Salvatore Quasimodo (1901-1968, prix Nobel de littérature en 1959) fut un poète italien né en Sicile. L'évocation des paysages de son île natale parsème ses textes et permet au poète d'imprimer une atmosphère initiale au poème - à l'instar d'une illustration qui agrèmenterait un roman. Quasimodo fut aussi un traducteur de grec ancien, il était imprégné de cette culture d'une Méditerranée antique.
La fiche Wikipedia sur l'auteur nous précise ceci:
"l'une des grandes figures de l'hermétisme contemporain, un « ermetismo » naturel à l'italienne, émergeant des grands mythes ancestraux de son île, la Sicile. "
Les évocations hermétiques prennent une place prépondérante surtout dans ses oeuvres de jeunesse:
"Tyndare, je sais ta douceur
entre de larges coteaux, suspendu
sur les eaux des sereines îles d'Éole,
aujourd'hui tu m'assailles
et te penches en mon coeur.
Je gravis les sommets d'aériens précipices
pensif au vent des pins,
et la bande qui légère m'accompagne
s'éloigne dans l'air,
vague de sons et d'amour ......."
(Vent à Tyndare)
Les références chrétiennes, voire christiques, sont fréquentes:
"Tu me trouve désert, Seigneur, en ta journée
-banni de toute lumière.
...."
(Le jour se penche)
Sa poésie reste abstraite, la signification de certains
poèmes étant franchement difficiles dans certains cas. La traduction (de
Pericle Patocchi) bien qu'excellente n'aide pas parfois, parce que l'on perd le travail sur les allitérations, assonances et autres sonorités qui souvent servent le sens d'un texte.
Ceci dit, au fil du temps, le poète devient plus précis, et il ressent le besoin d'exprimer le réel de manière plus appuyée. L'époque de Quasimodo, c'est deux guerres mondiales, comment aurait-il pu rester dans une position d'esthète pendant et après les horreurs du deuxième conflit ? Les camps de concentration, les images brutes de scènes macabres sont évoquées de manière précises, comme dans le long poème "Auschwitz" (recueil "Le faux et le vrai vert"):
"Là-bas, à Auschwitz loin de la Vistule,
mon amour, le long de la plaine nordique,
dans un champ de mort: la pluie
est froide et funèbre sur les poteaux
que ronge la rouile...
...........
De cet enfer qu'ouvrait une blanche inscription:
Le travail vous rendra libre
s'échappa longuement la fumée
de milliers de femmes extraites
au point du jour des chenils et poussées
contre le mur du stand,
ou bien suffoquée sous les douches à gaz
tandis que leurs bouches de squelettes hurlaient
miséricorde à l'eau
.............."
Tous les
poèmes de l'ouvrage que j'ai lu exprimaient de la mélancolie et se concluaient en laissant une certaine tristesse à l'esprit, voire carrément une impression macabre. Je prends la fin d'un poème au hasard:
"leurs tombes s'engloutissent dans les cendres,
les oiseaux noirs, le vent, couvrent leur coeur."
(Homme de mon temps)
J'ai trouvé sa poésie certes mélancoliques, mais aussi parfois émouvante, comme "Lettre à ma mère":
"Je sais
que tu ne vas pas bien, que tu vis
comme toutes les mères des poètes
pauvre et juste
dans la mesure d'amour pour tes fils éloignés.
Aujourd'hui c'est moi qui t'écris.
Enfin - diras-tu - deux mots de cet enfant
qui s'échappa la nuit avec un manteau court
et quelques vers dans sa poche.
Pauvre, le coeur si prompt,
on le tuera un jour quelque part."
Vous l'aurez compris, la poésie de Salvatore Quasimodo ne respire franchement pas la joie de vivre. Mais quels sentiments auraient pu toucher l'hypersensibilité du poète qui a vécu le séisme de Messine en 1908 (il en parle dans "Pour mon père") , le fascisme, la 2e Guerre Mondiale et son cortège d'horreurs ? L'ouvrage que j'ai lu est exactement celui de la photo de la fiche, tiré de la collection des
Prix Nobel de Littérature, une vieille publication de feu les éditions Rombaldi, agémenté des très évocatrices illustrations de
Mette Ivers.Allez, je suis sympa, en citation je vais retranscrire un ou deux
poèmes un peu moins déprimants.