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3,92

sur 3163 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Une lente plongée dans le coeur des hommes. Noir et sordide, désespéré. A lire par canicule, par grand soleil, entouré de gens aimés... de ces personnes qui vous feront encore croire dans le genre humain. Car la lecture des âmes grises fait entamer au lecteur un long voyage dont il ressort bouleversé, écoeuré, chamboulé. Oubliez le film. Laissez-vous porter par les mots de Philippe Claudel. Je range ce livre à côté d'Un Long Dimanche de Fiançailles, mais il en est le pendant sombre.
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Belle, un surnom de conte de fées. Une petite princesse dont le corps trempé et recouvert d'une couverture repose sur la berge du petit canal. Étranglée, jetée dans le canal.
Elle avait dix ans, elle était connue de tous, aimée de tous.

Qui a pu perpétrer un tel crime, en ces temps où le crime est déjà légion à quelques kilomètres de là, sur le front ?

Le narrateur raconte, vingt ans plus tard, le froid polaire de cette matinée de décembre 1917, l'arrogance imbécile du juge, l'embarras du témoin qui a vu flotter le petit corps dans l'eau glacée et a donné l'alarme, les deux gendarmes.
Et le silence des canons, si rare.

Tout lui revient, une fois ce fil tiré, qui marque une frontière définitive entre la vie d'avant et le peu qui lui reste ensuite.

Parce que, jusqu'en décembre 1917, la vie avait tout de même des couleurs, gardait une certaine douceur, malgré les premiers coups de butoir, le canon qui tonnait en permanence à l'horizon, les troupes qui passaient dans le village pour monter au front ou en revenir, les blessés amenés à la clinique transformée en hôpital de campagne, les estropiés, amputés, défigurés errant dans les rues en attendant d'être rapatriés à l'arrière.
Il y avait encore des espérances, des joies, des plaisirs, en dépit de tout.
Il y avait la présence radieuse de Clémence, la beauté et le doux sourire égal de la jeune institutrice venue remplacer un instituteur rongé par les fantômes des tranchées, la fraîcheur de lys de la petite Belle.
Les notables remplissaient leur rôle de notables.
Etre procureur ou juge n'était pas anodin : cela vous posait quelqu'un dans la société, lequel profitait alors d'un respect sans rapport avec ses qualités personnelles.

Le narrateur dit le village, le procureur Destinat, veuf vivant seul dans son immense maison, le juge Mierck bâfrant des oeufs mollets sur la scène de crime, le maire tout tourneboulé de l'arrivée de la si jolie institutrice, les gens qu'il connaît depuis toujours, et Clémence son épouse.

Par flashbacks successifs, passant d'une époque à l'autre, il noue à mots comptés les liens d'un filet qui l'emprisonne et l'étrangle au moment où il écrit.
Trop.
Trop de laideur, trop d'injustice, trop d'indifférence, trop de faiblesse, trop de ratés.
Et la barbarie au loin, visible du haut de la colline.

Elles sont bien grises, les âmes de ceux qui restent, ayant survécu à la guerre, aux drames, le pas lourd de souvenirs et de regrets.
Et comme Philippe Claudel les raconte bien !
Comme il nous les rend proches !
Leur humanité et ses faiblesses éclatent derrière chacune d'entre elles, âmes grises n'ayant pu conserver l'innocence des premières années, frottées aux cendres du temps sans avoir pour la plupart basculé dans un mal absolu.

L'alternance des souvenirs du narrateur, des époques et de ce qu'il sait des différents protagonistes nous fait découvrir au fil des pages l'ampleur de l'impact du crime.
Nul n'est épargné.
Il y a ceux qui en sont marqués à vie et ceux dont le crime révèle la médiocrité, voire la cruauté gratuite.
Le narrateur, lui, est hanté par la déferlante qui a dévasté sa vie.
Seul.
Sa solitude en miroir à une autre.
Abîmé.
Les mots de Philippe Claudel accompagnent cette détresse dans laquelle on s'enfonce avec lui, avec ces vies qui s'emboitent et forment un motif mouvant.
La vérité est mouvante, jusqu'aux dernières lignes.

Lu d'un seul souffle.
Saisie par cette tragédie qui se tricote patiente, implacable, allant inéluctablement à son terme violent.
Me restera l'image de ces présences lumineuses, Clémence, Lysia, Belle, étincelles de beauté et de vie dans ce monde qui s'enlaidit au quotidien, échouant à maintenir la barbarie sur la ligne de front à quelques kilomètres de là.
Et de ces âmes, grises d'être privées de leur éclat…

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Qui est ce narrateur ? Quelle est cette Affaite ? Qui sont ces âmes grises ?
Les questions se bousculent et s'entremêlent et l'auteur nous fait languir pour donner les réponses.
Le narrateur, plutôt passif, nous transmet ses observations, usant des sa mémoire et des témoignages qu'il a recueillis.
Le puzzle se construit doucement, pièce par pièce
C'est la guerre, pourtant les habitants de ce village sont épargnés. Ils ne sont pas au front, mais à l'usine. Pas loin, le bruit des canons gronde. Des drames se jouent sur place : le suicide de la jeune institutrice, et le corps étranglé de la petite Belle de jour.
Les habitants sont passés au scalpel. Il y en a d'odieux et d'autres lumineux.
Les âmes ne sont ni blanches ni noires, elles sont grises, et ce gris varie du plus clair au plus foncé.
C'est un livre fort, visuel, olfactif, sensible. Les personnages sont plus vrais que nature.
Philippe Claudel réussit à nous immerger complètement dans l'ambiance trouble et oppressante de ce village
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**** Un beau texte sur fond de grisaille****

Amateur de beau texte, ce livre est un petit chef d'oeuvre littéraire.

Au départ, nous pensons à une intrigue policière, puisque c'est le policier en charge de l'enquête du meurtre de la fillette de l'aubergiste qui parle.
Celui-ci nous parle de "l'Affaire" et des drames qui frappent ce village du nord de la France, pendant la seconde guerre mondiale, où tout est sombre et désespéré.
Au fil des pages, autour de ce crime non élucidé, une vie dure se raconte, celle du narrateur dans ce monde quasi masculin où les femmes ont peu de place.

La petite fille de l'aubergiste est retrouvée morte.
Tous les soupçons se porte vers le procureur, un homme austère, secret, veuf, vivant seul dans sa demeure qui ressemble à un château.
Quelque temps plus tard, on retrouve l'institutrice morte dans la petite maison attenante à la propriété du même procureur.
Puis il y a le juge et son acolyte, vivant dans l'opulence pendant ces temps de guerre, où les gueules cassées reviennent du front.
Puis enfin, il y a l'histoire douloureuse du narrateur, le policier, qui nous raconte l'histoire de "L'Affaire" plusieurs années plus tard où lumière est faite.

Premier roman de Philippe Claudel, qui m'a séduite de part son écriture passionnante au style clair et précise.

Roman dramatique qui m'a complètement bouleversée à la fin du roman, une fin tragique à laquelle on ne s'attend pas.

Les âmes grises, c'est finalement toute la noirceur de l'âme humaine, mais délicieusement décrite.
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Une histoire assez difficile : pendant la première guerre mondiale une petite fille est retrouvée assassinée dans son village. Une enquête est menée, les habitants deviennent méfiants et les accusations et soupçons dévoilent les drames de chacun. Des moments noirs et des passages riches en description donnent parfois l'impression de se retrouver dans ce village isolé en plein brouillard. le roman est poignant et tient en haleine avec les récits des différents personnages tourmentés, dans la souffrance, perdus dans cette sombre période.
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Quelque part en France, les canons grondent près du village, c'est la guerre , celle qu'on n'appelle pas encore la première guerre mondiale, village où cahin-caha la vie continue car très peu d'hommes sont mobilisés tout occupés qu'ils sont à travailler dans l'indispensable usine. Dans ce village du début du XXI siècle, on retrouve les figures classiques des grands bourgeois, juge ou procureur qui fréquentent la même auberge, partagent les mêmes valeurs et le monde des petits, servantes, ouvriers, le tout dans un ballet bien rodé.

Et puis un matin on découvre le cadavre d'une fillette morte étranglée au milieu d'un champ. L'Affaire va faire frémir le village et particulièrement le narrateur très impliqué dans cet évènement.

L'auteur se plait à nous promener doucement dans les recoins tristes de l'âme d'hommes parfois laids parfois bons souvent malheureux .Les portraits sont ciselés, humains, crédibles. En parallèle il nous promène de souvenirs en souvenirs , de personnages en personnages , nous éloignant d'une vérité qui nous arrive sans qu'on ait vraiment envie de l'entendre.

Un très beau roman avec une construction bien conçue, une belle écriture, un texte fin et émouvant.

Tout comme "La petite fille de Monsieur Linh" ce roman est un petit bijou.
Lien : http://theetlivres.eklablog...
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Belle de jour, fillette de 10 ans, est retrouvée morte en décembre 1917. l'enquêteur de l'époque raconte des années plus tard des bribes de vie de cette époque. du procureur froid et solitaire au juge sans éducation, de la jeune institutrice amoureuse à en mourir au médecin compatissant, tous ces personnages représentent les âmes grises. Sur fond de la première guerre mondiale et sa cruauté, l'auteur met en scène les personnages, les morts qui ont peuplé ce petit village où s'exhibent les différences sociales de classe, les tourments.
Il y a dans ce roman comme un hâle de noirceur, une ambiance étriquée et oppressante qui lui donne toute sa force. Une belle écriture qui justifie ses prix littéraires.
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Après avoir lu de bonnes critiques sur Les âmes grises, après avoir été charmée par La petite fille de Monsieur Linh de Philippe Claudel, j'espérais mieux de cet ouvrage " dans sa globalité" . Je m'explique :
Une fois le décor bien planté au début du récit, concernant le meurtre de " Belle de jour " une fillette dans la fleur de l'âge, la suite m'a parue très vite brouillon, tant et si bien que j'ai eu du mal à rentrer dans l'histoire. Il faut reconnaître que le narrateur passe souvent du coq à l'âme, pardon, à l'âne.
Les faits et gestes des protagonistes de " l'affaire " le juge Miereck, le colonnel Matziev, l'institutrice, m'ont semblés inutiles et ennuyeux au possible.
J'ai eu maintes fois pitié de la petite morte, que j'imaginais laissée pour compte dans le froid durant tout le temps perdu en descriptions futiles. Il m'a fallu patienter, grelottante, voire même givrée, jusqu'à plus de la moitié du roman pour enfin l'apprécier à sa juste valeur, lorsque les évènements s'enchaînent, que l'enquête progresse enfin, donnant tout son sens à l'énigme des âmes grises.
En conclusion : Ormis certains passages fastidieux, je me dois de mettre un point d'honneur à l'écriture de ce roman. Pourquoi me direz-vous, alors que jusque là, j'avoue ne pas avoir adhérée au récit ?: Pour la chute, celle qui m'a bien remuée en dedans là où, oui, là où toute la finesse, la subtilité de l'écriture de Philippe Claudel et l'émotion que m'avait sucitée La petite fille de Monsieur Linh me sont réapparuent dans toute leur magnificence.

Pardonnez moi Monsieur Claudel, d'avoir douté de votre plume....
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Encore un roman de Philippe CLAUDEL qui dévoile son immense talent de conteur et sa maîtrise parfaite d'une langue française qui utilise les mots de tous les jours pour dire l'extraordinaire du quotidien, même terne, même gris. A travers la recherche de la vérité sur ce crime, ce temps, cette vie perdue, c'est le fond de lui-même que sonde le narrateur, dont on apprendra très tardivement qu'il était policier dans le petit village où 'Belle de jour', une fillette de 10 ans a été étranglée. Nous sommes en pleine guerre 14-18, l'horreur du front, qui n'est pas loin, se rend visible à ceux qui sont restés pour faire tourner l'Usine par les hordes de militaires qui y vont et les cohortes de blessés qui en reviennent. Au village, la bourgeoisie tient le haut du pavé, décide, au mépris du vrai, ce qui doit être la vérité tandis que les petites gens se courbent et se taisent car on ne leur a jamais dit qu'il pouvait en être autrement.

"Les âmes grises" (Prix Reanudot 2003) n'est pas seulement (et même très peu) une enquête policière. C'est d'abord le long cheminement d'un homme, le narrateur, qui fouille le passé pour retrouver qui il a été, pouvoir le dire, pouvoir enfin se sentir libre de renouer avec son amour de toujours, Clémence!

Roman très agréable à lire. Recherche profondément humaine de qui chacun peut être ou devenir.
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Univers prenant, angoissant, personnages campés hauts en couleur, crime insoutenable, il y a tout pour plaire dans ce roman etrange, talentueux, qui se lit comme un thriller psychologique d'une magistrale galerie de portraits . le genre de roman qu'on referme et qui reste longtemps avec vous.Philippe Claudel n'écrit pas pour ceux qui veulent comprendre l'histoire dès les vingt premières pages. Il faut mériter le livre et se torturer l'esprit avec le personnage principal. L'écriture est superbe, directe et sans fioriture. Les sentiments font mal mais nous les désirons. Ce livre est superbement construit et laisse le lecteur délicieusement desorienté jusqu'à la dernière page.
Lien : https://www.babelio.com/livr..
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