Critique de
Yann Plougastel dans le blog polar du Monde :
Sexe, mensonge et religion à Florence du temps de Savonarole
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De Savonarole, moine dominicain intransigeant, l'Histoire a surtout retenu qu'il fit dresser en 1497 un « bûcher des vanités », sur la principale place de Florence, où il ordonna de brûler livres et oeuvres d'art jugés trop frivoles. Depuis, son nom symbolise, à lui seul, dérive intégriste et raidissement dogmatique… Pourtant, l'image mériterait d'être plus nuancée. Prieur du couvent de San Marco à Florence, pendant la Renaissance, Jérôme Savonarole (1452-1498) s'opposa très tôt à la corruption régnant dans la ville des Médicis et au Vatican où il dénonça l'attitude fort opposée aux principes de l'Evangile d'Alexandre VI Borgia. Ce qui lui valut d'être excommunié, livré à l'Inquisition et pendu haut et court. Pour certains, Savonarole, en dépit de ses excès, annonçait simplement la Réforme chère à Calvin et Luther.
Gérard Delteil, auteur d'une cinquantaine de romans allant du polar («
Riot gun », 1989) au thriller («
Speculator », 2010), a eu l'excellente idée de ressusciter cette figure controversée dans « La conjuration florentine », une fiction historique, où sont retracés avec un grand sens du détail tous les termes du débat. À travers les yeux de Stefano Arezzi, un jeune novice fanatique chargé par le pape d'éliminer Savonarole, mais, qui, à son contact, change d'opinion, on croise les conseillers occultes des Borgia, ainsi qu'un certain Machiavel et quelques florentines peu farouches… Delteil, avec une belle subtilité, restitue une époque, pas si éloignée que ça de la nôtre, où l'on se déchirait pour une certaine conception de la religion et des tenues jugées indécentes, mais où remettre en cause l'ordre social signifiait à coup sûr un arrêt de mort.