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Léo Lack (Autre)
EAN : 9782258005020
312 pages
Presses de la Cité (18/01/2003)
2.75/5   2 notes
Résumé :
Accompagné d'un Péruvien, Jorge Mendoza, l'auteur part à la recherche des sept cités de Cibola, vers l'Eldorado, le pays fabuleux décrit par les conquérants espagnols. Les péripéties de ce voyage peuvent difficilement être résumées : combats à mort avec des sauvages, corps à corps avec les reptiles, les vampires, les fauves, les crocodiles; captivité chez les cannibales; fréquentation des Jivaros réducteurs de têtes...

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Publié pour la première fois en France en 1959, "Les Sept Cités de Cibola" ("The Rivers Ran East" dans son titre original) est l'une des plus époustouflantes et une des plus méconnues fumisteries littéraires du XXème siècle. Rédigé par un sombre inconnu qui se présentait comme un ancien espion américain de la Seconde Guerre Mondiale, traduit par Léo Lack, à qui l'on doit pourtant les versions françaises des oeuvres d'Oscar Wilde, ce long récit se veut l'histoire vraie de l'expédition menée en 1946-47 par Leonard Clark à travers la jungle péruvienne jusqu'à l'Amazonie afin de découvrir l'Eldorado, qu'en effet il découvre, bien qu'il soit avéré aujourd'hui que l'Eldorado est un mythe et n'a jamais existé.
Leonard Clark, par ailleurs, mêle allégrement dans son récit deux mythes, qui en théorie, sont différents : celui de l'Eldorado, situé originellement en Colombie, et celui des Cités d'Or, situé au Mexique. La traductrice rajoute à la confusion en parlant des sept cités de Cibola, alors que Cibola serait soi-disant l'une de ces sept cités.
Sur ces données totalement fausses, Leonard Clark raconte donc un récit haut en couleurs narrant un long parcours dans la jungle péruvienne, de Lima à Pucallpa, puis par voie fluviale en radeau de Pucallpa à Iquitos, et enfin par bateau d'Iquitos à Guayaquil, en Equateur, en passant bien entendu par l'Eldorado et les Cités d'Or. L'essentiel de ce récit consiste à décrire par le menu, et avec un sens de l'observation propre à quelqu'un qui n'a pas fait le chemin lui-même, la difficile progression de Leonard Clark et de son compère Jorge Mendoza à travers une jungle tout à fait farfelue, qui doit beaucoup à une imagerie coloniale de l'Afrique noire, et dans laquelle on trouve un bestiaire absolument fantastique, qui va du tigre au serpent de 25 mètres, en passant par des sortes de créatures préhistoriques délirantes, des crocodiles stratèges, des piranhas qui sautent sur les radeaux pour manger les orteils des passagers, et par des tribus de cannibales sorciers animistes, jouant avec des puissances surnaturelles.
Comme tout bon écrivain américain, Leonard Clark est un ignare. Il n'a jamais mis un pied au Pérou, et il ne faut pas longtemps au lecteur pour comprendre qu'il travaille essentiellement à partir de planches animalières, qui ne sont pas très détaillées, surtout au niveau des dimensions, et s'il décrit avec précision de nombreuses espèces tropicales, il leur donne des tailles délirantes (Tel serpent arboricole mesurant à peine 15 cm se voit ici crédité de 12 mètres, comme si un animal aussi lourd pouvait s'enrouler autour des lianes et des branches). Leonard Clark focalise beaucoup sur les serpents auxquels il prête le plus souvent des dimensions gigantesques. Même paranoïa concernant les fourmis, dont Clark aime à penser qu'elles dépassent la dizaine de centimètres et passent leurs journées à s'étaler en tapis compact dans les clairières et sur les bord de rivières pour dévorer vivante toute créature qui passe à portée. Il décrit aussi une espèce de fourmi dévoreuse d'homme à tête blanche et aveugle, qui est en fait une espèce coupeuse de feuilles, inoffensive et nullement aveugle.
En règle générale, Leonard Clark est obsédé par cette faune délirante qui ne cesse de s'entre-dévorer, au point où on se demande comment il se trouve une seule bestiole encore en vie. Moustiques, mouches tsé-tsé, vers qui se glissent sous la peau, fourmis qui attaquent les chevilles, serpents qui mordent ou qui étranglent, piranhas, crocodiles qui donnent des coups de museau et des coups de queue dans les radeaux pour faire tomber ceux qui sont dessus, c'est le grand complot du monde sauvage contre l'homme civilisé qui ose violer son territoire. Détail étonnant, cette jungle semble totalement dépourvue de mammifères, nos deux héros en sont longtemps réduits à chasser et à faire cuire à la broche des singes et des serpents.
On pourrait croire qu'une telle hostilité de la nature obligerait les deux explorateurs à rester en permanence sur le qui-vive, mais en vérité, il n'en est rien. On y baguenaude avec bonhomie, d'autant plus que Leonard Clark passe son temps à noter les noms des plantes et des fleurs qu'il croise durant son périple (Comment les reconnait-il ? On suppose qu'il a songé à emporter un dictionnaire de botanique illustré, ou qu'il y a une petite pancarte en dessous de chaque tige, comme au jardin des Plantes). Ce flâneur va même, alors que les vivres manquent et que son compère Jorge Mendoza souffre d'un début de malaria, jusqu'à s'extasier devant un grand arbre au pied duquel poussent des orchidées. Et le plus sérieusement du monde, il se met à les compter afin de bien noter qu'il y en a 1692. Oui, vous avez bien lu ! En pleine jungle hostile, entourés de bêtes féroces et venimeuses, d'indiens cannibales, et de virus mortels, Leonard Clark compte les orchidées de 1 à 1692...
Il est vrai que dès le départ, n'étant pas certain au fond que l'Eldorado existe, Leonard Clark double sa quête d'un deuxième objectif : ramener des plantes médicinales rares (ce qu'il ne fera pas) et des secrets médicaux miraculeux propres aux shamans - ce qu'il ne fera pas non plus, mais du moins il les testera.
Il est vrai que la médecine des shamans de la jungle péruvienne est d'une surprenante avancée, et on regrette que leurs ordonnances ne nous soient pas parvenues : onguent permettant de refermer en quelques heures les plaies les plus profondes, contrepoisons miraculeux, potion qui rend la vue aux aveugles, autre onguent qui permet de ranimer quelques instants les têtes coupées, c'est une galerie de remèdes farfelus dignes des pires bonimenteurs de foires du XIXème siècle, que Leonard Clark nous décrit avec le plus grand sérieux et le plus profond recueillement face à cette science des ancêtres.
Les indigènes en eux-mêmes sont ombrageux, mystérieux, déterminés et assez souvent esclavagistes et cannibales. Mais ils sont, bien entendu, sensibles au commerce et aux bienfaits de la civilisation que Leonard Clark leur apporte, en échange de quelques secrets mystiques. La nuit, les shamans jouent avec des esprits lumineux, qui sont en fait des Dieux, et peuvent appeler la mort via ce Dieu sur l'un des leurs, qui s'écroule alors privé de vie. Alors, ils découpent son corps et ils le mangent.
Hélas pour le témoignage ethnologique de Leonard Clark, ces indiens d'Amazonie qu'il appelle du nom espagnol de Compas sont en fait les Ashaninkas, un peuple tout à fait paisible et ne vivant que de la plus pragmatique agriculture, qui a été médiatisé par l'exploratrice Jéromine Pasteur dans les années 80. Curieusement, alors que Leonard Clark exprime une certaine admiration et une certaine compréhension pour les Jivaros réducteurs-de-tête, abordés dans la deuxième partie de l'ouvrage, il insiste lourdement sur le côté sanguinaire, barbare et cruel des Compas, qui sont pourtant dans le monde réel l'une des tribus les plus pacifiques et les plus accueillantes d'Amazonie. On comprend difficilement les raisons de ce parti pris de Leonard Clark, si ce n'est qu'il confirme, s'il en était besoin, que l'auteur ne sait vraiment pas de quoi il parle.
"Les Sept Cités de Cibola" est divisé deux parties relativement distinctes, liées aux compagnons de voyage de Clark. Dans un premier temps, jusqu'à Pucallpa, Clark est accompagné par Jorge Mendoza, un guide péruvien, avec lequel il tisse rapidement une amitié virile et profonde. À Pucallpa, Jorge Mendoza reçoit un télégramme l'informant de la mort de son oncle, il doit donc rentrer d'urgence à Lima. D'urgence ? Mais il leur a fallu deux mois de progression à travers une jungle hostile, puis sur un radeau le long du fleuve Ucayali qui coule dans une direction bien précise, et pas dans une autre. Qu'à cela ne tienne, il y a une route directe à Lima, il n'y a qu'à prendre l'omnibus qui relie les deux villes. Une route directe ? Mais alors, pourquoi bon sang avoir traversé la jungle dans des conditions aussi dangereuses ? Leonard Clark reste assez évasif sur la question, mais laisse entendre qu'en tant que citoyen américain n'ayant pas l'intention de déclarer à la douane ce qu'il entend ramener de l'Eldorado, il préfère rester discret... Une discrétion qui aurait pu lui coûter cent fois la vie, et qui ne lui a fait éviter la route que pour s'arrêter à toutes les missions et dans toutes les villes pour y acheter du matériel et des vivres, avec un aspect physique fort velu et des vêtements tâchés de boue et de sang, ce qui n'est pas spécialement discret... Pas de doute, il s'agit bien là d'une stratégie très poussée d'un expert en espionnage...
Jorge Mendoza sera remplacé par Inez Pokorny, aventurière américaine hispanique que Leonard rencontre à Pucallpa. D'abord hostile à l'idée de s'encombrer d'une femme, Leonard revient à de meilleurs sentiments une fois qu'Inez a prouvé qu'elle peut avoir une bonne grosse paire de "cojones" si elle s'y met, qu'elle assure dans des moments difficiles sans gémir ni se plaindre, bref qu'elle a tout du bon copain de régiment. La romance attendue ne viendra pas, bien que le puritain Leonard se satisfasse de voir sa compagne de voyage asséner des coups de gourdin sur la tête des indiens aux mains baladeuses... Cette deuxième partie, plus courte, est néanmoins plus confuse et bien moins passionnante. L'auteur semble se lasser lui-même de son interminable récit, et la fin, ouverte à un éventuel deuxième tome sur l'Amazonie qui ne semble pas avoir été publié, laisse une impression de bâclage et d'inachevé...
On l'aura compris : "Les Sept Cités de Cibola" est un nanar redoutable et du plus haut comique. C'eût été un chef d'oeuvre si Leonard Clark en avait fait un roman feuilleton désuet à la Henry Rider Haggard, car son imagination fertile et délirante se serait sûrement épanouie dans la fiction. Mais hélas, en voulant absolument convaincre de la véracité d'une aventure totalement improbable, Leonard Clark hésite constamment entre le récit d'aventure et le rapport administratif détaillé d'un petit fonctionnaire à ses supérieurs hiérarchiques. le souci constant de convaincre par des détails souvent inutiles, car invérifiables, plombe terriblement un récit pourtant très dense. À cela s'ajoute une complaisance morbide et balourde dans les descriptions horrifiques de dévorations, de tortures, de mise à mort, de cruautés diverses, et l'on sent que l'auteur y prend un plaisir malsain. Yankee balourd et macho, Leonard Clark ne parvient même pas à se rendre sympathique comme héros de sa propre aventure, et même si on rit beaucoup de l'absence totale de crédibilité de son histoire, on sent bien qu'on la doit à un mythomane assez imbu de lui-même, et assez méprisant envers ses lecteurs, qu'il prend plaisir à duper - ou plus exactement à tenter vainement de duper.
"Les Sept Cités de Cibola" n'a ni le charme des romans coloniaux du XIXème siècle, ni la force narrative d'un témoignage réel, ni même la drôlerie partagée d'un humoriste. C'est l'oeuvre copieuse et vaine d'un escroc, qui amuse au début mais lasse assez vite, un peu comme le ferait de nos jours un théoricien conspirationniste qui ne voudrait pas démordre de sa prise de position et finirait par écoeurer son auditoire. Les amateurs de safaris et d'ambiance "jungle exotica" trouveront tout ce qu'ils aiment dans ce roman déguisé, mais les autres jugeront que les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures, et que les massives 500 pages de cette fumisterie sont une mystification franchement lourdingue, et surtout un peu trop longue et clairement inaboutie.
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