Le langage des chiffres a ceci de commun avec le langage des fleurs, on lui fait dire ce que l'on veut ».
Michel Audiard avait ,sans aucun doute, une nouvelle fois,raison. Mais les
parfums ?
D'où vient donc cette grâce qui saisit les âmes, mais également la main guidant une plume lorsque qu'un parfum vient se rappeler à nous telle une abeille gourmande dans un jardin de fleurs.
Le parfum, l'odeur, l'effluve, la senteur, l'émanation, que ce soit celui que nous concédons aux anges où celui qui nous enveloppera dans notre tombe, le parfum est à l'esprit ce que le soleil est à notre oeil.
Qu'une pomme vienne à nos lèvres, qu'un jasmin emplisse nos mains, qu'une Cologne ou qu'une résine de pin vienne murmurer à notre narine, nous voilà voyageurs, reporters de notre temps.
Sourire, mélancolie, joie , peur ou bien dégoût, le parfum est un exhausteur de sentiments.
Philippe Claudel nous convie à suivre les traces de ses
parfums.
Ivresses de l'image, contenance de ses tendresses, élixirs de sa ressouvenace, clin d'oeil de l'absence, gestes du lien, fantômes de terreur.
Parfums de nos ambiances traversières, de nos rites, de nos sacres, de nos prières champêtres, de nos folies.
Parfums en refuge, en formes, en espace, létales ou bien amis.
Parfum d'un sein, d'un ventre animal,
parfums élémentaires, odeurs à jamais premières. Luxuriants, jouissifs, exubérants, lourds, gourmands, piquants, exaltants,
parfums de tous les charmes et puis de certains de nos drames.
Parfums de pluie, de draps, d'épines, de mousse, d'alcool, de palabres, de salon, de couloir et de beau soir.
Parfums d'éveil, parfum des corps, libres, exhalant le goût de nos amours.
Odeurs surtout, de fougue et d'orage, de filet et de mailles, de marais et de tourbe,
Parfums d'écailles, d'épousailles, de courses ou d'hivernage.
Les
parfums nous parlent et nous rappellent à notre savoir.
Savoir qu'à cette fleur il est toute l'enfance, savoir qu'à ce coquillage se trouve le premier été, savoir qu'à cette sève se dessine un baiser, savoir que dans cette laine s'accroche nos regrets.
Tout est image et donc parole dans le monde de nos odeurs.
Ce monde nous dit nos instants, où les
parfums, à notre insu, prenaient note de ce qui plus tard devait nous rappeler, au hasard d'une rue, d'une écharpe ou d'un train, toute l'intensité de ce que nous avions vécu.
Astrid Shriqui Garain