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4,03

sur 373 notes
Je suis passée à côté. Je n'ai pas du tout compris ce livre.
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S'il ne fallait retenir qu'un livre pour cet été, ce serait celui d'Erri de Luca. D'une écriture fulgurante, où chaque mot compte, chaque phrase suscite l'émotion, l'écrivain poète conte l'histoire d'un homme appelé au chevet d'une statue, afin de lui redonner son aspect originel. L'entreprise est peu banale. Il s'agit d'un christ en croix sculpté dans le marbre par un jeune artiste au lendemain de la Grande Guerre, mais dont le sexe fut assez vite masqué d'un vilain pagne par l'évêque du diocèse. le curé de l'église veut faire supprimer ce drapé pour rendre au supplicié sa nudité. Sculpteur de formation ayant renoncé à toute carrière malgré son talent, préférant aider des clandestins (gratuitement) à passer la frontière à travers les montagnes qu'il connaît par coeur, l'homme accepte. Et prend la demande à coeur, au point de faire corps avec la figure en souffrance. «Dans une statue, on doit entrevoir le sang. Ici, les veines sont gonflées jusqu'à l'impossible. Ici est représentée la mort d'un athlète en plein effort.» Avec grâce et subtilité, le narrateur, habité par un frère jumeau qu'il a perdu enfant, entraîne le lecteur dans une errance à la fois physique, spirituelle et sentimentale, l'interrogeant sur son rapport à l'autre, au corps, sur le sens des religions, la compassion et la solidarité entre les hommes.
Un récit troublant.

Beaux Arts magazine 398 août 2017- Daphné Bétard.
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Magnifique texte sur un thème plutôt original, reconstituer la "nature" d'un nu sculpté par un autre. Silence, méditation, traversée, montagne transportent le lecteur au long de cette courte oeuvre pleine de petits chefs d'oeuvre d'anthologie. Un livre qui ne s'oublie pas.
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Superbe livre sur le passage , la transmission...sur la voix de l'artiste à travers sa sculpture ... magnifique !
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Si vous cherchez une histoire originale, je dirais même plus, inédite, inouïe… alors ce livre est fait pour vous : un sculpteur est missionné par un prêtre pour enlever la tunique d'un Christ en croix (en pierre) et lui rajouter un sexe en érection ! C'est d'autant plus étonnant qu'Erri de Luca est connu pour ses textes fortement autobiographiques. D'ailleurs, l'auteur remercie dans une belle introduction, l'ami qui lui a soufflé cette idée.

Ce court roman, regorge de conversations théologiques entre le narrateur, le prêtre, un évêque, un rabbin et un ouvrier musulman. Ces dialogues sont intéressants et érudits mais ils deviennent lénifiants car les représentants de ces trois religions monothéistes montrent à mon avis trop de tolérance et de modernité pour que cela soit réellement crédible. Sur un tel sujet, il aurait été intéressant, je pense, de montrer l'ambivalence des religions qui prônent la compréhension et le pardon mais qui condamnent et censurent très régulièrement.

Erri de Luca ne semble pas très sûr de son intrigue, car dans les dernières pages, il invente une histoire criminelle qu'il ne résout pas et qui m'a semblé totalement hors sujet.

Gallimard considère sûrement que ce texte est des plus importants d'Erri de Luca, car il fait partie du « Quarto » (édité l'an dernier) au côté de nombreux autres textes pour la plupart inédits en France.
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Petite merveille d'écriture, ce livre nous conduit sur un chemin initiatique. En partant de la montagne et d'une oeuvre d'art, l'auteur nous apprend à porter un regard nouveau sur les choses simples et pourtant au combien essentielles. Poésie et tendresse sont au rendez-vous. Merci à Monsieur derri De Luca pour ce moment de partage
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Étrange récit que celui de ce passeur d'immigrés clandestins, montagnard et sculpteur à ses heures, qui préserve jalousement son anonymat et sa liberté. Recruté par un curé pour restaurer une sculpture du Christ en croix datant du début du XXe siècle, notre homme, paisible et ombrageux par moments, s'investira totalement dans sa tâche, au point de basculer dans un certain mysticisme, lui, se définissant en principe comme incroyant. L'écriture de Erri de Luca est précise et en même temps laisse le lecteur avec des questionnements non résolus. Trois étoiles pour ce constat mais une lecture tout de même appréciée.
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Ecce homo


Laissez-moi évoquer Lucienne.

Il est bon parfois de revenir sur la manière dont les livres sont venus à nous (ce que j'appelle "les arbres de transmission", aux ramifications parfois tortueuses et inattendues), quand ce n'est pas nous qui sommes allés à eux. Lucienne était mon amie. Elle est morte au printemps dernier. Lucienne était institutrice. J'écris "était" et non pas "avait été" car jusqu'au bout elle a eu la volonté de transmettre et d'enseigner, notamment la lecture et l'écriture. Son autre sacerdoce a été de lutter, toujours et partout, contre toutes les formes d'injustices, sociales, professionnelles, raciales, etc. dont elle était témoin. Elles furent nombreuses et son opiniâtreté à les combattre sans défaut.

Il semblait inévitable que son chemin croise celui de Erri de Luca. C'est donc elle qui me l'a fait connaître. Elle lui avait écrit pour lui dire son admiration. Il lui avait répondu, joignant à son courrier un trèfle à quatre feuilles. Aujourd'hui, en reprenant quelques-uns des livres qu'elle m'a donnés, il m'arrive de tomber sur des notes de sa main : "La plus belle page de littérature que je connaisse sur le travail manuel."

Erri de Luca donc. On a envie de chérir cet homme, sa haute stature, son visage émacié où deux petits yeux clairs aux paupières en visière sont, tantôt rieurs, tantôt graves, mais toujours vifs. La probité, l'humanité, la conscience sociale et politique de cet homme sont le fruit d'un cheminement qui l'a mené du militantisme d'extrême gauche, au refus de la lutte armée, à la vie d'ouvrier errant, à la lecture assidue de la Bible, à la pratique de l'alpinisme vécu comme un effacement, et à l'écriture. Ces moments se retrouvent dans la plupart de ses livres.

Dans celui-ci, un sculpteur fait régulièrement passer la frontière à des clandestins. Contraint de quitter son village, il se voit confier la restauration d'un Christ en croix dont il s'agit de retrouver l'état initial en escamotant le drapé cache-sexe apposé après coup. Comme souvent chez De Luca, l'homme est taiseux, énigmatique et solitaire, même si certaines femmes ne manquent pas de succomber à ce charme simple et brut. À travers cette figure, De Luca explore nos rapports à l'amitié, au pouvoir, au sacré, à l'amour, à l'engagement, au travail, à la parole, donnée et reçue. On le voit, le programme est vaste. Ce texte bref y parvient pourtant. Mais que l'on ne s'y trompe pas, De Luca ne donne jamais de leçon, il témoigne, à sa manière, avec assurance et humilité.

(Je ne note pas les livres car ce ne sont pas de bons ou de mauvais élèves.)
Lien : https://lesheuresbreves.com/
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Très beau livre. Un court roman qui aborde pourtant des sujets importants, voire graves, et de belle manière : les migrants, la mort, l'amitié, l'amour, l'art, la religion...
C'est très bien écrit, on ressent vraiment les choses. Juste un peu déçu par la "fin" sur la montagne qui ne me semble incongrue ici, voire inexpliquée.
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Déconcertant sujet que celui de « La nature exposée », le dernier livre d'Erri de Luca.

Un homme, dont nous ne saurons jamais le nom, proche de la soixantaine, vivant au pied des montagnes , près de cette frontière qu'il fait passer clandestinement à des réfugiés venus des côtes d'Afrique, vit de petites figurines qu'il sculpte dans le bois de racines ou les fragments de roches qu'il trouve dans les pierriers. Prisonnier d'une peur qu'il ne sait pas encore être de l'orgueil dévoyé, il se refuse le beau nom d'artiste : la femme qui l' aime le quitte d'ailleurs pour cette raison, devinant dans ce refus du son destin les stigmates d'un amour étriqué.

Succédané de cet art qui est le sien, notre homme restaure aussi à l'occasion les chefs d'oeuvre du passé. A ce titre, une curieuse demande lui est faite par le curé de la petite ville où il séjourne au déboulé de sa montagne. A son retour des fronts de la Première Guerre un jeune artiste a reçu la commande inouïe de sculpter dans le marbre, un Christ en croix, intégralement nu comme les suppliciés de son temps. Passé ce premier moment d'audace, l'Eglise a ressenti la nécessité de recouvrir le sexe du crucifié – il est vrai en début d'érection – d'un drapé de pierre. Il s'agit maintenant de retrouver l'oeuvre originale en débarrassant la sculpture de son pudique drapé. le narrateur accepte cette tâche.

Ce roman en forme de conte théologique est l'occasion d'aborder plusieurs thématiques fort riches dont la principale, celle qui donne sa tonalité à l'oeuvre, est celle du passage.
Tous les personnages de ce roman sont des passeurs à des degrés divers : le personnage principal et narrateur concentre en lui cette notion au plan littéral – il aide des migrants à franchir clandestinement la frontière qui sinue sur la ligne de crête des montagnes toutes proches – et au plan métaphorique par sa condition d'artiste. Tu es, plus qu'un artiste, tu es un créateur lui dit sa compagne peu avant de le quitter ; « quelqu'un qui force les limites en s'écorchant les mains pour forcer un nouveau passage ». Un nouveau passage aussi pour ces migrants qui franchissent cette montagne, frontière naturelle comme peut l'être notre propre peau : délimitation stricte d'un dedans mais qui par la même constitue le dehors avec lequel se produira l'échange. Une frontière n'a de sens que si on la franchit de même que notre peau n'est pas simple protection mais bien condition de notre interaction avec l'extérieur.

Figure tutélaire du récit : le Christ dont la parole dite depuis la croix fait de celle-ci « une rampe de lancement pour les générations » auxquelles elle ouvre un nouveau passage, de l'Ancien testament vers le Nouveau, d'un monde supplicié vers le monde du pardon.

Le point focal de ce beau roman est bien sûr » l'exposition » comme le titre l'indique de la nature du christ certes au sens précis de ses attributs sexuels mais aussi au sens du dévoilement de sa nature humaine et divine que l'auteur aborde sans lourdeur via de décryptage progressif de ce que le sculpteur et son oeuvre ont a nous dire. Erri de Luca qui n'est pas croyant, entrelace avec un bonheur d'écriture remarquable le miracle de l'Incarnation et la sublimation artistique par laquelle le sculpteur a substitué son propre corps à celui du Christ, se soumettant lui-même à une forme de supplice afin de représenter dans la pierre, le plus fidèlement possible, « les faisceaux musculaires du cou, les biceps étirés, les triceps en relief sous l'effet de la torsion ». Ce christ n'est pas mort : il est à l'agonie, on ressent le dernier effort pour aspirer l'air et ne pas mourir, ne jamais mourir. On ressent ce vent froid de début de printemps qui mord le corps dénudé : avec un peu d'imagination, la tête légèrement penchée de côté, on peut même voir avec lui, en contre-bas, « la dernière lumière qui embrase le blanc des remparts de Jérusalem ».

Cette « sur-incarnation » du Christ se déploie en contrepoint d'une « désincarnation » saisissante de l'homme.. Chez vous dit un ouvrier algérien, j'ai appris à n'être personne, « je garde les yeux baissés et ainsi ; je les lève et j'apparais à nouveau, disons que nous n'existons pas les uns pour les autres ». Chacun est désormais sur terre comme on est en bateau sur la mer : « à l'étroit au-dessus d'un désert infini ». Cette désincarnation de l'humanité est suggérée par mille détails : les personnages ne sont jamais nommés ; se croisent ainsi la « femme », un boulanger, un forgeron, le curé, l'ouvrier algérien… le décor lui-même se détache de ces pages en noir et blanc, pris dans la grisaille et le froid : la neige des cols de montagne, la pierre noir des trottoirs de Naples lorsqu'il pleut, le marbre blanc et glacé de la statue…

Ce beau roman qui, à mon avis-seule réserve de ma part - s'encombre inutilement d'une intrigue « sentimentalo-policière » que je ne dévoilerai pas, se clôt sur une note d'espoir : notre artisan sculpteur arrive au bout de sa tâche et se réconcilie avec son destin d'artiste, de passeur.
On aura encore bien besoin de lui et de ses semblables car quelque part dans le monde, existe « un pharaon moderne qui noie à la fois les femmes, les hommes, les livres et les enfants ».
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