J'avais beaucoup aimé "
The girls" d'
Emma Cline, j'étais donc enchantée de la voir revenir avec un sujet aussi "pas simple" qu'
Harvey Weinstein, le producteur/prédateur du cinéma (en même temps, les deux mots me semblent aller de pair, comme aussi le mot pouvoir).
C'est un tout petit livre, très court : quand je l'ai fini, je me suis demandé où était la suite, j'avais l'impression de n'avoir lu que les prémisses du roman. Il me manque quelque chose : j'attendais une remontée dans le temps, comment un homme ordinaire devient tout en étant toujours un type ordinaire, pas très beau, plutôt grassouillet, un individu monstrueux. Je ne cherche pas d'excuse à cette personne, juste comprendre le mécanisme qui se met en place, sa construction.
Harvey a été élevé par une mère, il avait une épouse, il a des filles, alors comment ?
En fait, nous assistons ce qui semble être une journée dans la maison d'un ami d'
Harvey, juste avant que le tribunal rende sa sentence dans son procès pour harcèlement. L'auteur nous décrit un gros bébé, dont l'univers craque de toutes parts : un certain nombre d'amis répondent absents, ses filles lui tournent le dos, son épouse l'a quitté, ses avocats se rendent compte qu'ils perdent pied.
Harvey est là, dans cette luxueuse maison, avec un majordome tip-top, Gabe, des meubles de prix, un cadre idyllique, mais il s'emmerde ferme et n'a pas l'air de comprendre la gravité des faits qui lui sont reprochés : il trouve que
Polanski s'en est bien tiré et pourtant c'était plus grave donc, il ne voit pas de raison de s'inquiéter. Il reste accroché à sa posture de producteur et croit voir dans son voisin,
Don de Lillo, dont il veut faire aussitôt l'adaptation du roman "
White noise", sauf que ce n'est peut être pas
Don de Lillo ... On va croiser sa fille, Kristin, issue de son premier mariage avec Laura, et sa petite fille Ruby, le Dr Farrokhzad, qui vient lui injecter une potion magique pour alléger ses douleurs.
Il me reste de ce livre un sentiment de frustration, d'empêchement car en dehors de décrire
Harvey comme un enfant roi dont l'absence de conscience relève de la psychopathologie, il me semble que l'auteur n'a pas pleinement appréhendé son sujet (en même temps saisir à bras le corps
Harvey, ce n'est pas très ragoûtant) car
Harvey a officié pendant des années tout le monde le savait, mais tout le monde s'est tu.
Harvey est coupable, mais ceux qui se sont tu, ne le sont-ils pas aussi ?