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EAN : 9782490385065
132 pages
éditions Isabelle Sauvage, 2019 (04/11/2019)
3.5/5   1 notes
Résumé :
C’est après avoir trouvé dans la poubelle du vieil About, son père, une « enveloppe agrafée, déchirée, et vide », ne comportant que ces quelques mots : « trouvé après perte de la perte de tout d », que la narratrice entreprend son récit et s’« accroche à ce d qui défait ».

Et ce qui se défait, « là-bas, à Péricourt », c’est la figure du père, son corps, sa mémoire et sa dignité… devant ses cinq enfants, inquiets et désemparés.
Avec un humour ca... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
La mort réelle aurait pu se fondre dans les morts fictives

« Une enveloppe agrafée, déchirée, et vide. Jetée par lui après avoir trouvé perte de la perte de tout d. Je m'accroche à ce d qui défait ».

Nathalie de Courson nous propose un récit puissant, animé par les voix plurielles des « cinq enfants du vieil About », Primus, Triolette, Quartette, Quintette et Benjamin, des lieux peuplés « de vieillards et de vieillardes », leurs mémoires et leurs pressentiments…

Une lecture partielle et partiale qui n'escompte pas venir à bout des histoires de cette « fratrie » et des relations au père. Une lecture qui ne dira rien des plannings de tour de garde…

Péricourt, le vieil About, des échanges entre frères et soeurs, le temps d'avant l'ouragan, le temps où « même les adultères ont un air légitime », le temps de petites impertinences simples… L'ouragan 68 et le temps des mises à la poubelle.

Une voix narrative prédominante, « Mais à vrai dire ce récit va descendre tout seul la pente épousant les cahots de la route du vieil About sans que j'ai le choix de bifurquer ». Les cahots sont nombreux, les bifurcations personnalisées, les sentiments se manifestent entre pitié et exacerbation.

Prenons par exemple Benjamin qui explique : « J'étais le sac Vuitton qu'il portait fièrement tant que j'étais petit, mais il ne supporte pas les enfants qui franchissent l'âge de raison et m'a jeté ensuite », car ces gens-là…, comme disait Jacques Brel

Avant l'ouragan, des filles « avaient mis la charrue avant les boeufs », au nom de la morale des enfants étaient déchu·es et des silences se creusaient, « Les filles fautaient et les garçons faisaient leurs premières armes avec des filles fautives », l'image théorique du père qui fait matériellement et celle de la mère qui se charge des sentiments, les unions qui ne devaient pas être dissoutes, le divorce comme infamie…

Amour et haine. Si l'un avoue qu'il n'est pas pour congeler le vieillard indigne, l'autre énonce clairement : « Je hais ce que lui et maman, les deux ensemble, m'ont fait sans s'en être aperçus, et je leur en veux de ne pas s'en être aperçus »…

Souvenirs anciens et récents, « Les vraies pertes sont lentes, répétitives, définitives », l'énorme projecteur interne, la constitution d'un corps dissident, les marraines laïques, les ruptures amoureuses, les divorces, les avortements, « J'ai créé et dirigé une fanfare de femmes avec trombone, clarinette et tambour », le garçon manqué (il n'existe pas dans l'univers sexiste de fille manquée », les expatriations (les migrations de celleux qui en sont autorisé·es) et les retours, des gestes et des phrases lourdes de sens ou légers comme des brindilles, les langues parlées et les fils démêlés, « Des paquets d'algues enchevêtrées forment sur la laisse de mer des archipels de crocodiles poilus, boas velus, homards chevelus », des courriels et des humeurs échangées…

Une (re)construction et une déconstruction, une extraction de la « stupeur anonyme », l'explosion dans la tête, le bout du rouleau, « Combien lui reste-t-il encore de rouleaux ? », la jubilation du pillage envisagé, la place recherchée…

Un voyage caustique au pays toujours en recomposition de la famille, des héritages, des ruptures et des continuités, « Les moments d'accalmie sont les plus inquiétants, centre vide et compact de l'ouragan »…
Lien : https://entreleslignesentrel..
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Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
ON A DÎNÉ…


Extrait 1

On a dîné, il s’est mis au lit, je peux sortir au frais. Vite, avant la nuit, avant la peur, vite.

Le soleil est à l’ouest. Les arbres se découpent nettement dans la lumière, et les alternances de soleil et d’ombre tracent des bandes dans les champs verts ou dorés jusqu’à l’horizon. C’est l’heure du soir où après la pluie tout resplendit. Sous le grand marronnier, derrière la haie de charmes la queue du poney blanc flotte comme une écharpe. Un écureuil a traversé la pelouse. Mon vieux pommier est là, et le château aussi, de l'autre côté de la route, gagné par l'ombre, avec son perron gris où je pleurais quand grand-mère m'avait dit des mots coupants comme les grandes herbes. Les vaches regardent, se chevauchent, blanches et noires devant le soleil orange. Les pâquerettes fermées ont un cerne violet, la pelouse est parsemée des tumulus de terre creusée par les taupes, la route s'éloigne en S.
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MALGRÉ LE RISQUE PERMANENT D'ÉCLATEMENT…


Extrait 1

Malgré le risque permanent d'éclatement, nous nous protégeons, nous nous réchauffons, nous nous molletonnons. Devant ce qui se prépare, nous avons besoin de dire « nous », de nous livrer à des outrances d'enfants surexcités qui sautent sur les lits en cassant les ressorts des matelas et en criant des grossièretés, un besoin furieux de tourner en dérision ce que nous avons de plus inévitable, de détruire ce dont nous sommes nés et qui nous colle à la peau, de tout dérailler et de tout débrailler. Nous en rajoutons, nous forçons le trait avec des mots de tribu de frangins qui se ressemblent et lui ressemblent, qui sont lui et nous, et en même temps pas lui, pas nous. Tout près de nous, partie de nous, et chacun absent à soi.

Et nous restons dévoués, comme tante M., tante C., tante B., oncle Georges, oncle Michel, toutes ces ombres qui passent et repassent et nous traversent malgré nous.
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ON A DÎNÉ…


Extrait 2

Au bout de la pâture qui longe la maison, il y a un vieux hangar qui n'en finit pas de crouler. Chaque tempête l'attaque, amas de plus en plus informe de tôles ondulées et de ferrailles rouillées. Désaffecté.

Que faire des choses de toujours ? Les choses lourdes et les choses légères, les pierres grises du château, les punitions de grand-mère qui n'aimait pas les filles, le hêtre aux gros pieds de mousse humide, les vaches qui se lutinent, les taupes qui creusent leurs galeries sous le pommier. On voudrait les faire parler, on les regarde, on les nomme, on les rumine. On ne comprend pas encore qu'elles ont déjà disparu. Les choses de toujours sont là et elles ont disparu. Elles sont là mais je n'en suis pas. Les choses de toujours ne sont pas des choses de toujours.
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AU RÉVEIL…


Extrait 2

J'ai entendu un jour à la radio parler du phénomène de la timidité botanique qui m'a soudain captivée comme une chose qui me concernait de très près : certains arbres dans les forêts limitent la poussée de leurs racines ou de leurs branches quand ils sentent, au moyen de l'émission d'un gaz, qu'un autre arbre est en train de pousser à côté d'eux. L'arbre en se restreignant ouvre une « fente de timidité » pour que la lumière pénètre mieux l'ensemble de la forêt. Je crois que dans toute famille nombreuse s'installe un phénomène de timidité botanique, avec beaucoup de gens qu'on veut à la fois écraser et ménager : parents, frères, sœurs, oncles, tantes, ancêtres...
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MALGRÉ LE RISQUE PERMANENT D'ÉCLATEMENT…


Extrait 2

À Péricourt nous retournons dans nos moules de filles et de fils, comme des petits pains ayant des degrés divers de cuisson, des garnitures et des tailles différentes, mais travaillés, enserrés et ordonnés par la même main. Nous parlons fort, nous redisons pour lui des mots que nous avons banni de notre vocabulaire: « c'est agaçant », « c'est assommant », « c'est fou ce que », « Benjamin a une bonne situation et son fils est tordant », « Tim est tellement ardent ». Nous adaptons nos gestes, nos mimiques, nos intonations, notre manière de nous asseoir, de respirer.
Et nous fournissons au vieillard ses meringues.
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