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sur 4341 notes

« Belle du seigneur », c'est ainsi que se définit Ariane lorsqu'elle est auprès de Solal.
Ariane est la triste épouse d'Adrien Deume, un fonctionnaire de la Société des Nations, petit bureaucrate fainéant et arriviste. Solal en est l'un des grands patrons, le sous-secrétaire général. Pour Adrien, Solal est l'homme à séduire, le seul apte à lui donner rapidement de l'avancement. Et il n'hésite pas à mettre sa jeune et jolie épouse en avant. Mal lui en prend car Solal tombe amoureux. Il n'a aucun mal à écarter Adrien de son chemin en l'envoyant en mission dans des pays éloignés, et séduit Ariane. Elle tombe elle aussi éperdument amoureuse, c'est le début de leur amour, mais un amour qui tourne à la passion, possessive et destructrice.
Le roman, à travers l'histoire d'Ariane et de Solal, décrit admirablement ce sentiment. Les débuts où tout n'est que romantisme, attente, empressement, bonheur, fusion. Tout ce qui est autour et qui constituait deux vies est pulvérisé sans remords ni regrets. Puis c'est l'isolement, la vie en autarcie, la quête de l'Absolu. Et puis, insidieusement, l'intensité baisse, l'Absolu s'effrite, au grand désespoir des amoureux, qui tentent par tous les moyens de le retenir. Suivront la déchéance et la chute.
C'est un grand roman, magistralement écrit, où l'auteur nous balade dans plusieurs registres et paradoxalement le comique grâce par exemple à Mariette, la gouvernante ou Hyppolyte Deume, le père d'Adrien.
Une histoire qui vous retourne en profondeur, et qui laisse un sentiment de fatalité, d'inexorable, qui perdure longtemps après la fin du livre. Certainement la marque des grandes oeuvres.
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Ce roman est d'une richesse, d'une profondeur et d'une beauté incroyables. A lire absolument !
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Monumental.
Ça y est, j'ai rejoint la confrérie des lecteurs de Belle du Seigneur, livre culte s'il en est. Mon père l'avait adoré. Mon meilleur ami l'avait encensé. Ma petite soeur l'avait inscrit sur son top trois des livres à lire à tout prix... Bref, si transcendant... qu'il me faisait presque peur. Mais grâce à la dynamique de différents challenges de lecteurs babeliotes, je me suis lancée.

Un roman sur une passion amoureuse entre deux êtres parfaits et divins, Ariane et Solal.
Elle, jeune et belle, mariée à Adrien, insouciante et naïve.
Lui, jeune et beau, séducteur et amoureux de l'absolu.
Une passion dévorante qui va finir destructrice.
Leur jeunesse et leur beauté sont les piliers de leur amour, mais concentré autour d'eux seuls, lui le Prince charmant, l' « aimé », elle la Princesse sublime, l' »innocente ». Malgré leur superficialité, leur suffisance, je me suis laissée embarquer dans le tourbillon de leur folie, en toute connaissance de l'inéluctabilité fatale de leur destin. L'écriture de Cohen est fine et ciselée, décrivant admirablement tous les états psychologiques traversés : le désir, l'envie, l'impatience, l'ennui... Les chapitres sans ponctuation participent d'ailleurs énormément à cette réussite. Sans crainte, il faut se laisser aller à ce style si particulier, qui donne presque envie de les lire à voix haute, pour être sûr de ne rien perdre de leur saveur, pour ne pas lâcher un seul mot... Albert Cohen décrit admirablement l'érosion de la passion amoureuse, amplifiée en l'occurrence par l'absence de relations sociales extérieures. Un couple ne pourrait-il donc pas se construire en dehors du social ?

Ce livre est avant tout pour moi justement un roman social, qui interroge sur les rapports humains et leurs natures, sur le plan privé, public, en amour ou au travail.
La description de la Société des Nations par exemple dont Solal est sous secrétaire général est cruelle et terrible mais si drôle en même temps. Cet office, siégeant à Genève et dont la mission était à sa création de défendre la paix dans le monde, est ici décrit en toute décrépitude, miné par des rivalités intestines et les ambitions individuelles. le chapitre consacré aux activités d'Adrien Deume en son bureau est tout simplement irrésistible : la procrastination du fonctionnaire dans toute sa splendeur. Mais derrière l'ironie perce l'inquiétude d'un antisémitisme latent, d'un malheur certain à venir devant l'inaction et l'aveuglement.
La critique sociale porte également sur une peinture au vitriol de la petite bourgeoisie, Antoinette Deume en est une magnifique illustration : mesquine, mal élevée, mondaine de façade. Elle est par ailleurs fort bien décrite par un autre personnage clef du roman : Mariette, sublime de lucidité et de pragmatisme, au langage populaire mais si direct. C'est elle nous apporte le regard extérieur, l'unique d'ailleurs, sur le couple, avec à la fois beaucoup de sérieux et de comique. L'humour développé par Cohen tout au long du roman génère le sourire, promis à chaque apparition des Valeureux que j'ai hâte de retrouver dans "Mangeclous"

J'aurai tant plaisir à relire ce livre, grand plaisir à découvrir plus encore d'Albert Cohen.
Mais je goûterai à nouveau cet ouvrage unique, sûrement. Et je publierai peut-être une nouvelle critique, parce qu'il y a encore tant à dire, à échanger...
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Je n'ai malheureusement pas aimé ce livre décrit comme étant l'un des plus grands romans d'amour du XXème siècle ( ou alors je n'ai rien compris !). J'ai été perturbée par les longs chapitres parfois sans ponctuation. Je n'ai pas réussi à m'attacher aux personnages. J'ai surtout été exaspérée par la passion dévorante et déraisonnable que vivent Ariane et Solal sans souci d'argent, du quotidien de la vie et de ses contraintes et donc de l'image qu'ils donnent ainsi de la Femme et de l'Amour. Par contre j'ai apprécié le côté caricature du milieu des fonctionnaires internationaux, les portraits corrosifs des bourgeois de Genève des années 30, et le fait d'employer une écriture différente pour chaque personnage.
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Serait-ce une pantomime qu'a voulu nous livrer ici, Monsieur Cohen, certaines scènes pourraient en faire de jolies au théâtre.
Ce ne serait, certes pas, du Feydeau !
Mais alors, ce que c'est drôle parfois, toute cette petitesse et ces personnages hauts en couleur, si bien caricaturés.

Adrien Deume, petit bonhomme, très très petit ... arriviste puant d'un narcissisme poussé à l'extrême.
Il ne se prend pas pour de "la crotte de bique" ; quel indécrottable connard !
L'argent, l'argent, son bel argent !!!

Ariane, sa "Rianounette", dont il croit être le maître et savoir en tirer toutes les ficelles,
Elle va "matcher grave" pour le beau Solal.
Amoureuse du sentiment d'amour, celle-ci va parfois en oublier toute dignité.
Quelle cruche, a bien des égards, la pauvrette avec tous ses faux-semblants, n'empêchera pas la routine et l'ennui de s'installer progressivement dans son beau rêve.

Et, Solal, le beau, le magnifique, l'affreux, le cynique, cruel et parfois violent et dans les mots et dans le geste.

CA de l'Amour ?

Cohen descend ce sentiment dans les 3/4 de son livre et nous le rend nauséabond.
Il n'y a pas l'âme d'une quelconque poésie, il se plaît à caricaturer à l'envi jusqu'à nous en dégoûter.

Ki Ki feint ?
Vous le saurez en lisant ce pavé de 853 pages .

ET IL Y A LA MARIETTE !
Je dirais, heureusement,
Un phénomène avec son franc parler, et la jugeotte des gens "de peu" à observer mine de rien tout ce "beau monde".
Elle le voit bien, elle, toutes ces simagrées que font les amoureux pour :
caramboler - faire la combine - la gaudriole ....
Elle a du vocabulaire la Mariette et de l'humour.

Des chapitres avec de longues très très longues longueurs !!!! propres à
vous faire abandonner, illico, mais j'ai tenu bon sur ce bateau qui prenait l'eau pour constater le naufrage annoncé.

Ô ferveur des premiers rendez-vous
Ô douceur des premiers baisers
Ô Splendeur des premières amours
Ô Agonie des sentiments
Ô Douleur.

Le Chapitre CVI
pour moi, ce fut, le chant le plus beau
et rien que pour lui,

Ce livre valut le coup que je le " lisasse" !

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Re-relecture. Il y a bien longtemps à la première lecture, ce gros gros roman m'avait agacée, et j'avais sauté pas mal de pages. 10 ans plus tard j'avais apprécié , sans plus, mais cette fois (re 10 ans plus tard)ij'ai lu un tout autre roman,absolument magnifique. Ariane et Solal sont les archétypes des victimes de la passion qu'ils ne veulent pas voir s'émousser. Sur fond de bruits de bottes ariennes , il ne pouvait pas y avoir de "happy end".
Cette fois , ma lecture sera inoubliable; il m'aura fallu vieillir pour cela, et ce sera un des seuls bons souvenirs du confinement qui nous fait vivre entre parenthèses.
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6ème étoile.
Un extraordinaire souvenir de lecture. Tout d'abord le choc des premières pages qui m'avaient paru d'une grande modernité alors, et puis le choc de l'humour de Cohen. Les pages dans lesquelles Cohen se moque des puissants, des grandes institutions, de l'aplatissement devant la hiérarchie m'ont laissé un souvenir inoubliable quand tant d'autres lectures ont disparu de ma mémoire.
Et puis il y a l'amour, les réflexions autour de ce thème universel, sur la beauté et son rôle, (pour le machisme sous-jacent tant pis, comme Clemenceau pour la révolution française, je prends ce livre en bloc sans faire de détail !).
Des personnages inoubliables. Je connais des gens qui ont appelé leur fils Solal....Formidable hommage à un auteur merveilleux dont tous les livres sont à lire. Et celui-ci tout particulièrement. Mais il est vrai qu'il fait avoir du temps devant soi car c'est un énorme pavé. Et, j'insiste, il faut passer sans se décourager, les 40 premières pages en gros, ensuite le ton change. Un peu comme si on avait trouvé son second souffle ! Quel bonheur après !
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J'ai du me forcer pour lire ce livre... Recommandé chaudement par plusieurs personnes, un grand classique, oui, allez je m'y lance... Grosse déception.
Là où Cohen est très fort, c'est en psychologie. Oui il décrit très très bien les mécanismes de la pensée, et en particulier de la pensée amoureuse. Nous sommes des animaux gouvernés malgré nous par la reproduction. Soit. Là où Solal dit "babouinisme", on parlerait aujourd'hui de l'ADN qui nous pilote à notre insu. Oui, quand on a qu'une seule obsession dans la vie, l'être aimé, et pas de vie social, on s'emmerde. Soit. Fallait-il plus de 850 pages pour le dire ?
Qu'est-ce qu'on s'ennuie, pardon, qu'est-ce que JE me suis ennuyée ! Toute cette suite de monologues, vivants ou internes, peu importe, c'est d'une lourdeur... J'ai détesté les passages sans ponctuation de Ariane ou Mariette. C'est carrément misogyne : ces pauvres femmes ne peuvent pas avoir une pensée structurée, donc hop pas de ponctuation pour elles. La relation de soumission totale de la femme m'a bien agacée aussi.

Impossible pour moi de m'attacher aux personnages, Solal si cynique, Ariane si stupide. Bref, moi la grande lacrymale, je n'ai pas versé une seule larme sur la fin de cet amour ni sur la chute. J'étais soulagée d'être enfin débarrassée d'eux !
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Belle du seigneur, superproduction de l'amour. Inadaptable au cinéma. Même si Glenio Bonder a tenté de relever le défi en 2013. La preuve que le tout puissant septième art a aussi ses limites. Inadaptable au cinéma car sans doute tout simplement inadaptable à la vie. Quelle réalité pour rivaliser en effet avec l'imagination débridée, intarissable, le talent démesuré d'Albert Cohen dans ce roman ? Hégémonie d'un esprit, seul capable de traduire l'inénarrable.

Plus de mille pages de digressions mentales les plus folles, pour dire le ressenti intime. Mille pages pour dire que les manifestations terrestres de l'amour ne sont pas l'amour, mais que "babouineries".

Quel réalisateur pour mettre en images les chapitres les plus forts de cet ouvrage ? le chapitre XVIII par exemple. Dix-sept pages dans l'intimité des pensées d'Ariane, sa nudité spirituelle. La beauté de ses émotions. La laideur de ses idiomes abêtissants qui tentent de mettre en mots des peur, espoir, colère, joie, et tant d'autres fulgurances qui jaillissent en cascade dans le plus complet désordre, la plus parfaite spontanéité. Au coeur de la mystérieuse alchimie qui fait naître des pensées d'un organe périssable. Dix-sept pages d'une grande bousculade sans la moindre bouffée d'air. Pas la moindre ponctuation. Quel acteur pour déclamer cette tirade ?

Phénomène curieux que le sentiment. Pourquoi lui, le seigneur ? Pourquoi elle, la belle ? Tous deux futurs morts. Quelle prouesse que de mettre en mots l'amour divin qui vient fondre en un seul, dans le même creuset, deux coeurs, deux esprits, deux âmes. La réunion des corps n'est qu'illusion. Le faire comprendre c'est le sommet du talent.

Quel réalisateur pour mettre en image le chapitre XXXV : "je vais vous séduire". Mais à cette fin je vais commencer par être odieux. Odieux sur cinquante-quatre pages. Vous donner mille raisons de me détester. De détester l'amour. L'amour terrestre. Vous convaincre que l'amour c'est bien quand on l'ambitionne. Le vivre c'est déjà le voir mourir.

Quel réalisateur pour mettre en image la frénésie de l'attente. L'éternité en une minute. Vingt-et-une pages pour languir, aux aguets d'un signe de vie, d'un signe d'espoir, d'une poignée de porte qui tourne. Les pages défilent dans un temps suspendu.

L'amour absolu, exclusif, égoïste, comme il doit être. Solitude à deux. L'amour se satisfera-t-il des exigences du corps ? Résistera-t-il à l'érosion du temps, à la solitude dans laquelle il plonge ceux qui s'aiment dans un monde de cupidité, de haine ? 1936. La raison perdue, la raison et son cortège d'ennui, d'habitudes, de nécessités retrouvera-t-elle ses droits pour sauver les amants d'une félicité inconcevable pour des êtres de chair et de sang ? L'amour céleste résistera-t-il à son ennemi terrestre le plus féroce : la jalousie ?

Belle du seigneur, admirable de talent. Trop, peut-être. Tout est trop dans ce roman. Trop beau, trop éloquent, trop fort. Trop long aussi. Trop improbable, ces deux coeurs qui trouvent la connivence absolue. Tout est trop. Mais ce tout est si peu pour dire l'amour. Albert Cohen a dû se plier aux contraintes terrestres pour dire l'amour, mais on sent bien avec lui que ces mille pages auraient pu être dix Mille, cent mille, pour dire l'espoir dans l'amour. Albert Cohen nous fait comprendre qu'il n'a été que le vecteur d'une inspiration, d'une transcendance. Pour nous enseigner que l'amour est un concept trop haut pour être vécu ici-bas.

L'auteur abuse de son pourvoir de fascination. Il séquestre son lecteur. Narcissisme suprême de la main qui matérialise les divagations d'une imagination incontrôlée. Verve sophistiquée, féconde et intarissable. Logorrhée verbale stupéfiante des Mangeclous et consorts. Humour désopilant. Humour décalé dans ce drame de l'amour qui ne trouve d'assouvissement que dans la perspective de la mort. Ariane et Solal n'ont pas la force pour endurer celle de leur amour. Ils n'ont que leur pauvre corps périssable pour supporter l'amour infini. Malédiction de ne pouvoir vivre une bénédiction.

Roman trop long pour dire les manifestations de l'amour. Roman trop court pour dire l'Amour.

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Ce grand classique nous raconte l'histoire d'Ariane, une jeune femme de bonne famille mariée pour raisons pratiques à un haut fonctionnaire de l'état (quasiment une mésalliance). Son Adrien est un bon bougre qui aime sa femme, mais lui et sa famille cherchent en permanence à s'élever dans la société à tel point que c'en devient ridicule ; Et puis Ariane, loin d'être passionnée, s'ennuie un peu. L'histoire qui va découler de cette situation est l'occasion pour l'auteur de nous dresser un portrait formidable de toutes les strates de cette société en évolution, sur fond (à peine visible) de seconde guerre mondiale.


Bientôt Ariane rencontre Solal le magnifique, le supérieur de son mari, un séducteur qui tombe amoureux d'elle au premier regard mais dont l'arrogance aide Ariane à le mépriser. Jusqu'à ce que la séduire devienne un pari divertissant entre eux : arrivera, arrivera pas ? Malheureusement pour eux, il y arrivera : Ce sera la fin du couple marié, la découverte délicieuse de l'amour interdit, pimenté et parfait. Mais pour le vivre pleinement, les deux amants décident d'officialiser leur amour pour être libres… Libres ? Pas totalement : Car nos tourtereaux ne sauront pas s'affranchir de l'image de perfection qu'ils veulent à la fois se donner mutuellement pour se garder, et donner aux autres afin de justifier leur folie ; Prisonniers d'une idée, celle d'un amour parfait, et d'une illusion, celle qu'il durera toujours, ils ne savent plus comment affronter la vie réelle qui égratigne, lentement mais sûrement, leurs sentiments respectifs. Faut-il être beau et parfait pour être aimé ?


*****

Quelle oeuvre magistrale ! Voici un roman qu'il faut du temps pour lire et aussi pour digérer : 1100 pages d'écriture foisonnante et non calibrée, au style variant selon le personnage dans la peau duquel on nous plonge ; Une expression parfois non ponctuée lorsque, durant plusieurs dizaines de pages, l'auteur exprime les pensées en pagaille d'un personnage. C'est donc un roman riche mais qui se mérite. Cette forme d'écriture met bien en valeur le fond du propos et les sentiments qui se bousculent de manière frénétique dans la tête de chaque personnage, notamment des amants. Ce qui est remarquable, c'est qu'Albert COHEN excelle à tous les styles qu'il exploite dans ce roman : Même la vie théoriquement moins passionnante d'Adrien, fonctionnaire ambitieux au poil de la longueur d'un baobab dans la main et qui a l'impression de travailler intensément au sein de la Société des Nations, est un portrait savoureux.


« Belle du Seigneur » n'est donc pas dépourvu de stéréotypes : Sur les arrivistes, les mères et leurs fils, les fonctionnaires, les amours parfaits du début et leur mauvais vieillissement… Mais c'est précisément en exploitant et approfondissant ces stéréotypes avec une grande finesse, et un souci du détail admirable, que l'auteur parvient à mettre en lumière chaque grain de sable venant enrayer l'engrenage de leurs vies. Ces clichés, volontaires et pertinents, sont un moyen d'exprimer le message de l'auteur en mettant en lumière là où le bât blesse dans la logique des personnages (car aucune classe sociale n'est épargnée). Si les personnages sont stéréotypés, leurs personnalités sont extrêmement fouillées, et on les découvre grâce à divers points de vue : celui du narrateur omniscient, leurs propres pensées intimes ainsi que le regard et les pensées des autres, ce qui nous donne énormément d'informations sur chacun d'entre eux, tout en nous dessinant leur histoire.


Vous l'aurez compris, il s'agit d'un jeu de séduction poussé à son paroxysme entre deux amants : être admiré de l'autre est devenu leur passe-temps, puis leur raison de vivre. Contraints de se cacher tant leur amour est interdit, ils passent beaucoup d'énergie à être exactement parfaits pour leur prochaine rencontre : toilette, haleine, coiffure, odeur, maison, tout doit être parfait pour que l'être aimé ne nous abandonne pas à notre vie d'avant. C'est ainsi que la course à la perfection permanente commence…


Mais lorsque, ne pouvant plus se passer de cet autre tellement parfait, les amants décident de s'affranchir des codes pour vivre ensemble, les masques peinent à rester en place, et il faut user de toujours plus de subterfuges idiots pour que l'autre ne nous voit pas « au naturel », donc imparfait ! Chacun sa chambre, un son de cloche pour signaler qu'Ariane fait le ménage et donc n'est pas visible, deux pour demander si l'on peut entrer, un mensonge pour occulter tel échec, des non-dits qui s'accumulent… Emprisonnés dans leur amour de vitrine, parfait pour la démonstration mais bien inadapté à la vie réelle, Ariane et Solal se sentent de plus en plus seuls et désoeuvrés ; Ils s'ennuient mais ne le disent pas de peur de rompre l'équilibre, commencent à voir les défauts de l'autre malgré tout mais ne veulent pas se l'avouer, ne veulent pas échouer encore.


Et alors que l'amertume grandit insidieusement en chacun d'eux, qu'ils s'en veulent mutuellement et à eux-mêmes de s'imposer cela, qu'ils ne savent plus comment sortir de la prison qu'ils se sont forgée ensemble… des sentiments plus violents naissent au fond d'eux, brisant le joli miroir aux alouettes dans lequel ils ne cessent de se mirer depuis trop longtemps.


Deux amants à la recherche de l'amour parfait, sacrificiel, pour justifier leur adultère. Deux amants ne pouvant pas vivre l'un sans l'autre, mais s'ennuyant de la perfection de leur amour. Deux amants isolés que l'absence d'interaction sociale et le repli sur eux rendent amères et dépités, vaguement déçus. Deux amants qui, tels Roméo et Juliette, ne peuvent plus vivre ensemble, mais ne peuvent pas se quitter non plus. Pas dans cette vie, en tous cas… Si un couple doit toujours conserver un minimum de glamour pour s'estimer, doit-il pour autant courir après la perfection de tous les instants, au risque de perdre toute humanité et toute étincelle de vie ? Comment va finir l'histoire d'Ariane et de Solal ? Je vous incite à trouver le courage de lire ce chef d'oeuvre, complexe mais riche et non dénué d'humour et d'intéressantes réflexions, pour le savoir !

Lien : http://onee-chan-a-lu.public..
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