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3,99

sur 1240 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Nous savons depuis Balzac, Hugo, Zola et autres Dickens que la littérature décrit la société et que le roman est supérieur à l'essai sociologique par l'épaisseur humaine qu'il donne aux faits et aux idées. le coeur de l'Angleterre nous le prouve à nouveau.
Coe décrit ce pays de 2010 jusqu'au brexit au travers de personnages représentatifs et dont les existences s'entrecroisent en une mini Comédie Humaine.
Leurs tranches de vie exposent les fractures anglaises : Vieux/jeunes, anglais de souches/migrants, ville/campagne, Banlieue chic/banlieue pauvre, éduqués/peu éduqués. Au passage on peut remarquer que ce qui se passe dans les Midlands pourrait, à peu de frais et en l'état, être transposé en France.

Comme toujours chez Coe l'humour caustique est présent mais sûrement moins qu'à l'ordinaire car la mélancolie domine.
Contrairement à Houellebecq, autre écrivain sociologue, Il a de la tendresse pour ses personnages qu'il ne réduit pas à des archétypes (sauf le conseiller politique de Cameron qu'il assassine avec plaisir) et garde une vraie dimension romanesque pour accrocher le lecteur.

Temps clé du livre : la communion vécue par les anglais durant la cérémonie d'ouverture des JO 2012. Coe en fait le pivot du livre en montrant que cette union fut un trompe-l'oeil : chacun se sentant profondément anglais mais pour des raisons différentes.A partir de là les fractures vont s'élargir et l'incompréhension s'installer jusqu'au coeur des familles pour accoucher de l'inattendu Brexit. La conclusion du roman est plutôt défaitiste : il ne reste pour beaucoup que la fuite à l'étranger ou l'exil intérieur.
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Je ne m'attendais pas à être aussi attachée aux personnages de ce gros roman retraçant 10 ans de vie de quelques personnages en Angleterre et dans un même temps, nous permettant de mieux comprendre comment les anglais ont pu voter « leave » au Brexit. Donc une lecture contemporaine, où les protagonistes évoluent très différemment. Nous suivons Benjamin qui vient de s'installer à la campagne, enfin seul, pour écrire son interminable roman, sa nièce Sophie qui vit un mariage plein de doutes avec Ian, et j'ai appris que beaucoup de couples se sont séparés après le Brexit, l'homme et la femme n'ayant pas votés dans le même sens et les dissensions s'avéraient profondes.
Comment ne pas être interpellé par le fait qu'en 2011, il y a eu des émeutes suite au meurtre d'un Black par un policier et que le gouvernement craignait que ces troubles continuent jusque l'année d'après pour les jeux olympiques de 2012 ! ça vous rappelle quelque chose ? Sachant que ce livre a été publié en 2018. Alors, il y a les politiques, leur mépris, la perte de repère des jeunes représentés par Coriandre, les réseaux sociaux pour imposer des opinions tranchées et vides, la montée du racisme, les envies de retour au colonialisme, etc… forcément on s'y retrouve. de plus, hormis ce contexte passionnant, les « héros » sont justes, vrais. Un bon roman.
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L'action de ce roman court d'avril 2010 à septembre 2018. Il s'agit d'essayer de comprendre ce qui a mené l'Angleterre au Brexit. Pour cela Jonathan Coe reprend des personnages déjà rencontrés dans Bienvenue au club et le cercle fermé que j'avais lus il y a près de dix ans et dont je ne me souvenais plus, je dois le dire. Ca m'a aidé un peu pour situer les personnages de pouvoir relire mes compte-rendus écrits à l'époque. le coeur de l'Angleterre peut certes se lire indépendamment des deux autres mais au départ il y a beaucoup d'allusions à des relations ou situations passées qui peuvent donner l'impression au lecteur de flotter un peu. Les choses se mettent en place petit à petit.

L'histoire tourne principalement autour de Benjamin Trotter et de sa nièce Sophie. Benjamin a la cinquantaine et, en 2010, il vient d'acheter un vieux moulin au bord de la Severn après avoir longtemps vécu à Londres. Là il se libère de son obsession pour Cicely à laquelle il a rêvé pendant des années, avec qui il n'a pas été heureux, et découvre le plaisir de profiter de l'instant. Il envisage enfin de mener à bout un projet littéraire sur lequel il travaille depuis l'adolescence.
Sophie est une universitaire, historienne de l'art. Elle épouse Ian, professeur de conduite, et voit son couple menacé par le Brexit.

Autour de Benjamin et Sophie gravitent de nombreux personnages qui permettent à l'auteur d'explorer les diverses positions face au Brexit. Globalement elles se partagent en deux : les partisans du Leave sont présentés comme des nostalgiques d'une grandeur passée de l'Angleterre. Ils divisent la société et le monde en "nous" et "eux", forcément antagonistes. Ce sont des gens inquiets du changement. En face les pro-Remain apparaissent comme ouverts à la diversité. Cette analyse me paraît pertinente pour expliquer aussi la montée du nationalisme aujourd'hui. On a vu qui a gagné en Grande-Bretagne. Les responsabilités de personnalités politiques inconséquentes sont clairement pointées.

Moment rare d'unité avant la rupture, j'ai particulièrement apprécié la longue description de la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques de Londres en 2012 qui met tous les personnages d'accord devant leur télé. Elle m'a semblé tellement époustouflante que je suis allée la regarder sur Youtube. C'est une magnifique illustration du roman national britannique. J'ai été particulièrement frappée par la représentation de l'industrialisation du pays avec des dizaines de figurants et des cheminées d'usines qui s'élèvent à partir du sol du stade. Quelle débauche de moyens techniques ! Je me suis demandée s'il serait encore possible de produire un tel spectacle autosatisfait qui m'a semblé ignorer totalement les échéances écologiques actuelles. Vu d'aujourd'hui ça m'apparaît anachronique. Mais je pense que les Jeux Olympiques sont eux-mêmes une manifestation anachronique. Je suis curieuse de voir ce que la France nous proposera en 2024 en ouverture.

Au total c'est donc un livre qui m'a donné à réfléchir et qui m'a permis de mieux comprendre le Brexit. C'est une lecture que j'ai appréciée et que j'ai trouvée plaisante.
Lien : http://monbiblioblog.revolub..
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Quel immense plaisir de retrouver les personnages de Jonathan Coe, ceux des Enfants de Longbridge , que l'on a découverts adolescents dans "Bienvenue au Club" puis adultes vingt ans plus tard dans "le cercle fermé".
Les années ont passé et l'auteur nous présente la décennie 2010-2020 à travers le destin de ces personnages que l'on a appris à aimer (je dois dire que je me suis offert le luxe de relire les deux premiers volumes pour aborder dans l'ordre la trilogie ). Benjamin toujours aussi velléitaire, s'est séparé de Cicely son amour de jeunesse et vit seul en se consacrant à son grand roman que Philip son copain d'enfance parvient enfin à publier . Doug poursuit sa carrière de journaliste politique et les évènements qui se déroulent en Angleterre apportent de l'eau à son moulin.
Je me suis demandé au fil de ma lecture si les faits se déroulaient bien sur le territoire britannique dans la dernière décennie ou chez nous actuellement. En effet que de thèmes récurrents qui s'invitent dans les débats actuels : l'immigration et ses ravages (réels ou supposés) , la crise économique et la baisse du pouvoir d'achat, la remise en cause de l'Europe et des contraintes imposées aux états membres, la perte d'influence des syndicats, la langue de bois des discours politiques...
Fin analyste de la société britannique, Jonathan Coe se refuse à une prise de parti binaire et reste toujours dans la nuance, ce qui rend son écriture et ses analyses tellement intéressantes.
Il met en évidence l'influence de la vie politique sur les destins individuels ainsi que les clivages culturels qui nous sont tellement familiers.
Va t'il poursuivre le récit des aventures de la famille Trotter et de ses amis ? Ses lecteurs enthousiastes devront ils attendre qu'il se soit déroulé bien des années et qu'il puisse avoir le recul nécessaire pour analyser la suite du parcours de ses personnages ?
Dans ce cas, il faut souhaiter que Dieu nous prête vie encore de longues années ....
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On peut dire que je ne fais pas les choses dans l'ordre. J'ai appris à la fin de ma lecture que ce roman était en fait la suite de deux autres romans de l'auteur. Néanmoins, le livre se suffit à lui-même et nul besoin de lire les précédents tomes pour s'y retrouver.
Ce roman nous fait suivre la vie de différents membres de la famille Trotter de 2010 jusqu'au Brexit. Une famille britannique qui évolue dans un climat politique chahuté, entre montée du nationalisme, racisme et protectionnisme. Jonathan Coe s'interroge sur son pays et décrit si bien les ressorts du Brexit. Entre roman et actualité, je dois dire avoir été conquise par ma lecture.
Très addictif, je recommande.
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Jonathan Coe clôt avec ce titre la trilogie entamée avec ses romans "Bienvenue au Club" et "Le cercle fermé".
On y retrouve donc (et avec grand plaisir) Benjamin Trotter, une des figures centrales des précédents opus, dorénavant jeune quinquagénaire. le récit débute avec l'enterrement de sa mère. Il sera suivi quelques années plus tard du lent délitement paternel, à l'occasion duquel Benjamin se rapprochera de sa soeur Loïs, comme pour retrouver cet attachement quasi-fusionnel qui les lia quatre décennies auparavant suite à un traumatisme qui marqua définitivement la fille Trotter (et comme elle est sobrement belle, cette histoire de renouement frère-soeur !). Pour l'heure, il peut grâce à de fructueux investissements immobiliers vivre comme un retraité, ce qu'il fait dans les deux sens du terme, en s'exilant dans un vieux moulin rénové à la campagne. Depuis le bord de la rivière qui longe sa propriété, l'Angleterre lui fait l'effet d'une territoire calme et stable. Et bien qu'ayant gâché les trente dernières de sa vie dans une vaine obsession amoureuse tout en se noyant par ailleurs dans un projet littéraire et musical si ambitieux et si chaotique qu'il enfin pris conscience qu'il ne trouverait jamais son public, lui-même semble avoir atteint une certaine sérénité.

Doug et Philip, ses amis de jeunesse, sont eux aussi au rendez-vous. le premier, journaliste et marié à une richissime ex-top-model, assiste avec satisfaction à la rébellion adolescente de sa fille qui méprise les valeurs et le mode de vie de sa mère, et défend des opinions encore plus à gauche que celles de son père. le second vit décemment de la maison d'édition de livres historiques qu'il a fondée, coulant des jours tranquilles auprès de sa deuxième épouse.

Sophie, la nièce de Benjamin, dorénavant universitaire, occupe une belle place dans ce dernier opus. Son mariage avec Ian, rencontré lors d'un stage de conduite, l'amènera à de longs questionnements sur la validité d'une union marquée par les divergences d'opinions.

Suivre ces personnages (et tant d'autres, Jonathan Coe nous offrant une galerie de portraits éclectique) sur leurs itinéraires respectifs semés de réussites et de désillusions, marqués par la nostalgie ou la résilience, au gré des événements, banals ou surprenants, tragiques ou réjouissants, dont l'auteur sait si bien tirer matière pour les rendre universels car familiers, aurait suffit à me faire aimer cet excellent roman.

Mais Jonathan Coe ne se contente pas d'évoquer désordres intimes et échanges relationnels. Sa réflexion d'étend de manière naturelle, à partir des situations que vivent ses héros de toutes générations et des questions qui les hantent, au contexte -culturel, social, politique- qui les entoure, les influence, et dont il prend, en observateur attentif et ouvert, le pouls. L'intrigue, qui se déroule de 2010 à 2017, est ainsi traversée des remous que provoque la dégradation de la conjoncture socio-économique, et qui mèneront au Brexit.

Il montre comment le referendum, présenté au départ comme une manoeuvre de Cameron pour faire taire quelques voix discordantes exprimant au sein de son propre parti leur détestation de l'Europe, devient pour des citoyens aiguillonnés par la rancoeur contre les élites politico-financières et l'impression d'appauvrissement croissant qu'a provoqué la crise de 2008, la possibilité d'exprimer leurs craintes et leur sentiment d'injustice. Une inquiétude et une rage que mettent à profit les conservateurs et les populistes pour brandir l'épouvantail d'une immigration considérée comme une question de fond, et qui bientôt cristallise la haine et fait surgir une violence s'exprimant tantôt de manière insidieuse sous les traits d'un racisme latent, tantôt de façon plus spectaculaire, par des agressions physiques ou verbales. Cette sortie de l'Europe, à laquelle au départ personne ne croit, y compris les instigateurs du referendum, acquiert une réalité de plus en plus consistante avec la victoire inattendue des tories aux élections législatives de 2015.

Jonathan Coe nous fait les témoins du clivage qui en résulte dans la société anglaise et trouble même l'intimité des foyers, opposant ceux que leurs émotions font basculer vers le rejet de l'autre à ceux que cette montée du populisme inquiète ou offusque, semblant déplorer l'irréconciliabilité que pose par ailleurs une dictature du politiquement correct empêchant un dialogue constructif et bilatéral avec ces électeurs qui votent selon leurs tripes.

Il le fait sans jugement, respectueux de la subjectivité de ses personnages, équitable envers leur diversité, manifestant toutefois une tendresse particulière pour les gentils cabossés, tel ce clown triste sous les traits duquel Benjamin retrouve un copain d'enfance, mais aussi une certaine férocité (bien qu'empreinte d'humour) envers ceux qui, du haut de leurs privilèges, ne se donnent même pas la peine de contempler les enfièvrements populaires.

Un régal.

Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Une chronique de l'Angleterre contemporaine à travers la vie d'une fratrie et de ses amis, pendant toute la période qui mène au Brexit, qui montre avec humour et sans machiavélisme les états d'âme des britanniques et le jeu des politiciens, qui mène à un résultat que personne n'envisageait.
L'auteure est pro Europe mais cela n'enlève rien à la qualité du roman qui sait rendre attachant tout ses personnages avec leur faiblesse et leurs failles.
A lire.
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« La grande Bretagne avait voté. Elle avait signifié à David Cameron de prendre ses cliques et ses claques. Elle avait exprimé clairement son opinion sur l'Union européenne. Et, ce choix crucial fait, elle ne voulait plus y penser et préférait retourner à ses occupations quotidiennes en laissant la mise en oeuvre à ceux qui étaient traditionnellement chargés de cette besogne: la classe dirigeante."


Le Coeur de l'Angleterre ausculte en une chronique douce amère une décennie de l'histoire du pays à travers des destins individuels, ceux de la famille Trotter. le roman s'ouvre en avril 2010 pour se refermer sur le mois de septembre 2018. Benjamin s'est retiré dans un vieux moulin au bord d'une jolie rivière de l'Angleterre profonde et tente d'écrire l'unique roman de sa vie. Lois, aux prises avec ses démons, cohabite avec un mari pour lequel elle n'a plus de sentiment et leur fille Sophie, universitaire, n'aspire qu'à trouver une relation équilibrée qui peut-être la mènera sur le chemin du bonheur. Autour d'eux gravitent des personnages secondaires: le journaliste Doug qui chronique les évènements politiques, Charlie sous emprise affective, peu doué pour le bonheur. Jonathan Coe nous décrit l'évolution de ces personnages au fil des années avec une bienveillance souvent teintée d'humour. S'il les regarde parfois avec ironie, c'est pour mieux nous montrer les processus de délitement à l'oeuvre au coeur de cette Angleterre profonde. C'est ainsi qu'il nous décrit la montée progressive du populisme et ses dérives qui conduiront à l'issue que l'on connaît, à savoir le Brexit. le regard que l'écrivain porte sur les hommes politiques tels que David Cameron et Boris Johnson est féroce et sans concession.Il montre avec intelligence comment la question du Brexit impacte les vies, les rapports sociaux mais aussi affectifs. le spectre du terrorisme également n'est pas loin. Quant au politiquement correct, il est sérieusement écorné à travers les problèmes sidérants rencontrés par Sophie à l'université.

En définitive, Jonathan Coe porte un regard à la fois critique et nostalgique sur une Angleterre avec laquelle on le sent brouillé mais qu'il aime profondément.


» Ils étaient là, joue contre joue, collés l'un à l'autre, leur étreinte si longue que le pêcheur assis à quelques mètres aurait pu sans peine les prendre pour mari et femme redécouvrant la fougue de leur jeunesse plutôt que pour ce qu'ils étaient, un couple d'amants en train de se dire adieu. »
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En nous entraînant au coeur de l'Angleterre à travers un roman, Jonathan Coe esquisse les clivages et les manipulations qui ont conduit au Brexit. Plusieurs fois, j'ai eu la surprise de me découvrir happée par ce livre, perdant toute notion du temps et des pages qui défilaient. Comme toujours lorsque l'un des personnages est écrivain, je me demande à quel point l'auteur se retrouve en Benjamin.
(Critères de notation. Style : 0,5 - Intrigue : 0,5 - Personnages : 1 - Contextualisation : 1 - Fin : 1)
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Début de lecture un peu laborieux pour moi ; je n'avais aucune empathie pour les personnages et je ne comprenais pas bien où l'auteur voulait m'emmener. Puis, peu à peu les pièces du puzzle se mettent en place, chaque personnage trouve sa place dans cette descente au coeur de l'Angleterre des années 2010 jusqu'à la date fatidique de Juin 2016 où le pays a voté majoritairement pour le Brexit. Peu à peu, tout s'éclaire, chaque personnage a sa place et l'on comprend que J. Coe nous invite à ausculter la société anglaise malade du libéralisme ; il nous démontre l'inconséquence des politiques tellement sûrs de bien connaître "leur" peuple que personne n'avait prévu l'issue du scrutin. Roman passionnant et tellement d'actualité.
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