« Ainsi mon frère, tu t'en reviens du pays dont je me souviens » Osons le pari, Alfred aurait adoré cet opus de di Fulvio. L'écrivain italien, plume romantique, s'il en est, comme le montre son hommage à Hugo, nous offre une rocambolesque aventure avec en toile de fond la libération de Rome de 1870. Les déboires de
Napoléon III eurent, en effet, comme conséquence collatérale, d'accélérer le processus de réunification de la Botte, la ville éternelle et ses alentours constituant jusque là une enclave papale. La Prise de Rome, événement considérable pour nos voisins transalpins, est méconnue en France, sans doute parce que, au même moment, un tragique épisode laissait dans nos coeurs une plaie ouverte.
800 pages qui se dévorent comme se dévore la cuisine de ce pays en général et de cette ville en particulier. Forcément, des grincheux trouveront les personnages trop purs pour être crédibles, dénonceront les anachronismes, s'insurgeront des ficelles romanesques un peu trop criantes. Si l'on s'en tient à la rationalité de leurs arguments, ils n'ont objectivement pas tort, c'est oublier que
Di Fulvio est un chef de gang… des rêves… Et puis, surtout pour éviter de cracher dans le minestrone, il fallait seulement éviter de rentrer dans cette auberge italienne tenue par ce sympathique chef. Que voulez-vous ! Il est comme ça, Luca… le client reconnaît de suite la patte, ou plutôt la pâte du Maestro, histoire de filer la métaphore culinaire… Pour me faire l'avocat du diablo, ces convives récalcitrants, pourraient reconnaître que certains personnages, l'Albanese ou Leone Pompei notamment, introduisent des ambiguïtés qui empêchent
Mamma Roma d'être considérée comme une oeuvre naïve ou manichéenne. Il est aussi envisageable de réfuter l'argument de la photographie jugée anachronique. Les historiens s'accordent à considérer que la Commune, j'y reviens, marque l'irruption de ce médium comme document historique avec ce qu'il suppose de subjectivité. Que di Fulvio s'accorde cette licence romanesque n'a donc rien de choquant…
Pour la troisième fois, j'admire la faculté de l'écrivain à tenir en haleine le lecteur en l'immergeant dans des milieux différents dépeints sans détails superflus mais de façon suffisamment précise. Cependant, le talent principal de di Fulvio réside dans ses tableaux où les nombreux personnages se croisent, autant de figures vivantes. Comme dans la Commedia dell'arte ? Oui et alors ? Entrez donc sous le chapiteau de cette grande fresque, le magicien
Di Fulvio saura flatter votre âme d'enfant… Vous ne « croyez » pas aux prestidigitateurs ? Lisez
Mamma Roma et, quand les épées transperceront la boîte, vous tremblerez pour la prisonnière ingénue. N'est-ce pas Paolo ? « Ma cos'è la luce piena di vertigine, Come di, come di… »