Guérie par ton amour

Réussir à dépasser mes peurs m’a énormément renforcée. J’ai compris qu’elles provenaient de mon imagination, qu’elles n’avaient pas de visage ni de nom. En refermant ma boîte de Pandore, j’ai favorisé une existence plus pragmatique et ancrée. De cette expérience a découlé l’un des pans essentiels de ma personnalité.J’avais trouvé en moi la ressource de gifler mon inconscient suffisamment fort pour changer de mode, mais j’ignorais encore pourquoi j’avais fonctionné de la sorte pendant toutes ces années. Seul le temps m’a permis de l’analyser.L’empathie est un fardeau que certaines personnes n’ont pas choisi de porter. J’ignore si elle est le fruit d’une éducation, d’un événement ou un sixième sens – et peu importe, au fond, elle est là. Pendant longtemps, j’ai absorbé les angoisses des autres, je les ai faites miennes, sans dissociation ni recul. Plongée dans un brouillard émotionnel, je ne percevais que stress et détresse. En décidant de faire le tri entre mes émotions et celles des autres, je n’ai pas renoncé à mon

Le désespoir qu’on ressent pour ceux qu’on aime a le goût de l’injustice et de l’impuissance. On aimerait donner son foie, donner tout ce qu’on a. À New York, durant mon burn-out, j’étais écrasée par la perte de sens. Ici et maintenant, j’ai une raison de me battre : mes parents. * Pour tenter une chimio, mon père doit d’abord se requinquer. On ne peut pas l’envoyer en traitement s’il est trop faible. Un infime espoir, c’est tout ce dont nous avons besoin. Ma mère, surtout, qui puise dans ses trésors d’optimisme pour remonter le moral des troupes. Je sais qu’elle va tenir la tête de mon père hors de l’eau et tout faire pour le garder auprès d’elle. En parfaite prestidigitatrice, elle s’anime avec l’énergie du désespoir.

Tout le monde prend des risques, investit, construit, le shooting pour lequel j’ai été bookée consacre beaucoup de choses, une idée, un concept, une ligne de fabrication, des boutiques. Ces équipes cherchent toujours à me mettre à l’aise et, toujours, je parviens à les détendre. Mon métier a bien des aspects techniques, mais surtout de nombreux aspects humains.

Nos complexes, nos peurs, nos failles nous structurent. Se libérer d’une peur, c’est se jeter dans l’inconnu. Soudain, je mesure que, si j’ai travaillé la forme de ma nouvelle moi, je dois aussi travailler le fond. Face à la brèche qui me torture, je doute même d’être capable de guérir. Méfiez-vous de vos rêves : ils pourraient se réaliser !

Pourtant mon mutisme n’avait rien d’héroïque, ce n’était pas un acte de bienveillance. C’était un choix égoïste, au contraire. J’ai fait de mon cancer un tabou pour me préserver moi-même. Je ne suis pas une exception : tant de familles choisissent de se taire.Ce tabou s’est répandu autour de moi. Dans mon travail, auprès de mes amis. Je me suis laissé prendre dans un véritable engrenage. Un petit mensonge en entraîne un autre, puis un autre encore et le mensonge grossit. Avec le recul, je me dis qu’on m’aurait sans doute écoutée, tendu la main. Mais à l’époque, j’étais pétrifiée, complètement bloquée, incapable de parler.