Les films de Keaton sont autant d'illustrations d'un univers de l'effort, d'un monde « cassé » qui exige pour être restauré le maximum de ténacité, d'énergie et de créativité. Libre de tout arrière-plan et de toute arrière-pensée, l'action du personnage est la clef de ce cinéma sans artifices, où Keaton se met lui-même en scène et nous fait la démonstration de sa propre énergie, où — cas unique dans l'histoire du cinéma — l'exploit est exécuté par celui-là même qui le conçoit, au moment où il le conçoit, sans filet ni doublure.
Pas un moment de notre émerveillement et de notre plaisir dans un film de Keaton n'est dû au hasard. C'est une oeuvre dont chaque plan compte, parce que chaque plan est prémédité. Une idée par plan, pourrait-on dire. Et chaque « idée » est celle qui apporte la solution la plus adaptée au problème de mise en scène qui, croyons-nous discerner, se posait à Keaton sur le plateau de son film.