Un très bel ouvrage, vraiment très émouvant
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Ce type raisonne comme aux échecs. Il vous porte d’un côté pour vous avoir de l’autre. Il connaît très bien la lenteur du mécanisme de la fosse. Lorsqu’il est arrivé ici et a vu qu’elle était fermée, il aurait pu se contenter de se cacher dans la colonne, mais c’était trop dangereux… Après le coup du double fond en carton-pâte maquillé béton, il pouvait se douter que nous chercherions d’autres trucs de ce genre en voyant qu’il n’y avait pas d’autre issue à part le conduit… Il a donc ouvert la fosse pour nous indiquer le chemin. Bref, il nous invite à trouver son passage secret, à fouiller aux alentours, alors qu’il est tout simplement resté ici ! Il nous fait ainsi croire qu’il a pris la poudre d’escampette. Mais, comme aux échecs, il peut y avoir un moment de distraction qui s’avère fatal.
À chacun son destin, Alex, on ne peut pas être partout, on ne peut pas toujours protéger ceux qu’on aime. Il faut vivre, Alex, c’est ce qu’on doit à nos morts. Et vivre, ça veut dire aimer la beauté du monde en acceptant qu’il puisse être terrible. Kathy est un ange qui croise ton chemin. Tu as envie de la suivre et tu ne le fais pas parce que tu crois ne pas le mériter. Si tu continues à t’attacher à ce genre de conneries, Alex, tu vas perdre l’humanité nécessaire à ton boulot.
Ce type est un renard qui ne se contente pas d’une solution. Il prévoit un « double fond » et une sortie camouflée dans le mur. Il choisit un conduit qui ne figure pas sur les plans officiels, mais qui pourrait être repérable, il le fait donc surveiller par ses anges gardiens et il fait semblant de le boucher tout en prévoyant une source puante pour décourager l’approche de visiteurs. Mais cela ne lui suffit pas, il lui faut une autre issue.
La bureaucratie est souvent cruelle... C’est elle qui banalise tout. Pas nous qui sommes sur le terrain. Nous, nous vivons mal, nous buvons mal, nous mangeons mal, nous dormons mal. Et à cause de tout ce que nous voyons, nous aimons mal aussi. Et surtout, nous souffrons comme des chiens lorsque l’un de nous disparaît. Malheureusement, nos supérieurs, le système tout entier, ne nous donnent pas le temps de nous consacrer au deuil.
Parfois perçu comme borné et casse-cou, il pouvait susciter des sentiments tels que la jalousie, l’exaspération, voire la peur, car, comme tous les êtres doués, il lui arrivait de passer la mesure. Il était normal qu’un tel tempérament laissât fuser la vapeur de temps à autre, même si ça pouvait faire un peu mal. L’important était qu’il eût une soupape. Et ce rôle me convenait admirablement.