Paru en 2003, cette analyse de
Christophe DEJOURS a conservé une bonne part de pertinence, en 2021, où notre société de services est passée d'un ensemble d'oasis numériques à un océan numérique dans lequel nous flottons comme une myriade de bouchons. Nous sommes immergés dans un monde phygital sans être submergé par celui-ci. La devise de Paris « fluctuat nec mergitur » prend alors un sens moderne. A ce jour, la tendance à vouloir tout calculer exacerbe les défauts, les écarts entre la réalité et notre intelligence de celle-ci. le monde numérique tend à faciliter la duperie et nous montre les limites de notre aptitude à discerner les vessies des lanternes. Les autoroutes de l'information rendent donc d'autant plus cruciale, la nécessité de ne pas faire fausse route, de bien choisir, sous peine d'aller à la dérive à la vitesse de l'éclair.
En conséquence, pour continuer à choisir avec pertinences nos réponses à diverses sollicitations, autrement dit, pour exercer pleinement notre responsabilité et conserver du sens à nos actions, il est nécessaire de nourrir notre capacité à faire des choix, à prendre des décisions. L'un des écueils serait de ne plus penser, pour diverses raisons, et se laisser mener par une série de réflexes à la Pavlov, par une ribambel d'habitudes, d'addictions irréfléchies. En effet, ces attitudes par lesquelles, nous marcherions au hasard, à toute vitesse entre deux jonctions provoqueraient un ralentissement drastique et épuisant. Donc, nous tituberions à la manière d'un ivrogne du numérique complètement imbibé, définitivement dépendant, incapable de penser, hors sol, sans objectif, sans finalité.
Or l'auteur souligne bien l'importance de conserver un rapport étroit avec le réel puisque le travail se définit comme complémentaire à l'intelligence pour réaliser une oeuvre. Dans ce contexte, l'intelligence constituerait l'ouvrage puis le travail réaliserait l'oeuvre, c'est-à-dire tous les ajustements utiles pour parvenir à l'objectif malgré les aléas, les incertitudes, la complexité, les lacunes engendrées par une intelligibilité partielle, par nature, de la réalité. Cette confrontation avec le réel pour atteindre une finalité constitue le travail effectif.
Donc, la dualité entre intelligence et travail, bien coordonnée, est la seule source d'efficacité, voire d'efficience lorsque les leçons sont bien tirés. Donc, si une valeur est accordée au résultat atteint, sa distribution entre l'intelligence et le travail est compliquée du fait de leur intrication. Donc, le modèle de chaîne de valeur, n'explique pas vraiment le bouclage, la roue qui produit la valeur. Edward Deming lorsqu'il a mentionné le concept PDCA, dénommée Roue de Deming, a bien cerné le phénomène.
Donc, la problématique de l'évaluation du travail est prégnante.