'arrondir encore un peu ses fins de mois, il devient nègre.
Portrait peu flatteur s'il en est...
Un jour, sa chef de service du Monde des livres lui demande de faire un reportage sur « les booktubeurs et les influenceurs littéraires du web. »
Un monde totalement inconnu pour lui.
C'est là qu'il découvre BettieBook. C'est une booktubeuse influente.
« Plus on la voit, plus elle vit. Plus on s'abonne à sa chaîne, plus elle existe. Elle est un média, l'actualisation sans fin d'un corps et d'un discours. Elle est BettieBook. »
Il la rencontre lors du Salon du livre de Noël. Elle répond en toute simplicité à ses questions : non, elle ne le connaît pas, n'a jamais entendu parler de lui. Elle aime partager sa passion avec ses abonnés qui sont un peu ses amis, elle travaille dans un salon de bronzage parce que ses vidéos ne lui rapportent rien. Quand il lui demande :« Qu'est-ce qui te rend heureuse ? », elle répond: lire. Il lui pose la question qui le hante : « Tu lis le Monde des livres ? » Elle dit: « Non, je l'habite, lol. » Il dit : « Pardon ? » Elle dit : « Ben oui, j'habite le nouveau monde des livres. Pas l'ancien où tu travailles. » Il pense : «  Tu vas le payer. » Il dit : « Tu manques pas d'humour! » Elle dit : « Ben les auteures d'aujourd'hui, c'est nous. La preuve, t'es là pour moi. »
Oh, que c'est dur, oh, que ça fait mal… C'est la chute. Il faut redescendre sur terre, quitter le piédestal : les temps ont changé.
Notre critique dort mal, « il pense à la fille qui lui a rappelé sa condition de vieux exerçant un métier de vieux sur un support de vieux. » Il finit par s'abonner à sa chaîne Youtube.
Alors qu'il se voit sombrer petit à petit, elle grimpe dans l'audience, il descend, elle monte, plus haut, toujours plus haut : « Ses revenus à lui ont baissé de 27 % en une année. Sa notoriété à elle a crû de 200 % en six mois. Il se sent en bout de course. Elle réfléchit à de nouvelles opportunités professionnelles, aimerait être repérée par un YouTube-manager qui lui trouverait des plans. Il se demande comment il va joindre les deux bouts pour les fêtes de fin d'année, songe à un crédit conso chez Cetelem. Elle se fixe l'objectif des 60 000 abonnés pour Noël. Ses cheveux à lui sont ternes. Jamais elle ne s'est sentie aussi belle, aussi Bettie, autant BettieBook. Son avis a moins de poids dans les prix littéraires où il tapine. Elle envisage de postuler au jury du prix Orange de la Nouvelle numérique. Il a envie de vomir alors qu'il passe le portique de sécurité de la télé. Elle sait au plus profond d'elle- même qu'elle ne restera pas longtemps végéter à Melun chez So'leil. Ses vidéos le fascinent. Elle pense que les vieux médias doivent mourir. »
Stéphane, notre pauvre critique déchu en voie de fossilisation, rumine. Un sombre désir de vengeance s'empare soudain de lui : que va-t-il pouvoir faire pour ralentir la folle ascension de Bettie ? Quel beau croche-pied inventer pour qu'elle se vautre ?
Attention, le pire est possible quand on n'a plus grand-chose à perdre...
Frédéric Ciriez à la fois auteur et critique pose le problème des mutations de la critique littéraire dans un roman où la rencontre, que dis-je, la collision fracassante et explosive de deux mondes, deux milieux complètement opposés produit un décalage vraiment très drôle. Par exemple, l'univers actuel des youtubeurs est rendu de façon extrêmement réaliste, notamment à travers l'emploi de leur jargon que notre critique Stéphane ne connaît absolument pas : une initiation s'impose ! Choc générationnel hilarant !
Mais ce roman peut aussi être lu aussi comme un roman noir à suspense, une sorte de thriller où l'on s'interroge jusqu'à la fin (et encore après - cela devient assez vertigineux même) sur le jeu du vrai et du faux, des apparences et de la réalité, de la superficialité et des profondeurs. On bascule lentement mais sûrement dans la pire des dystopies. Belle mise en abyme !
Cela dit, derrière le côté fantaisiste et cocasse, le propos est étourdissant de lucidité, de justesse et pose des questions essentielles : « la critique est-elle dans un état critique ? » pour reprendre les mots mêmes du roman, y a-t-il vraiment une ancienne et nouvelle critique ? comment les définir l'une et l'autre ? s'opposent-elles vraiment ou bien se complètent-elles ? y a-t-il un lien entre le fond (la critique elle-même) et la forme (le support employé) ? à qui s'adressent-t-elles ? parlent-elles des mêmes livres ? l'une est-elle plus « honnête » que l'autre ? cette mutation de la critique est-elle le reflet même d'une mutation de la littérature ?
Allez, je vous laisse réfléchir à tout cela !
Un bon moment de lecture en tout cas !
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Choc des cultures dans le monde littéraire

En confrontant une booktubeuse et un critique littéraire du Monde des livres, Frédéric Ciriez nous offre un truculent jeu de massacre. Avec quelques arrière-pensées?

Deux personnages, deux parcours diamétralment opposés et deux manières de concevoir leur rôle de médiateur. Les écrivains et les cinéastes ont compris le potentiel de romans et de scénarios qui confrontent des acteurs qui n'ont à priori rien à faire ensemble. Parmi les derniers exemples en date, on peut citer Pactum Salis d'Olivier Bourdeaut et Abdel et la comtesse d'Isabelle Doval.
Frédéric Ciriez a choisi de Confronter Stéphane van Hamme et Betty Leroy. Stéphane étudie les lettres et écrit ses premiers articles pour le Pélican lettré, une revue lilloise. Il choisit alors le pseudonyme de Stéphane Sorge. « Son patronyme se réfère discrètement au Très-Haut, roman où Maurice Blanchot met en scène un certain Henri Sorge – "souci" en allemand. En 1948, année de publication du Très-Haut, la philosophie heideggérienne dominait en France et trouvait des échos chez quelques écrivains préoccupés par le " souci de l'être". Henri Sorge porte le nom d'une inquiétude. Stéphane Sorge devient le nom d'un critique littéraire de vingt et un ans. » Au fil des ans, il va parvenir à se faire une place dans le milieu parisien. Il est pigiste pour le magazine Books et pour le Monde des livres, chroniqueur sur Paris Première et livre également sous un autre pseudonyme des articles à Télé 2 semaines. Mais, à l'image de la presse écrite, sa situation n'en demeure pas moins précaire. La part consacrée à la culture et plus particulièrement aux livres à tendance à se restreindre, tout comme ses lecteurs qui sont en majorité des lectrices. « Il se dit parfois avec une pointe d'amusement qu'il mène une activité professionnelle de femme, à destination des femmes. La seule issue serait de changer de sexe, ou de devenir trans-critique. »
Betty a pour sa part eu envie de partager ses lectures, principalement les dystopies (récit dépeignant une société imaginaire organisée de telle façon qu'elle empêche ses membres d'atteindre le bonheur et entend mettre en garde le lecteur en montrant les conséquences néfastes d'une idéologie) et la littérature young adult. La jeune fille a choisi internet et la vidéo comme média et créé sa chaîne intitulée «BettieBook». Un passe-temps qu'elle pratique à côté de son emploi dans un centre de bronzage à Melun, ce qui ne l'empêche nullement de réussir, car ses vidéos sont suivies par quelque 30000 abonnés. Il faut dire qu'elle a su trouvé le ton juste et a su s'approprier les codes qui correspondent à son public. Sur sa page d'accueil, elle a imaginé une souris en train de grignoter un livre et un slogan approprié « Lectrice et petite souris qui voit tout, tout, tout, suis-moi dans la maison des livres. »
Quand Stéphane Sorge, qui est chargé d'enquêter sur ce nouveau phénomène, la contacte, elle est ravie de l'acueillir, car tout est bon pour accroître encore sa notoriété. le critique littéraire, quant à lui, s'imagine déjà manger tout cru cette petite souris. Sauf que cette fois, la souris a du répondant : « Nous, on parle directement à nos abonnés, ce sont nos égaux. Ce qui nous intéresse, c'est le partage. On n'est pas comme les critiques littéraires classiques qui ne connaissent pas leurs lecteurs. » Sans oublier que notre érudit est soupçonné d'avoir parlé d'un livre sans l'avoir lu. de quoi régaler tous ceux qui souhaitent prendre sa place!
On sent que Frédéric Ciriez s'est beaucoup amusé à décrire les deux milieux, à alimenter de ses propres expériences cette satire des milieux littéraires, à conjuguer des auteurs réels avec des situations fictives. À moins que… Si ce livre n'est pas un roman à clé, il n'en dépeint pas moins parfaitement les usages, les rivalités, les mesquineries et autres coups bas ou renvois d'ascenseur espérés.
J'imagine que le plaisir que j'ai pris à le lire tient sans doute au fait que j'ai été d'abord l'un – critique littéraire durant plus de dix ans au sein d'un hebdomadaire – puis l'autre avec la création de mon blog littéraire et que je peux dire jusqu'où la réalité dépasse la fiction.
Mais la plume de Frédéric Ciriez ravira aussi les lecteurs qui ne sont pas du sérail, car elle mordante, inventive et joyeusement impertinente. Je vous laisse par exemple imaginer la tempête dans le crâne de Stéphane quand il se retrouve dans le lit de Betty. Tout le reste est littérature!
Lien : https://collectiondelivres.w..
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Ce roman est un symptôme. Un symptôme plutôt qu'un reflet, parce qu'il tombe dans le piège de ce qu'il paraît vouloir dénoncer. Sa facture, son style, son écriture et son propos ne reflètent pas une époque, un moment, un lieu ou un monde dans leur vérité, mais reproduisent et appuient ce qu'ils ont de plus détestable, rendant plus opaque encore le voile de dissimulation qui en occulte le sens.
Passages narratifs et dialogues sont assertifs, constatifs, tout en phrases brèves, au présent, parfois d'un mot ou deux, sans verbe, dans le genre texto. A l'image des échanges brutaux, sans détours, de personnages dépourvus d'esprit, de sentiment, et fort peu sympathiques, dans le sens étymologique du terme. le style change à un moment précis (on y reviendra) : lorsque le narrateur nous raconte dans les moindres détails une scène pornographique surdimensionnée. Mais avant cela, il semble que les dialogues et les textos ont pour fonction de reproduire les raccourcis et les clichés significatifs du mode de communication que la société numérique tend à généraliser. La nuance lui est inconnue, la faute est sans importance, pour autant qu'un bloc de sens indifférencié puisse transiter de l'émetteur vers le récepteur. le lecteur se plie à ce mode elliptique et dégradé de transmission. Et se dit que, désormais, les échanges consistent à s'envoyer des coups de poings verbaux qui doivent faire mouche ou tomber à plat.
Erich Auerbach distinguait dans Mimesis deux formes d'expression de l'expérience ou de la réalité par le discours. Pour aller vite, disons que la première consiste à relier le moins possible les propositions ou les syntagmes par des articulations discursives, laissant de ce fait au lecteur une grande marge d'interprétation ; à l'opposé, l'autre forme d'expression prend en charge l'interprétation et guide la pensée du lecteur en lui fournissant les liens nécessaires à la construction du sens. D'un côté un discours impressionniste, de l'autre une forme plus achevée, plus directive et contraignante.
On pourrait se dire que BettieBook se rapproche de la première tendance, laissant une plus grande marge de liberté au lecteur, ou exigeant de lui une contribution plus active, du fait de l'absence ou de la parcimonie avec laquelle il est fait usage d'articulations logico-grammaticales contraignantes, comme c'est le cas dans nombre de romans actuels. le texte réfléchirait alors, par sa forme même, la fragmentation existentielle à laquelle l'individu est assujetti au sein de notre société avancée, ainsi que la juxtaposition précipitée d'expériences qu'il serait désormais tenu de vivre et dont il lui faudrait rendre compte, sous peine d'en être exclu, sur le plan symbolique, mais aussi, par voie de conséquence, sur les plans professionnel, économique et social.
Cependant ce reflet agace, tant il reproduit mimétiquement ce qui se déploie dans le réel qu'il recense. Premier exemple : un usage systématique de termes anglais, liés à la culture informatique, qui se donnent pour des concepts, alors qu'ils ne sont que des clichés ou des jugements à l'emporte-pièces. Deuxième exemple : une surabondance de noms propres culturellement codés (noms de personnes, de lieux, d'institutions, d'auteurs, de maisons d'édition, etc., le tout à Paris, comme il se doit), de sorte que le lecteur doit avoir les « références » pour jouir des allusions, décrypter les enjeux, saisir l'ironie sous-jacente qui anime l'auteur. le problème, c'est que pour jouir de cette pratique de lecture, il faudrait qu'il soit amené à découvrir un sens, ou qu'il y ait un sens à construire à partir des matériaux qui lui sont fournis. Or, c'est plutôt le vide qui se dévoile au terme de son effort, et l'irritation le saisit bientôt d'avoir à suivre des personnages prétentieux, faussement cultivés ou ne disposant que d'une culture de surface, faite de scintillements et d'éclats de réseaux. Mais peut-être est-ce cela que l'on veut nous montrer, après tout, raison pour laquelle on ne peut refermer ce roman qu'affecté d'une légère déprime…
Mais revenons au récit. La lutte qui se joue entre le représentant de l'ancienne culture (célèbre critique au « Monde des Livres »), le triste Stéphane Sorge, et BettieBook, l'idiote qui se présente comme une Booktubeuse en passe de détrôner la critique littéraire traditionnelle grâce à une vidéocritique en ligne, cette lutte dont on a du mal à croire qu'elle puisse un jour avoir lieu sur le même terrain, s'annonce de manière un peu trop prévisible comme le début d'une relation d'amour-haine entre un arrogant journaliste un peu trop gourmand et une rivale qui le fascine autant qu'il croit la mépriser, et qui, surtout, menace sa carrière. Jusqu'au moment où se produit l'inévitable rencontre… érotique.
Pour nous la conter, le narrateur use d'un tout autre type de langage, et c'est un peu comme si l'on passait d'une innocente séance de zapping télévisuel ou d'un surf sur internet (d'un teasing à l'autre), à un long métrage pornographique à huis-clos, épuisant, démesuré, carnavalesque et finalement assez laborieux. L'astuce, c'est que la scène est filmée en secret (on ne sait pas qui a installé la minuscule caméra qui filme les protagonistes en lutte et en émoi), bien que l'auteur donne de temps en temps la parole à cet oeil indiscret pour nous rappeler sa présence. La scène, décrite pour le coup à l'aide d'une plume quasi baroque, se poursuit sur d'interminables pages, jusqu'à ce qu'on apprenne qu'il s'agit d'une entreprise de revenge-porn. Ah ah ! l'un des deux voulait donc la peau de l'autre et s'est ingénié à le filmer à son insu, qui plus est affublé d'un masque de Tom le chat et d'une casquette de SS, pour Stéphane Sorge, tandis que Bettie porte un masque de Jerry, la souris…
A la suite de cette scène épique, nous sommes invités à lire une série de documents, l'affaire se poursuivant devant la justice, puisque la vidéo a été rendue publique : témoignages de proches, expertises psychiatriques, procès-verbaux, coupures de presse, plaidoiries d'avocats, etc. Qui est coupable ? Les documents qui se succèdent relancent cette question autour de grands principes : liberté d'expression, atteinte à la vie privée, éthique journalistique, déontologie professionnelle, manipulation, mensonge…
Que retenir de tout ceci ? Nous ne voulons même pas connaître le vrai coupable, tant ils paraissent tous les deux stupides. Ce qui demeure, c'est la pulsion sexuelle, l'énergie affirmative et le plus souvent destructrice et haineuse des personnages, dont on n'aura retenu que les extravagances sexuelles. Et aussi l'ambition carriériste, la rivalité professionnelle, sociale, symbolique, qui les aura réduits à ce couple piteux, enfermés dans la complicité d'un clip comme il en existe des milliards, triste et creux, vrai et faux, à l'image d'une société déshumanisée par le numérique et l'obsession de l'image. Et enfin, devrait-on les absoudre, au prétexte qu'ils attendent un enfant qui, « faisant signe depuis sa nuit amniotique », cogne « aux portes du Sens » ?
TL

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Il existe pour moi des autrices et auteurs, à l'image d'Estelle Nollet ou de Juliette Bouchet en exemple, qui ne sont pas assez connues du grand public.
Et Frédéric Ciriez, que j'ai rencontré dans un salon du livre, fait partie aussi de ce groupe bien moins médiatisé, mais tout aussi talentueux.

Cette fois, l'intrigue de son joli roman « BettieBook », se passe dans les milieux littéraires et ceux des youtubeuses. Une rencontre entre deux mondes extrêmes. Celui d'un vieux et respecté critique littéraire « à la ramasse », bien désabusé, perdu dans ce monde moderne. Et celui de « BettieBook », une jeune critique, pleine de vie, pleine d'optimiste, pleine de joie, qui passe une partie de son temps à mettre en ligne ses vidéos de critiques de livres qu'elle a lus.

Le roman est très bien écrit, très vivant et j'y ai retrouvai le style de Frédéric, avec son l'humour et ses petites touches sarcastiques qu'il saupoudre au peu partout dans le récit. le roman est aussi truffé de mille références littéraires et musicales. Bravo ! Quelle belle culture Frédéric.

Le passage où l'auteur décrit la partie de jambe en l'air, est des plus délirantes et hilarantes. Et avec les détails fournis et les onomatopées, on aurait bien pu en faire une BD.
Paragraphe qui est, à mon humble avis, un peu long. Mais qui justifie bien sûr, la suite du récit, très imaginatif.

Je constate que le romancier a pris plaisir à écrire, comme j'ai eu plaisir à le lire.
Il soulève cependant, pour moi deux questions de fond.
La première, jusqu'à quelle limite certaines personnes sont prêtes à aller. Et quel stratagème pernicieux choisiraient-elles, pour sortir de l'anonymat du monde du virtuel, pour se faire remarquer, se rendre des plus visibles sur les réseaux sociaux d'aujourd'hui.

La deuxième, c'est l'impact que peut avoir « le critique », auprès du public, dans la littérature, mais aussi dans le cinéma ou dans la musique.
Ce pouvoir très dangereux et cette notoriété, que ce même public concède à des personnes, aussi mauvaises critiques qu'elles peuvent l'être parfois.
Des critiques, qui aidés par les médias et les réseaux sociaux, peuvent défaire la réputation d'un romancier ou romancière, ruiner parfois un film, ou ralentir une carrière musicale.

Mais restons confiants et libres, le succès d'un livre ne vient pas d'une quatrième couverture, qui contiendrait des qualificatifs élogieux. Ce sont nous, lecteurs, qui par notre lecture et par nos appréciations, donnons une vie à chaque ouvrage littéraire, historique, culinaire, etc.
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La rentrée littéraire de janvier bat son plein et Frédéric Ciriez fait son retour dans les librairies avec BettieBook publié chez Verticales. Une histoire douce-amère qui fait se rencontrer un critique littéraire sur la pente descendante et une booktubeuse en pleine force du like. À mi-chemin entre un thriller érotico-judiciaire et une non-fiction brumeuse sur le monde moderne de la critique littéraire, Frédéric Ciriez signe un nouvel ouvrage à mille facettes. Lettres it be l'a lu et vous en dit un peu plus.

# La bande-annonce

Quel obscur désir anime Stéphane Sorge, un critique littéraire respecté, alors qu'il enquête sur une jeune booktubeuse, consacrant ses coups de coeur vidéo à des dystopies grand public?
Au gré d'une intrigue hypnotique, le bref thriller de Frédéric Ciriez se fait tour à tour drôle, érotique et assassin. Il incarne avec une cruauté loufoque les enjeux actuels de l'industrie culturelle, ses splendeurs déchues, ses leurres en vogue et ses lueurs insoupçonnées.

# L'avis de Lettres it be

Frédéric Ciriez est un habitué du sombre absurde. Après Des néons sous la mer (Gallimard, 2010) qui mêlait satire, anticipation politique et mélodrame bien senti, ou encore Mélo (Gallimard, 2016) qui se mettait dans les pas de ces invisibles de tous les jours, BettieBook offre un nouveau choc des extrêmes. Ici vont se confronter les deux pendants d'une même médaille. La médaille de la critique littéraire qui n'a jamais montré plus jeune visage qu'aujourd'hui. Booktubeuse, PAL, wishlist ... Lire est à la page, hype, il suffit d'en juger par la profusion de blogs spécifiques ou de chaînes YouTube dédiées à la lecture. Frédéric Ciriez saisit la balle au bond et se plonge, avec nous, dans ce Nouveau Monde des livres 2.0.


« Plus on la voit, plus elle vit. Plus on s'abonne à sa chaîne, plus est existe. Elle est un média, l'actualisation sans fin d'un corps et d'un discours. Elle est BettieBook. »

Ainsi et dans ce roman, Stéphane Sorge, critique littéraire usé va se prendre d'intérêt pour Bettie, booktubeuse à succès. L'un se rouille doucement pendant que l'autre rayonne à la lumière de la modernité. Un tout qui baigne dans une époque contemporaine retranscrite sans fards et où les inventions de l'auteur, ses drôleries et ses quelques piques acerbes côtoient des personnages de la vraie vie. Dès l'ouverture du roman, Ciriez nous invite à prendre part à l'enterrement de Norman, l'un des plus grands booktubeurs français, dans le livre mais aussi dans la vraie vie. de quoi débuter idéalement la confusion entre fiction et réalité, confusion entretenue de main de maître par l'auteur natif de Paimpol. La guerre des mondes peut commencer.

« C'est le jour des funérailles de Norman, suivies en direct dans le monde francophone, à la télévision et sur le web, à l'égal de celles des plus grands chefs d'Etat. La vidéo funéraire, manière de web-testament ou de manifeste artistique posthume, tourne en boucle sur sa propre chaîne YouTube, atteignant les 120 millions de vues en quelques heures. »

Et alors que la lecture des premières dizaines de pages de ce livre laisse en bouche comme l'amertume d'une critique acerbe d'un vieux de la vielle qui peine à reconnaître ses successeurs dans le monde foisonnant et en plein renouvellement que celui de la critique littéraire, Frédéric Ciriez surprend une fois encore en menant parfaitement son récit avec cette rencontre de deux mondes personnifiés à merveille. Une rencontre, que dire, un Big Bang. A la légère déception flottant sur la première et la seconde partie vont succéder l'engouement sur la troisième et enfin la jubilation sur les deux dernières. En effet, cette avant-dernière partie sobrement intitulée « Ego » est un petit condensé d'inventivité littéraire, un feu d'artifices qui vient ponctuer l'histoire de façon bien originale. On vous laisse découvrir pourquoi ...

La suite de la chronique sur le blog de Lettres it be
Lien : https://www.lettres-it-be.fr..
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Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
C’est le jour des funérailles de Norman, suivies en direct dans le monde francophone, à la télévision et sur le web, à l’égal de celles des plus grands chefs d’État. La vidéo funéraire, manière de web-testament ou de manifeste artistique posthume, tourne en boucle sur sa propre chaîne YouTube, atteignant les 120 millions de vues en quelques heures. C’est le jour des funérailles de Norman et le peuple numérique de France se réunit autour de son incinération vidéo, près de cent quarante ans après les obsèques nationales de Victor Hugo, qu’avait suivies en un long et extatique cortège le peuple de Paris, aux trois quarts analphabète. C’est le jour des « Funérailles de Norman », son sketch le plus abouti, avant que son visage soudain recomposé par un océan de pixels ne reprenne les couleurs de la vie, souriant, si lointain, si proche, avant que les lèvres du jeune homme ne s’ouvrent et disent : « Bonjour les gens, je suis ressuscité d’entre les morts, on a bien ri tous ensemble, à bientôt pour une nouvelle vidéo.
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C’est le jour des funérailles de Norman, suivies en direct dans le monde francophone, à la télévision et sur le web, à l’égal de celles des plus grands chefs d’Etat. La vidéo funéraire, manière de web-testament ou de manifeste artistique posthume, tourne en boucle sur sa propre chaîne YouTube, atteignant les 120 millions de vues en quelques heures
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« Attention la Toile, les booktubeuses arrivent et font le buzzzz! On est nombreuses et on sait ce qu’on veut. On est là et on nous délogera jamais de la maison des Livres! On est une, puis on est deux, on se multiplie comme les petites souris partout où il y a du texte à grignoter. On est les lectrices d’aujourd’hui, au plus près des fans qui nous kiffent. On est le nouveau monde! » Elle s’arrête puis me demande : « C’est ça un manifeste? »
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PHILIPPE LEROY, 28 ANS,FRÈRE DE LA PLAIGNANTE, TECHNICIEN DANS UN CENTRE DE CONTRÔLE AUTOMOBILE À MELUN
dit être le frère aîné de BL « depuis le décès de Laurent à la montagne ». a accepté de témoigner car parents « en dépression à cause de la honte qu'ils ressentent au fond de leur cœur ». sœur
= « fait ce qu'elle veut de son cul mais là s'est fait avoir ». lui = être pro peine de mort car « revenge porn pire que viol ». savait que sa soeur faisait « des vidéos pour les livres » mais
ne les regarde pas car « ne lit pas ». déplore que sa sœur soit partout sur Internet en train de « baiser avec une crapule masquée ». dit que « ça va mal finir ». sert les poings et bave dès qu'il parle de VH.
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« La libido politique se paye de mots pour caresser le peuple, presque toujours sous forme de promesses, parfois sous forme de… livres (rires dans le public). On ne rit pas (rires dans le public) ! Leurs artisans de l’ombre, souvent recrutés parmi la fine fleur de l’élite intellectuelle française, sont de drôles de nègres, qui non seulement préparent les discours enflammés que tout le monde doit acclamer, mais aussi écrivent ces autobiographies-programmes que personne ne lit jamais (rires dans le public). J’ai rencontré ces écrivains de seconde main spécialement pour vous… et c’est bien évidemment l’un d’entre eux qui a écrit cette remarquable chronique (rires dans le public). »
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Videos de Frédéric Ciriez (6) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Frédéric Ciriez
FRÉDÉRIC CIRIEZ – RÉCITS B Rencontre animée par Alain Nicolas
Paimpol, Paris, Alger … La dérive de deux anciens amis se retrouvant sur une voie ferrée ; l'arrivée de supportrices au charme explosif décidées à illuminer le Stade de France ; la bande-annonce d'un film fantastique sur fond de black metal algérois ; un apéritif au champagne sur le toit de la porte Saint-Denis ; le surgissement théâtral de Frantz Fanon ; l'éternel retour d'une auto-stoppeuse dans un virage, la nuit, jusqu'aux appels téléphoniques intempestifs parasitant l'auteur en train de concevoir ce recueil résolument beau et bizarre.
Treize nouvelles à découvrir comme autant de récits B où Frédéric Ciriez multiplie les pistes de son imaginaire : la fantaisie, l'humour et le mélo, aux accents noirs et parfois érotiques. Treize ans après Des néons sous la mer, il invente une forme saisissante et circulaire qui nous plonge dans les confins oniriques de la réalité.

À lire – Frédéric Ciriez, Récits B, coll. « Verticales », Gallimard, 2021.
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