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sur 275 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Philippe Claudel nous présente de courts textes classés par ordre alphabétique. Un classement très pratique dans mon cas, pour retrouver un extrait qu'on désire relire.
Passé ce petit détail technique, nous entrons dans les souvenirs de l'auteur, certains liés à son enfance en Lorraine près de Nancy, d'autres en tant qu'adolescent, jeune adulte et enfin des souvenirs plus proches.
Une grande poésie se dégage de l'écriture, une sensibilité, un ton juste, une écriture précise et ciselée avec de très beaux mots pour décrire les ambiances, les parfums liés au thème choisi.
Son âge n'est pas loin du mien, je peux donc, à travers des mots, visualiser des objets que j'ai connus, des ambiances de villages pleins de vie , sentir des odeurs que j'ai emmagasinés dans ma mémoire.
J'avais le livre depuis sa sortie en 2012 avec comme très belle couverture - jaquette, une partie du tableau de Klimt," les trois âges de la femme " dont il parle dans son texte "Enfant".
Je relis souvent mes textes préférés :
- Ail où le couteau de sa grand-mère le fait partir vers l'image du lapin qu'on tue et déshabille. L'image se dessine très précisément dans ma tête.
- le brouillard qui lui permet de rentrer au plus profond de lui-même.
- La cannelle qui nous donne cette bonne recette de vin chaud dont je me souviens quand j'en prépare.
- Dans La cave, il aborde le sujet de l'électricité que les personnes âgées n'allumaient que lorsqu'on n'y voyait presque plus rien. Un souvenir partagé chez une de mes grands-mères qui adorait papoter dans la pénombre avec ses visiteurs. On lui rappelait alors qu'il était peut-être nécessaire d'allumer.
- L'Église qui lui donne l'occasion de nous fournir des réflexions savoureuses.
- l'' École qui nous fait sentir l'ancienne odeur de la colle qui sentait l'amande...
...et bien d'autres souvenirs que j'ai partagés avec l'auteur ou d'autres textes sur des évènements, des sentiments , des ressentis que j'ai découverts .
Un livre qui ne se range jamais définitivement.


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Philippe Claudel nous propose une infinité de voyages qui commencent au seuil des narines et qui remontent le temps et les souvenirs. Son abécédaire olfactif se compose de madeleines de Proust délicates, robustes, répugnantes ou éthérées. Qu'il parle d'ail, d'ombellifère ou de gymnase, ses descriptions sensitives sont des hommages au passé. S'il a classé les parfums de son laboratoire personnel par ordre alphabétique, l'auteur ne suit par d'ordre chronologique. On saute de ses questionnements d'adolescents à ses chagrins et ses bonheurs d'enfants pour mieux revenir aux évidences de son présent ou de son passé immédiat.

Sous la plume de l'auteur, les odeurs vêtent leurs plus beaux atours. Les nuages qui frôlent le sol se parent d'impressionnisme : « Extracteur à froid de parfums suspendus et potentiels, le brouillard sabote le paysage quotidien pour le donner à voir et à sentir autrement. » (p. 36) Pendant ce temps, l'essence de la mort est plus métaphysique que jamais : « Depuis cet instant, je sais que la mort a un parfum d'éther. Et je ne cesse de m'entraîner en vue d'une apnée infinie. » (p. 98) Et comment ne pas balbutier d'émotion devant l'intense lyrisme qui entoure les odeurs du réveil ? le Cantique des cantiques est transfiguré dans cet entre-deux qui sépare le sommeil de la veille : « Avant que mon aimée n'ouvre les yeux, avant même qu'elle ne me voie, qu'elle ne me sourie, ce que je veux étreindre en respirant sa peau et sa chevelure, c'est notre présence commune qui fait de ce réveil le recommencement de notre amour, l'aube ressuscitée d'une durable harmonie. » (p. 172 & 173)

Comme un alchimiste, Philippe Claudel manipule les essences : il mélange fragrances et puanteurs dans un alambic superbe qui exhale des souvenirs puissants. Il est un chimiste audacieux qui convoque un fromage agressif à côté d'un suave acacia. Parfois épicurien mélancolique, voire nostalgique, il devient jouisseur gourmand et curieux et plonge à plein nez dans les odeurs qui ont marqué sa vie. Dans cet inventaire à la Claudel, nul doute que vous trouverez aussi des parfums familiers.

Faut-il que je vous redise à quel point je suis sensible à la plume de Philippe Claudel ? À mon sens, il est un des plus grands auteurs du 21è siècle, celui que je convoque dès que je doute du futur de la littérature. Pour comprendre et déguster Parfums¸ replongez dans le rapport de Brodeck où les odeurs de la terre sont plus pures que les émanations des hommes ou visitez Meuse l'oubli pour comprendre le parfum de victoire de l'amour face à la mort. Parfums n'est pas un roman : c'est un subtil recueil d'évanescence, une palette d'impalpable.
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Je croyais mon enfance totalement disparue, je pensais que ma mémoire m'avait lâchée, pour une obscure raison.
Et puis…. « Parfums » m'a reliée à mon passé, j'y ai retrouvé, intacts, tous mes souvenirs !
Ce livre a été une révélation, et je pèse mes mots.

En énumérant ces odeurs très diverses, qu'elles soient de la nature, des gens, des choses, des aliments, des lieux, Philippe Claudel s'immerge dans son enfance et son adolescence passées dans sa Lorraine où il habite toujours. Il fait référence à une multitude de situations personnelles mais qui m'ont touchée profondément car je m'y retrouvais, à ma manière.
Il parle de ses parents, j'ai retrouvé les miens.
Il parle de ses copains et de leurs jeux, j'ai rejoué en pensée, moi aussi.
Il parle des séances chez le coiffeur, des visites chez le médecin, je m'y suis revue.
Il parle des douches collectives, du gymnase, de la piscine, je m'y suis plongée.
Il parle des animaux, de l'acacia, des champs sous le soleil, des rivières, je les ai sentis moi aussi, comme je les sens encore.
Il parle des tomates en train de cuire, du steak à l'ail cuisiné par sa grand-mère, je les ai goûtés à nouveau, sous les yeux vigilants de mes parents et grands-parents : « Mange tout, c'est bon pour la santé ».
Il parle aussi du cimetière, de la maison d'enfance prête à être vendue, de la vieillesse… et là, une flèche s'est fichée en mon coeur. Nostalgie, peine immense, mais envie de vivre.

Il parle, il parle…et moi je vogue sur ses mots magiques et poétiques, heureuse d'être mélancolique.
Heureuse d'avoir lu ce livre essentiel pour moi, car il m'a permis de retrouver mon passé, intact, à ce moment de ma vie où ayant perdu mes parents et ma maison d'enfance, j'avais peur de me perdre moi aussi.
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Philippe Delerm avait stimulé nos sens avec sa “première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules “, Philippe Claudel emprunte ce chemin en nous rappelant les parfums de notre enfance.

Ces souvenirs sont inscrits dans notre mémoire olfactive et la force d'évocation de l'auteur est prégnante comme celle qui nous plonge dans la petite enfance.

Ses 63 chroniques sont classées par ordre alphabétique de l'acacia au voyage, en passant par le chou ou le munster.

Claudel égrène ses souvenirs nostalgiques, mais toujours touchants.
J'ai partagé cette évocation qui le ramène en Lorraine et j'ai perçu l'odeur de la piscine de Nancy-Thermal que j'ai également fréquentée.

C'est ma deuxième lecture de ce livre poétique qui pourra encore se renouveler tant le texte est riche.
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"Je suis comme les livres. Je suis dans les livres. C'est le lieu où j'habite, lecteur et artisan, et qui me définit le mieux."
Ainsi, si chaque lecteur fait corps avec un livre, "Parfums" permet à son auteur, Philippe Claudel, de revenir sur les parfums qui le bercent depuis son enfance et qui font de lui l'homme qu'il est aujourd'hui, et de partager tous ces parfums avec le lecteur qui lui-même replonge dans ses souvenirs.
Voyage littéraire olfactif, "Parfums" s'intéresse à tout, du plus important au plus insignifiant, ne se limitant pas à des parfums de fruits ou de fleurs, mais également à celui attaché à un lieu, comme une chambre d'hôtel : "Son parfum véritable, c'est celui de notre brièveté et de notre inconsistance.", avec un arrière-fond de mélancolie par rapport au temps qui passe et qui n'épargne rien ni personne : "Le temps ferme les portes et dépend les enseignes sans placarder nulle part d'avis de décès.".


Philippe Claudel est Lorrain, et son livre, outre le fait de rendre hommage aux parfums qui ont bercé son enfance, son adolescence et sa vie d'adulte, est aussi une ode à cette région de France.
En le lisant, il suffit de fermer les yeux pour voir les paysages et de respirer pour sentir les odeurs décrites, ainsi lorsqu'il est question de l'odeur de l'alambic il n'est pas possible de la dissocier de l'alcool de mirabelle et d'imaginer l'arbre couvert de fruits : "Sans doute au ciel s'enivre-t-on de ces vapeurs, mais sur terre, nous, qui ne sommes plus des anges et pas encore des démons, devenons grâce à elles des faunes hébétés zigzaguant à vélo, riant pour rien, heureux, ivres de cette brise d'alcool et ivres de la vie.".


Je ne qualifierai pas "Parfums" de roman autobiographique, je trouve au contraire que ce livre a une portée universelle car il renvoie chacun à sa vie, à ses souvenirs, à des personnes ou des lieux qui aujourd'hui n'existent plus et qui pourtant restent gravés dans la mémoire : "Chaque lettre a une odeur, chaque verbe, un parfum. Chaque mot diffuse dans la mémoire un lieu et ses effluves. Et le texte qui peu à peu se tisse, aux hasards conjugués de l'alphabet et de la remembrance, devient alors le fleuve merveilleux, mille fois ramifié et odorant, de notre vie rêvée, de notre vie vécue, de notre vie à venir, qui tour à tour nous emporte et nous dévoile.".
Je me suis retrouvée dans certains des écrits de l'auteur et cette lecture m'a amenée à repenser à des personnes ou à des lieux sans tristesse.
Comme l'auteur, chaque lecteur est finalement amené à se promener sur le chemin de sa vie, et c'est cette promenade des plus agréables que nous propose Philippe Claudel à travers son livre.
Il s'agit d'un recueil de nouvelles, la lecture en est donc rapide et sans lassitude, d'autant que l'auteur jongle habilement entre les parfums, ne respectant pas d'ordre chronologique.
Chaque nouvelle se présente donc comme une photographie d'un moment passé, qui pourrait resurgir à n'importe quel moment, dans n'importe quel endroit, juste parce qu'une odeur, un paysage ou une personne déclenche un souvenir.
Le style littéraire de Philippe Claudel est net et précis, son écriture est fluide et il arrive parfaitement à véhiculer des émotions avec les mots employés.
Je tiens également à souligner que la couverture est particulièrement soignée et belle, elle illustre d'ailleurs assez bien la proximité entre l'auteur, son écrit et le lecteur, et le moment de partage qui se déroulera au cours de cette lecture.

Philippe Claudel, auteur/dramaturge/cinéaste plutôt discret, livre avec "Parfums" un bijou magnifique dans un écrin d'émotions qui trouve un écho en chaque lecteur et s'affirme encore plus comme une des plus belles plumes de la littérature d'aujourd'hui.
Lien : http://lemondedemissg.blogsp..
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"Laisse-moi respirer longtemps,longtemps l'odeur de tes cheveux..pour secouer les souvenirs dans l'air."
Philippe Claudel, s'est inspiré des vers de Charles Baudelaire, pour réaliser, lui aussi, à fleur de mots odorants, une "envoutante opération musicale, alchimique et sensorielle". Parfums s'élève, subtile poésie, émotions palpables.
C'est le plus souvent, avec volupté, que l'auteur se plonge dans ses propres souvenirs. Soldats de plomb, classés par ordre alphabétiques, ils défient le temps, puissants, l'abolissent, pour se charger de l'or des alchimistes, mais un or ciselé par un travail d'orfèvre.
Les parfums se mèlent au goût des "grappes craquantes pleines de fleurs" d'acacia (l'hiver n'est plus, c'est le "printemps qui vient à sa bouche") ou au goût de canalle des gateaux à la "musique olfactive".
Le magicien Philippe Claudel transforme les choses: la nuit est "vêtement, la chambre d'hôtel, telle une prostituée "se donne à qui la paie".
L'imagination fertile de l'auteur transparait: le droguiste, nimbé d'encaustique, "s'apprête à témoigner en cour d'assises".
L'odeur de l'enfant qui dort renvoie au bonheur tendresse de sa fille blottie dans les bras de sa mère, puis à la perfection de l'art, celle du tableau de Klimt (installé, d'ailleurs, en première de couverture).
C'est sa vie qu'il nous conte, une vie dont il nous livre les clés à travers mots fruités, sucrés, acides et parfois puants (ex:pissotières ou munster) ,une vie tissée d'émotions, faite de joies (amour maternel) mais aussi de petites trahisons (l'éther lui rappelle une angoissante hospitalisation), des peurs d'enfants (ex:dans la cave) ou des premiers émois empreints d'érotisme comme ces gymnases où les corps se dévoilent.
Philippe Claudel dresse dans Parfum un autoportrait attachant: celui d'un rêveur qui habite dans les livres, un hypersensible poète à ses heures, un être réservé qui se terre dans son trou.
Son style délicat, élégant, traduit son amour de l'art pictural et de la poésie musicale et légère.
Bref, Parfums est un pur bijou, qui évoque parfois La première gorgée de bière de Philippe Delerm.
A quand le prix? Philippe Claudel, de l'Académie Goncourt, cinéaste, écrivain,dramaturge et essayiste, a plus d'une corde à son arc. Bravo!
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La Feuille Volante n° 1281
Parfums - Philippe Claudel – Stock.

Philippe Claudel égrène ses souvenirs d'enfance et d'adolescence mêlés à travers les fragrances qui les ont accompagnés. Ils sont attachés à son terroir lorrain , aux années difficiles et pauvres, Sa madeleine de Proust à lui c'est plutôt le charbon âcre qui prend à la gorge dans la rue des corons, les senteurs de moissons ou de pain chaud du matin. Il évoque la maigreur des jeunes années, les maladies infantiles, les cheveux portés ras et la phobie de choses inconnues qui plus tard le feront sourire, celle de l'hydrocution qu'on appelait pas encore comme cela, du respect du temps de la digestion avant de se baigner, l'odeur collante et grasse de la crème qui évitait les brûlures du soleil, les rituels des incontournables colonies de vacances, Plus tard se seront l'euphorie des terrains de foot, le recueillement craintif dans le mystère des églises, les messes servies dans l'odeur entêtante des cierges et de l'encens, une foi qui sera définitivement balayée par le raisonnement de la maturité, l'auteur dénonçant cette religion pas vraiment « en odeur de sainteté »! Puis viendront les tribulations du potache boutonneux qui fantasme sur les plus jolies filles de sa classe mais doit se contenter de la plus moche, les bals et les « surprise-party », les pantalons pattes d'éléphant et les minijupes, les cigarettes au goût mentholé, les « blousons noirs », les juke-box et les mobylettes pétaradantes et trafiquées… Il poursuit son chemin au rythme de sa vie et de ses souvenirs, Certains s'accrochent aux fragrances d'une eau de toilette, aux effluves qui suivent, comme une écharpe suave, la silhouette d'une passante, aux arômes d'alcool qui sortent d'un alambic de campagne ou qui embaument l'été de ses odeurs de foin coupé, à celles de la salle de « la communale » faites de craie et d'encre avec le crissement de la plume d'acier et ses calligraphies de pleins et de déliés, celles de colle blanche ou de l'eau de Javel... Quand il nous parle d'une chambres d'hôtel, ce n'est pas dans un palace, c'est pour évoquer des souvenirs de vacances d'été, c'est à dire pas ce que j'aurais pu imaginer avec mon mauvais esprit. Il n'oublie pas non plus l'effluve des vieux livres qui embaument les bibliothèques et qui, bien entendu, donne naissance à cette irrésistible envie d'écrire, celle de la résine des sapins et la fraîcheurs des sous-bois, « les parfums des corps qui s'aiment » dont le réveil nous fait l'obole quand la nuit n'est plus qu'un souvenir et le rêve des images qui s'effacent.
Il collige par ordre alphabétique, en commençant par « acacia » et terminant par « voyage » les différents parfums qui ont fait partie de son existence, qui n'est cependant pas terminée, et l'hédonisme prend souvent le dessus quand il s'agit de nourritures terrestres, Quant au sexe des femmes, il trouve, pour en parler, les mots du poète passionné et ému par leur corps, image de la beauté, de la tendresse et de la volupté.
Parfois les parfums se transforment en puanteur, l'haleine chargée d'apéritifs anisés des adultes, la fumée bleue de leurs cigarettes qui enroue la voix, le remugle des pièces jamais aérées à l'atmosphère moisie d'un air cent fois respiré… Il nous confie son attachement aux antiques pissotières et ses relents d'urine, à l'odeur du poisson juste pêché, à la sueur de l'effort ou des journées du dur labeur, mais aussi aux douces fragrances de torréfaction que les hasards d'une rue offrent au passant. Ce sont les marques de la vie, des senteurs évadées d'une géographie urbaine et rurale familières et qui s'attachent à un lieu-dit ou à un quartier, nommés ici par leur nom et les mots de notre si belle langue française sont convoqués pour exprimer ces émotions intimes et parfois fugaces. Ce ne sont plus vraiment des parfums mais les images et les odeurs qui jalonnent nos vies, nourrissent notre mémoire, maintiennent nos sens en éveil, s'attachent aux êtres et aux choses dont le destin est de disparaître parce qu'il en va ainsi de toutes les choses humaines. Malgré soi on embellit les moments passés, la nostalgie prend parfois le dessus et le temps lui-même s'abolit. C'est pourtant à l'aune de cela qu'on le mesure ce temps passé  qui donne parfois le vertige, et aussi, le vieillissement, notre avancée vers la mort

Ce sont de courts textes baignés de poésie et j'ai retrouvé avec plaisir cette manière coutumière de l'auteur de faire chanter les mots et d'émouvoir son lecteur.
© Hervé Gautier – Octobre 2018. [http://hervegautier.e-monsite.com]
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Le langage des chiffres a ceci de commun avec le langage des fleurs, on lui fait dire ce que l'on veut ». Michel Audiard avait ,sans aucun doute, une nouvelle fois,raison. Mais les parfums ?
D'où vient donc cette grâce qui saisit les âmes, mais également la main guidant une plume lorsque qu'un parfum vient se rappeler à nous telle une abeille gourmande dans un jardin de fleurs.
Le parfum, l'odeur, l'effluve, la senteur, l'émanation, que ce soit celui que nous concédons aux anges où celui qui nous enveloppera dans notre tombe, le parfum est à l'esprit ce que le soleil est à notre oeil.
Qu'une pomme vienne à nos lèvres, qu'un jasmin emplisse nos mains, qu'une Cologne ou qu'une résine de pin vienne murmurer à notre narine, nous voilà voyageurs, reporters de notre temps.
Sourire, mélancolie, joie , peur ou bien dégoût, le parfum est un exhausteur de sentiments.
Philippe Claudel nous convie à suivre les traces de ses parfums.
Ivresses de l'image, contenance de ses tendresses, élixirs de sa ressouvenace, clin d'oeil de l'absence, gestes du lien, fantômes de terreur.
Parfums de nos ambiances traversières, de nos rites, de nos sacres, de nos prières champêtres, de nos folies.
Parfums en refuge, en formes, en espace, létales ou bien amis.
Parfum d'un sein, d'un ventre animal, parfums élémentaires, odeurs à jamais premières. Luxuriants, jouissifs, exubérants, lourds, gourmands, piquants, exaltants, parfums de tous les charmes et puis de certains de nos drames.
Parfums de pluie, de draps, d'épines, de mousse, d'alcool, de palabres, de salon, de couloir et de beau soir.
Parfums d'éveil, parfum des corps, libres, exhalant le goût de nos amours.
Odeurs surtout, de fougue et d'orage, de filet et de mailles, de marais et de tourbe, Parfums d'écailles, d'épousailles, de courses ou d'hivernage.
Les parfums nous parlent et nous rappellent à notre savoir.
Savoir qu'à cette fleur il est toute l'enfance, savoir qu'à ce coquillage se trouve le premier été, savoir qu'à cette sève se dessine un baiser, savoir que dans cette laine s'accroche nos regrets.
Tout est image et donc parole dans le monde de nos odeurs.
Ce monde nous dit nos instants, où les parfums, à notre insu, prenaient note de ce qui plus tard devait nous rappeler, au hasard d'une rue, d'une écharpe ou d'un train, toute l'intensité de ce que nous avions vécu.

Astrid Shriqui Garain
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J'ai lu ce recueil de souvenirs après en avoir entendu quelques extraits lus par des femmes qui savaient faire partager ces textes avec beaucoup de talent et de gourmandise. Il se trouvait de très jeunes personnes et quelques enfants parmi les auditeurs. Ces lectures ont été appréciées de tous. Philippe Claudel se délecte à restituer des souvenirs avec des mots et je partage ce goûté/senti avec beaucoup de plaisir!!!!
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J'ai trouvé que tout était beau dans cet ouvrage : l'originalité de l'idée, la diversité des parfums (agréables ou moins agréables), le soucis des détails, les émotions ressenties par le personnage, la richesse de l'écriture, la beauté des comparaisons, le style, etc.
C'est un livre qui me parle, on pourrait presque dire qui respire, tant certains parfums m'ont rappelé des souvenirs au point que j'avais l'impression de revivre certaines situations.
Un livre qui fait réfléchir ; et si on s'efforçait de vivre le monde différemment ; sentir, écouter, ressentir, profiter de chaque moment...
Ouvrons nos sens !
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