Citations sur La nuit, j'écrirai des soleils (266)
L'antonyme de " fiction" n'est donc pas " réel" , ce serait plutôt" slogan" , quand une formule pétrifié la pensée sous forme de certitude. La récitation d'un slogan nous unit pour mieux nous soumettre. Alors que la fiction, en nous recentrant de nous-mêmes, nous invite à visiter d'autres mondes mentaux, à agencer différemment des segments du réel, à calculer d'autres hypothèses.
"Moi, j'ai les mains sales. Jusqu'aux coudes. Je les ai plongées dans la merde et dans le sang"
NDL : B. Cyrulnik explique comment Jean Paul Sartre a rempli le vide de la disparition de sa figure d'attachement en produisant des objets de remplacement sales, fâcheux, mous, pourris, visqueux.
L'écriture comble le gouffre de la perte.
Après un deuil, pour ne pas souffrir du néant, de l'immobilité du temps qui caractérise la mélancolie, nous sommes contraints à la créativité.
Picasso a peint Guernica pour dénoncer le bombardement d'une population sans armes par les armées franquistes, mais la destruction de Dresde, du Havre ( 1 ), Brest par les alliés n'ont pas inspiré les artistes qui, par leur silence, ont mis à l'ombre ces bombardements.
( 1 ) ma ville, ville de béton, comme Brest, et sans doute Dresde.
Le manque invite à la créativité. La perte invite à l’art, l’orphelinage invite au roman. Une vie sans actions, sans rencontres et sans chagrins ne serait qu’une existence sans plaisirs et sans rêves, un gouffre de glace.
En 1960, Raymond Queneau crée l’Oulipo (Ouvroir de littérature potentielle) où un groupe d’écrivains s’imposent des contraintes sémiologiques pour en faire des sources de créativité.
L'héroïsation de la blessure soigne celui qui parle autant que celui qui écoute. Quand le réel est présenté comme une histoire, quand l'horreur est métamorphosée en récit poignant ou édifiant, le peuple ému adore le blessé et l'aide à se resocialiser. C'est ainsi qu'un profond désespoir peur se transformer en hymne à la joie.
Ce qui revient à dire que le cerveau est sculpté par le milieu et que, en cas de manque, il peut compenser en surinvestissant un autre mode de communication.
La perte d'un enfant n'est pas une libération, c'est une immense douleur qui tue la vie mentale : rien à rêver, rien à aimer puisqu'il n'est plus là. Alors, dans ce gouffre, il n'est pas rare que le parent ressente un fort besoin d'écrire. Écrire la vie de l'enfant perdu pour le faire vivre encore un peu dans l'âme de l'endeuillé.