Le passé ne mourait pas, ses peaux ne tombaient pas comme celles d'un serpent. Même s'ils se séparaient ce soir après une brève étreinte pour ne jamais se revoir, elle resterait en lui, et lui en elle. Ce halo immatériel de mémoire donnait au présent une intensité de vie qui était du bonheur;
Pourquoi arrivait-il souvent que l'on pense à quelqu'un qu'on n'avait pas vu depuis longtemps et que, ce jour là précisément, on tombe dans la rue sur lui ou que l'on reçoive de ses nouvelles? Pourquoi les absents se manifestent-ils au moment où notre esprit les convoque ? Elle ne croyait ni au dieu catholique de son enfance, ni au dieu musulman de son mariage, ni aux dieux hindous que tous ici vénéraient, mais à des forces spirituelles qui régissaient le monde - la force du désir, qui faisait arriver les choses? Le refus de l'oubli?
On ne retient pas une femme en la suppliant de ne pas partir.
Elle avait le genre de beauté sur lequel les ans ne laissaient pas de trace.
La mauvaise humeur était à jamais perdante.
La volonté de la littérature de faire oublier qu’elle est littérature. La récusation littéraire de la rhétorique. Le choix de l’originalité et de la différence. L’invention d’un langage neuf. En littérature comme en politique, la terreur prétend libérer les idées contre le langage !
Il y a des êtres qui se sont si profondément imprimés en nous qu’on porte à jamais leur empreinte.
La vie vous rend sous une autre forme ce qu’elle vous prend.
Dans la vie d'une femme, il y avait un moment où elle désirait un enfant très fort :entre trente-cinq et quarante ans, quand son horloge biologique approchait du point de non-retour. Une histoire d'hormones. Même les féministes les plus indépendantes se laissaient piéger à ce moment précis de leur vie. Piéger, oui. Ce que la femme désirait, ce n'était pas l'enfant que l'adorable bébé, la fusion avec son appendice corporel, la perte de soi dans les humeurs et les liquides, le lait coulant de son corps à la bouche de l'enfant. Le bébé était une drogue dont il fallait ensuite se sevrer. Si les femmes avaient plusieurs enfants, c'était par désir de reproduire ce moment magique où elles avaient un bébé. mais le bébé grandissait. On en prenait pour vingt ans. Vingt ans de couches et de tétées, de genoux écorchés et de rhinopharyngites, d'école, d'examens, de compétitions, d'avenir à assurer _ quand tout se passait pour le mieux. On se retrouvait un jour face à soi-même et il était trop tard.
À 64 ans, il y avait encore des premières fois. Ses doigts entrelacés aux siens, il lui caressait du pouce le dessus de la main. Il se rappelait, pour l’avoir citée dans un livre, la définition de l’amour selon Aristophane dansLle Banquet : « Quand le hasard lui fait rencontrer cette moitié de lui-même, son complément, l’amoureux est saisi d’un sentiment d’amitié, de familiarité, d’amour, et ne veut plus la quitter. » N’était-ce pas ce sentiment qu’il éprouvait pour Srikala? Quelle était cette force qui le propulsait vers elle ? Pourquoi avait-il été si ému de trouver son message ?