Lors d'un café littéraire organisé par Musanostra sur le thème de la ville, un livre s'est imposé à moi : le
Cosmopolis de
Don Dellilo. Dans une certaine littérature américaine, la ville, que ce soit New York ou Los Angeles, est omniprésente et constitue un personnage à part entière. de Jay MacInerney en passant par
James Ellroy ou
Bret Easton Ellis, la ville est duelle, désirée mais source de tous les maux, honnie mais fascinante.
Cosmopolis a pour cadre New York, en 2000 : un jeune golden boy millionnaire de 28 ans, Eric Packer, tente, dans son immense, luxueuse et ultra-technologique limousine blanche, de traverser la ville totalement paralysée par la visite du Président des Etats-Unis. de cette tour d'ivoire, le personnage observe le spectacle du monde : manifestations, violences, cohabitation monstrueuse de la misère et de la richesse. Packer, héros quelque peu arrogant, se croit protégé dans ce lieu clos où il peut tout faire : travailler, contrôler, recevoir médecins, maîtresses, collaborateurs ; il se croit à l'abri d'un monde qui va trop vite, d'un monde où la technologie accélère le temps, où tout semble déjà vieux. Cette ville sur le point de sombrer préfigure la chute du personnage, dont on sait qu'il va être ruiné puis tué. L'implosion de New York annonce aussi la décadence de la société moderne.
Cosmopolis n'est pas un livre dans lequel on entre facilement : il faut prendre le temps de s'adapter au rythme très particulier du texte, pour appréhender le chaos d'un monde éclaté, en pleine décomposition, et s'abandonner au style vertigineux de l'auteur. Un effort largement récompensé par cette vision frontale et crépusculaire que nous offre
Don DeLillo.
Cette Amérique en déliquescence est également le sujet de prédilection de
James Ellroy, maître du roman noir américain. Dans son très puissant Quatuor de Los Angeles, dont le premier opus est le Dalhia noir, le théâtre des cauchemars est la cité des anges. Dans un style épuré et percutant, il restitue une autre réalité : celle des flics, des prostituées, des gangs et des minorités.
Mais la littérature américaine que j'aime est plurielle. C'est ainsi qu'avec
Jim Harrison, on quitte l'atmosphère étouffante des villes tentaculaires. Son univers est tout aussi brutal, violent et désastreux, mais il permet une échappée vers les « grands espaces ». le mysticisme qui se dégage de ses romans et nouvelles, la possible rédemption si l'on sait écouter les voix sacrées de la Nature et si l'on se laisse bercer par les mystères de la culture indienne nous apportent une bouffée d'air pur bénéfique et salutaire. C'est sans doute en cela que réside la puissance de la littérature : sans avoir jamais été dans ce grand nord sauvage de l'Amérique si souvent décrit par Harrison, je peux dire que je le connais !
par Bénédicte Savelli 2011
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