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sur 3406 notes
Un roman d'une profonde noirceur qui met à nu la lâcheté de l'âme humaine. Il nous décrit le glissement de l'humanité qui se produit quand la peur et l'effet du groupe diluent les consciences et échauffent les esprits. Brodeck nous raconte l'histoire du meurtre, les secrets de son village et son histoire avec un regard humain. Un roman construit de façon astucieuse, on navigue sans cesse d'un personnage à un autre, d'une époque à une autre. Sans que cela devienne confus, on devine par petites touches successives le passé et la face cachée des gens. Très bon roman qui se lit comme on écoute un grand-père nous raconté sa vie.
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Ou l'effarante banalité du mal !
Dans un lieu indéterminé et à une époque toute aussi indéterminée, Philippe Claudel nous conte la sinistre histoire de Brodeck, le "chien Brodeck", le "fremder Brodeck", celui qui en trente ans de son existence va subir deux guerres, la fuite, l'incarcération en camp de concentration, le retour au village avec la surprise effarée de ses concitoyens, la méfiance des villageois ...

Philippe Claudel a réalisé dans cet ouvrage un condensé des horreurs qui ont balisé le vingtième siècle, en mettant le doigt sur les tares humaines qui conduisent au pire : la peur, la lâcheté, l'indifférence, l'esprit de lucre, la haine, le goût du pouvoir, la volonté de puissance, le renoncement .... (et j'en oublie).
Il est bien évident que tout ce qu'il raconte évoque immanquablement L'Histoire. Mais jamais dans son récit, il ne s'accroche directement à la seconde guerre mondiale, ce qui fait la force de son récit. En supprimant le factuel de données historiques il ne laisse place qu'à la seule monstruosité humaine, qui en tout temps, en tout lieu réussit à transformer le monde en cloaque, en réceptacle de toutes les abominations.

Il a préféré développer un récit allégorique puissant dans lequel son "héros" devient le parangon du pauvre hère subissant les secousses de l'histoire, ployant sous le joug, mais grâce à cela trouvant le moyen de survivre. La résistance l'aurait automatiquement envoyé à la mort. A-t-il eu tort ? raison ?à chacun d'en juger selon ses propres critères !

Et ce mal qui a contaminé le monde n'épargne rien, ni personne. Il se répand partout, y compris dans les lieux les plus reculés, tels ce village apparemment idyllique, niché entre montagne et forêt, quasi inaccessible, mais où pourtant les habitants, vivant en autarcie, seront rongés par cette lèpre et deviendront capables du pire !

Et le pire, ils le feront subir à " l'Anderer". Je ne dévoile rien en disant cela, puisque c'est ainsi que commence le roman, par cet "Ereigniës" fondateur de l'intrigue.
L'Anderer, c'est l'autre, l'étranger, celui qui vient d'ailleurs, d'on ne sait où ?, qui est forcément différent, celui que l'on rejette ... Donc, "l'Anderer" qui vient s'installer au village, est un être dangereux. Il parle peu, regarde et écoute beaucoup, dessine, écrit dans son carnet, mais que peut-il bien dessiner et écrire ? Cet homme est diabolique ! il est là pour jauger, pour nous juger ! c'est inadmissible, il n'a rien à faire parmi nous .....
Ainsi va la vie !
Eternel recommencement de la violence et de la haine.
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Brodeck, son histoire, ses souffrances, vont m'accompagner longtemps, je pense. Il fait partie des personnages dont il est difficile d'oublier l'intensité.
De Claudel, j'avais lu plusieurs ouvrages et j'avais chaque fois été touchée par les personnages, les situations, la palette des émotions et la description d'une humanité toujours complexe, jamais manichéenne.
Compte-tenu du nombre important de critiques postées (que je n'ai pas encore lues), je ne vais pas me lancer dans un long commentaire - d'autant que je ne me sens pas suffisamment armée pour trouver les mots justes, ceux qui rendraient un véritable hommage à l'art de l'auteur, la qualité de son style, la pertinence.
le rapport de Brodeck est un roman intemporel, qui aborde avec une rare finesse le thème de l'altérité, qui montre l'impasse de l'entre-soi sans jamais condamner. Les premières pages instaurent d'emblée un climat anxiogène - un drame a eu lieu, on le sait - qui nous enserre jusqu'au dénouement. On y côtoie des personnages terrifiants comme la Zeilenesseniss - "la Mangeuse d'âme" - ou d'une profonde et douloureuse humanité comme ce vieil homme qui héberge Brodeck à sa libération (grande émotion à la lecture de ces quelques mots : "s'il vous plaît, ajouta-t-il, pardonnez-lui... pardonnez-leur...").
On ne sort pas indemne de cette lecture, triste et pessimiste peut-être, plus intelligent sûrement (enfin, je crois). A lire absolument.

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Quelque part, le long d'une frontière, un petit village d'Europe centrale sans doute où l'on parle un dialecte allemand. L'histoire se passe à la fin d'une guerre indéfinie qui nous fait forcément penser au conflit de la Seconde guerre mondiale. Rien n'est précisé, ce n'est pas l'important. L'essentiel réside dans l'histoire, intemporelle et universelle, d'une communauté qui tente de garder bien précieusement son secret. Dans ce village, nous retrouvons les représentations habituelles : le maire, le curé, l'aubergiste, l'instituteur, … Et puis il y a Brodeck, rescapé d'un camp, le lettré, celui qui a fait des études. Un jour arrive au village « de Anderer ». L'autre, l'étranger, est un personnage excentrique. Il est différent des habitants du village alors au début il amuse, puis il intrigue, ensuite il inquiète. Brodeck l'observe de loin lui aussi. Et puis l'événement a lieu. Brodeck est chargé par les représentants du village de rédiger un rapport sur l'« Ereigniës ».

Le thème de « l'Autre », celui qui est différent et qui fait peur, a toujours été source d'inspiration pour les écrivains. Philippe Claudel s'attache particulièrement à dénoncer dans ses ouvrages la cruauté et la bêtise des hommes lorsqu'ils sont pris dans l'engrenage de la peur, de la lâcheté et de l'intolérance face à ce qu'ils ne connaissent pas. Son personnage Brodeck, en quelque sorte un Anderer lui-même, cherche les faits et les causes d'un acte ignoble perpétré par ses congénères. Mais cette enquête va le mener bien plus loin qu'il ne le pensait. le maire, l'aubergiste et les autres… Que craignaient-ils que l'Anderer ne découvre ?
Le récit alterne donc entre l'arrivée et la vie de l'Anderer au village, et le propre vécu de Brodeck dans le camp de concentration. A côté des traumatismes passés et de l'enquête menée auprès des habitants du village, Brodeck évoque aussi sa femme, perdue dans les méandres de son âme, un chantonnement perpétuel aux lèvres. Et puis sa fille, sa joie, sa petite Poupchette.

Dans une langue simple, poétique et brillante, « le rapport de Brodeck » dénonce la violence des hommes entre eux, la lâcheté et l'avilissement. Il brille également d'humanité e d'espoir avec un personnage qui, malgré les souffrances endurées et les sombres secrets dévoilés, espère toujours en la vie : « O petite Poupchette… certains te diront que tu es l'enfant du rien, que tu es l'enfant de la salissure, que tu es l'enfant engendrée de la haine et de l'horreur. Certains te diront que tu es l'enfant abominable conçue de l'abominable, que tu es l'enfant de la souillure, enfant souillée déjà bien avant de naître. Ne les écoute pas, je t'en supplie, ma petite, ne les écoute pas. Moi je te dis que tu es mon enfant, et que je t'aime. Je te dis que de l'horreur naît parfois la beauté, la pureté et la grâce. Je te dis que je suis ton père à jamais. Je te dis que les plus belles roses viennent parfois sur une terre de sanie. Je te dis que tu es l'aube, le lendemain, tous les lendemains et que seul compte cela qui fait de toi une promesse. Je te dis que tu es ma chance et mon pardon. Je te dis ma Poupchette, que tu es toute ma vie. »

Voici certainement mon ouvrage préféré de Philippe Claudel.
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L'homme est ainsi fait qu'il préfère se croire un pur esprit, un faiseur d'idées, de songes, de rêves et de merveilles. Il n'aime pas qu'on lui rappelle qu'il est aussi un être de matières, et que ce qui s'écoule entre ses fesses le constitue autant que ce qui s'agite et germe dans son cerveau.
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« le Rapport de Brodeck » est aujourd'hui un roman dont la qualité est confirmée. le nombre de commentaires et d'évaluations sur Babelio, à lui seul, le confirme.
Le roman absorbe le lecteur par son style, sa composition et le grandissime malaise qu'il développe au fil des pages.
Après la seconde guerre mondiale, Brodeck obéit à une mission collective : rapporter la chronologie du meurtre d'un étranger qui a présenté dans une série de tableaux le portrait des villageois. le peintre a saisi les travers, les défauts et les vices des villageois… qui n'ont pas supporté de se voir dans leurs faiblesses et l'ont tué. Dans l'élaboration de ce rapport, Brodeck rapporte peu à peu sa propre histoire qui n'est que l'illustration de la bêtise et des horreurs dont ses voisins ont été capables. Etranger au village, ses responsables, aux ordres des conquérants, l'envoient dans un camp de concentration. La survie de Brodeck tient du miracle, il a surmonté l'horreur. Brodeck rapporte les faits avec froideur, il paraît avoir enfoui tout ressentiment. Seul l'amour pour sa femme Emelia, pour Fédorine, qui l'a recueilli enfant et Poupchette, qu'il considère comme sa fille, le maintient dans une humanité plus qu'incertaine dans ce roman.
La noirceur de l'histoire de Brodeck contraste avec le style qui illumine le roman par la qualité des descriptions. L'auteur réussit à dégager quelque optimisme dans cette tragédie.
En cette période où les migrants frappent à nos portes, cette histoire interroge, comme un coup de poing nos consciences …
Un livre fort qui mérite son succès.
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Un roman presque en forme de thriller pour dire à la fois l'horreur des camps et l'intolérance au quotidien.
Dans un lieu et une époque non précisés, mais que l'on peut deviner, un étranger est sauvagement assassiné sans que cela ne choque personne, sauf Brodeck, un rescapé des camps. L'occasion pour lui, narrateur, de revenir sur sa vie de paria, sur les moeurs d'un village où les petites haines ordinaires le disputent aux horreurs commises contre l'étranger...
Un roman à l'ambiance étrange, presque oppressante. Littérairement très réussi, un beau texte, plein de souffrance et d'humanité, tout en pudeur, presque en suspense.
Le style de Claudel est toujours parfait, ciselé. On regrettera peut-être quelques longueurs...
Un beau moment de littérature.
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"Et si j'étais né en 17 à Leidenstadt
Sur les ruines d'un champ de bataille
Aurais-je été meilleur ou pire que ces gens
Si j'avais été allemand ?"
Voilà ce que nous chante Jean-Jacques Goldman et cela s'applique bien au roman de Philippe Claudel.
Si nous avions été un personnage du roman de Claudel, "le rapport de Brodeck", aurions-nous été meilleur ou pire que les villageois? Que les Allemands?
Aurions-nous été meilleurs ou pires que Diodème, que Brodeck lui-même?

Un peu à la manière de Primo Levi, on y voit l'homme repoussé dans ses derniers retranchements physiques et psychologiques, on y voit le faible face au fort, et le fort face au faible. le bien et le mal, parfois difficile à démêler

Ce livre parle aussi et surtout de la mémoire et de l'oubli. Si certains n'ont aucun mal à fermer les yeux sur les drames passés, qu'ils en aient été responsables ou non, d'autres comme Brodeck ne peuvent oublier...Et on le comprend.

J'ai adoré ce roman, cette atmosphère de huis-clos, traversé des souvenirs de Brodeck. J'ai aimé sa sérénité, l'amour sans faille qu'il porte à sa famille, sa loyauté, j'ai même aimé sa lâcheté, car honnêtement... Qu'aurions-nous fait à sa place?
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Le récit commence par un fait : la mort de « l'Anderer », l'étranger au village. Quel village ? On ne le sait pas vraiment : je l'ai cru au départ en Alsace, puis dans une région montagneuse d'Allemagne où on parle en dialecte. Et puis cela n'a pas vraiment d'importance, car cela pourrait être dans n'importe quel village du monde suffisamment retiré pour qu'on y vive entre soi, chacun connaissant tout (ou presque) de ses voisins.
Le narrateur est Brodeck, un homme simple – non pas simple d'esprit, car il a de l'instruction – qui se distingue des autres habitants du village par le fait qu'il est, lui aussi, un étranger : il n'est pas né ici, et on ne connaît pas ses parents.
Brodeck, sous le prétexte qu'il sait bien écrire, est chargé par le maire et les notables du village, d'écrire un rapport sur la disparition de « l'Anderer ». Mais on découvre, à mesure que le récit avance, que ce n'est sans doute pas la vraie raison. Et l'intrigue du roman se déploie petit à petit, par coups de projecteurs successifs, et en avançant sur deux voies : la narration de la vie de Brodeck, et la venue de ce mystérieux étranger qui sème rapidement le trouble dans la petite communauté villageoise.
Philippe Claudel montre un immense talent dans la narration proprement dite. On part sur une trame très simple, et peu à peu des éléments viennent se greffer pour compléter le tableau de la vie de Brodeck et de ses rapports avec les habitants du village.
Les événements sont sans aucun doute inspirés de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale, mais il reste un flou qui peut laisser penser que cela pourrait être vécu dans d'autres endroits et à une autre époque. L'horreur des camps nazis, où la personnalité des prisonniers est brisée, et où Brodeck survit en acceptant d'être – au sens propre - traité comme un chien, est un exemple amplifié de ce qui se passe dans le village : il faut se faire oublier, se conformer au moule commun, ne pas chercher à mettre en lumière ce qui est caché.
L'auteur montre aussi le comportement des foules qui, quand elles subissent une pression ou une menace, n'hésitent pas à trouver un bouc émissaire pour détourner le malheur qui pourrait s'abattre sur elles. On dénonce les « déviants », même sachant qu'ils sont innocents, même s'ils sont des amis, pour assurer sa propre tranquillité. Et une fois ce crime accompli, on s'empresse de l'oublier, et malheur à qui voudrait révéler la vérité.
Comme en temps de guerre, des gens ordinaires, bons pères de famille et bons chrétiens, deviennent des criminels. Et le message de ce livre est peut-être que nous sommes tous concernés.
Un livre sombre et pessimiste sur la nature humaine, mais éclairé par moments par la personnalité de Brodeck, le juste, qui pose sur son entourage un regard parfois un peu naïf, fataliste, avec de temps en temps un trait d'humour désabusé.
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« L'Anderer » – l'Autre- a été tué, un meurtre prémédité, un assassinat donc !
Brodeck a fait des études et possède une vieille machine à écrire, il est chargé, par les hommes du village, ceux-là même qui ont perpétré ce crime, de raconter ce qui s'est passé , mais lui n'a pas participé à l'Ereignië « , l'inqualifiable ». C'est ce rapport qu'il écrira, une version officielle pour les criminels, une plus prolixe pour lui.
Car Brodek a connu le pire : la détention dans un camp de la mort et la déshumanisation puisqu'il fut transformé en chien, « le chien Brodek » pour le plus grand plaisir sadique de ses tortionnaires.
Brodek est revenu de cet enfer , il a retrouvé sa femme Emélia , sa petite fille Poupchette et la très vielle Fédorine, celle qui le recueillit quand il avait quatre ans, devenu orphelin. On pense à un pogrom .
Philippe Claudel nous plonge dans une univers d'une infinie noirceur , pourtant , il nous en délivre, de temps en temps , grâce à ses somptueuses descriptions de la nature, notamment, qui nous permettent de reprendre souffle, de retrouver un pan de lumière et d'humanité .
On ne peut pas dater avec certitude l'époque de cette histoire, bien sûr largement inspirée par les atrocités commises avant et pendant la seconde guerre mondiale, on ne peut pas plus définir avec exactitude l'endroit où cela se passe , mais peut- importe parce que ce que raconte Claudel peut se produire , se reproduire à n'importe quelle période et en n'importe quel lieu , la lâcheté, l'intolérance, la bêtise sauvage, le sadisme, la vengeance, la veulerie, la xénophobie...toutes les atrocités commises par l'être humain sont intemporelles et cela est terrible à lire.
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