Nous sommes en 1937 au Mexique, Trotsky le proscrit vient d'arriver au port de Tampico. Il est accompagné de sa femme Natalia. « C'est un homme d'âge mûr, cinquante-sept ans, les cheveux blancs en bataille ». il est en fuite, condamné à l'exil sur l'ordre de Staline qui veut anéantir toute sa famille et toutes les personnes qui pensent comme lui.
C'est le règne des dictateurs, Staline en URSS, Hitler, le fascisme en Italie, Somoza au Nicaragua qui a fait assassiner Sandino. En Espagne la révolution va bientôt être balayée par Franco.
Trotsky est accueilli par
Diego Rivera et
Frida Kahlo (communistes tous les deux) et va vivre dans la maison bleue. Commissaire du peuple, il a créé l'armée rouge et dirigé cinq millions d'hommes. Il fait de l'ombre à Staline, qui commence par l'exiler en Sibérie d'où il parvient à s'échapper et depuis c'est un proscrit. Il sait que sa vie est plus que menacé.
En même temps, va arriver au Mexique,
Malcolm Lowry, accompagné de sa femme. Il est dans une situation précaire, « Lowry a vingt-sept ans, un physique de boxeur, les doigts trop courts pour atteindre l'octave au piano comme à l'ukulélé. Il vient de subir sa première cure de désintoxication alcoolique. Jamais encore il n'a gagné le moindre rond, et vit de la pension que chaque mois son père lui fait remettre en mains propres par des comptables obséquieux...»P 50. Un homme qui deviendra célèbre en publiant «
au dessous du volcan ». a ce moment-là il sort d'une cure de désintoxication éthylique (il en fera plusieurs mais récidivera chaque fois).
Les deux hommes sont écrivains mais Trotsky préfère se consacrer à une mission plus élevée : la IVe Internationale, et aussi à organiser un contre-procès en réaction avec les procès de Moscou.
Les deux hommes ne se rencontreront pas mais on va faire la connaissance de multiples personnages hauts en couleurs qui vont débarquer dans ce Mexique fourmillant d'idées, de réflexion. On va voir passer des gens connus, Antonin Arthaud,
André Breton, d'autres moins connus…
Ce que j'en pense :
Ce livre est très particulier. Au début, j'ai été littéralement scotchée par les connaissances de
Patrick Deville sur cette époque que je connais hélas bien mal.
L'ouvrage fourmille d'anecdotes, on apprend beaucoup de choses sur les protagonistes, mais voilà il y a tellement de monde qu'on se laisse vite débordé. J'ai dû prendre des notes car souvent sur une page, on voit une dizaine de noms différents et il faut se rappeler qui est qui…
de plus, l'auteur va vite, les dates s'entrecroisent, on ne sait parfois plus en quelle année on est, ça fourmille comme les idées au Mexique à cette époque.
L'auteur participe à l'aventure, (j'ai appris qu'on appelait cela une exo fiction) il rencontre les personnages encore vivants, va sur les traces de Trotsky dans le Transsibérien, sur les traces des protagonistes au Mexique, il retransmet les couleurs, les odeurs, l'ambiance tant il est passionné par son sujet et connaît bien l'histoire du Mexique… (Cf. ses descriptions de la ville…)
On rencontre des artistes, les muralistes : Siqueiros, Orozco, Guerrero, peintres révolutionnaires, la photographe Tina Modotti, stalinienne, Alfonsina qui écrit des poèmes, des écrivains cachés derrière des pseudonymes, Traven, Cravan, sans oublier Antonin Arthaud ou André Breton…
On note un très beau chapitre consacré au petit-fils de Trotsky, Sieva « le petit-fils du proscrit, le dernier survivant de la lignée exterminée, lequel avait été blessé dans la maison de Coyoacan lors du premier attentat de mai quarante ». Sieva qui deviendra Esteban Volkov et que Patrick Deville va rencontrer.
Une des difficultés de ce livre est le nombre de personnes citées, il y en a tellement qu'on s'y perd, parfois une quinzaine dans une page (Ex : page 93 on peut compter dix noms propres en vingt lignes). Il faut être très attentif car c'est difficile à mémoriser à moins d'apprendre par coeur tous ces noms propres, surtout quand on est comme moi et qu'on sait peu de choses sur cette période. Très franchement, j'ai été tentée d'abandonner à la moitié du livre environ (P 104), mais je me suis accrochée et bien m'en a pris…
Je découvre
Patrick Deville avec ce roman difficile mais très beau, avec une écriture incisive, presque musicale, des phrases courtes, qui martèlent le récit, lui donnant un rythme quasi effréné. L'alcool est présent, la drogue aussi (le Démerol). On entre dans la danse avec tous ces personnages, certains plus sympathiques que d'autres. Un livre à relire pour s'en imprégner et découvrir davantage l'histoire de cette époque et le surréalisme qui me rebute un peu.
Je retiens aussi le caractère passionné, enflammé de l'auteur qui arrive à nous insuffler un peu de cette énergie et nous donne envie de continuer même si c'est difficile. Je n'ai pas eu le temps de lire "Peste et choléra" qui est dans ma PAL, ce que je regrette...
Note : 8/10
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