Imaginez.
Nous sommes dans la première moitié du XIXe siècle. Entre 1820 et 1840.
Un opéra, un théâtre, une salle de spectacle... Où vous voulez. Milan, Venise, Paris, Vienne ou ailleurs.
Vous vous asseyez et vous ignorez ce qui vous attend. de la musique, certes, c'est ainsi que l'annonce le programme.
Le musicien apparaît.
Longs cheveux bruns qui encadrent un visage émacié, exsangue. Silhouette malingre, toute vêtue de noire.
Et puis le violon.
Des notes comme vous en avez rarement entendues.
Et dans ce moment, une corde se romp, et le musicien joue encore. Puis une autre corde. Jusqu'à ce qu'il n'en reste plus qu'une.
Et le musicien joue encore...
Voici Paganini.
Surnommé le musicien du diable.
De rumeurs en rumeurs, jusqu'à la fin, non, même après la fin, on le soupçonnera d'un pacte diabolique.
Voici son histoire. Sans romance, sans interprétation. Sa vie comme elle a été.
Voici Paganini.
Musicien de génie, avec un sens du spectacle complètement avant-gardiste pour l'époque.
Commenter  J’apprécie         60
Là où s'arrête la raison commence Paganini. Et c'est tellement vrai. Lui qui fut tout sauf raisonnable. Passionné, passionnant, virtuose, lumineux, angélique. Mais aussi sombre, malade hélas, et finalement comparé au diable. Comment être Dieu et le diable à la fois ? Une seule possibilité : être Paganini. Ce roman m'emporte parce que j'adore autant Vivaldi que Paganini. Parce que l'on traverse la vie trépidante de cet homme, en écoutant sa musique et que j'en suis renversée. Car il est bouleversant. Même si l'épisode le plus connu de sa vie fut les turpitudes de sa mort, Paganini demeure grandiose. Et aujourd'hui encore si sa musique crépite sous les doigts de Zimmermann, Papavrami ou Hahn, ces grands violonistes ne sont pas sortis de l'auberge : car comment interpréter les partitions du maître ? Nul ne le sait. Paganini n'a laissé aucune indication. C'est sa dernière leçon et elle est magistrale : au lieu d'avoir sans cesse recours au maître, n'est-il pas temps de rechercher en soi le génie qui sommeille et de le laisser enfin s'exprimer ?
Commenter  J’apprécie         10
Si Paganini le violoniste virtuose est bien connu, son œuvre de compositeur mérite d’être redécouverte.
Lire la critique sur le site : NonFiction
Comme à son habitude, Paganini n'a distibué les partitions qu'au début de la répétition - et il ne manque jamais de les récupérer ensuite. De cette manière, personne n'a le temps de copier sa musique, de lui voler son travail. Inapprochable, énigmatique, c'est ainsi qu'il doit rester. D'ailleurs, il répète uniquement les passages où il joue avec l'orchestre, se contentant pour ses solos d'indiquer les premières et dernières notes.
Au milieu des pierres tombales, il ouvre sa boîte à violon rouge, avec son nom gravé en lettres dorées, et sort son Guarnerius : il joue pour les morts. Paganini a des tendances nécrophiles et une fascination pour le monde macabre. Il se trouve là au royaume des ténèbres. Les notes résonnent avant de s'évanouir dans la nuit. Chaque soir il recommence au Lido la même cérémonie. Autour de lui, parfois quelques personnes sont assises en cercle sur les tombes, d'autres debout à l'écouter, projetant leur ombre sur les stèles. Est-ce le diable encore qui s'est emparé de lui ? Certains le croient. En tout cas, ces heures passées dans le cimetière lui redonnent la santé. Mais dans les allées persemées d'arbres, il a cessé d'être incognito. Le geste de Paganini est rapporté aux oreilles de l'évêque de Venise, qui y voit la profanation d'un lieu saint. N'a-t-il pas vendu son âme au diable ? C'est un possédé, disent les uns, un sorcier, affirment les autres. Le violoncelliste est banni du cimetière.
Rien que les recettes de ses huit premiers concerts viennois ont totalisé près de 22.000 florins : à peu près les gains de Schubert durant toute sa vie. A Berlin bientôt, il gagnera 11.000 thalers en trois mois, lorsqu'un musicien d'orchestre est payé en moyenne 5 thalers par concert.
Jusqu'à sa mort, il restera associé à Satan. Le diable rôde depuis longtemps dans la musique. Sa présence se manifeste par une succession de deux notes, séparées par trois tons. Lorsqu'elles s'enchaînent, ces deux notes, qui correspondent à la moitié d'une octave, créent une impression de dissonance sonore, qui écorcherait presque une oreille. A la fin du Moyen-Age, cet "accord du diable" a été interdit par l'Eglise.
Là où s'arrête la raison commence Paganini.
(Meyerbeer)
Il y a tant de voix qu'on n'entend pas. La littérature peut parfois faire entendre ces anonymes désespérés, dévastés, délaissés, encrer leurs cris, leur rage et parfois leur silence. C'est ce que font, avec force, Antoine Wauters et Grégoire Bouillier.
Grégoire Bouillier, le coeur ne cède pas (Flammarion)
Antoine Wauters, le musée des contradictions (Éd. du Sous-Sol), Goncourt de la nouvelle 2022
Une rencontre animée par Laure Dautriche, le 10 septembre 2022 au palais du Gouvernement. Lecture: Benoît Fourchard (Festival 12000 signes).