Vouloir rester à la maison, c'est mal vu, ça isole, il faut aimer prendre part à la grande farandole de la consommation. Sinon c'est louche, c'est pas cool, c'est pas sympa.
Le présent ne me va pas, je retourne à mes souvenirs
C’est un jeu idiot. Il faut que j’arrête. Je me demande au bout de combien de temps les opérateurs téléphoniques réattribuent les numéros des morts.
On dit séparation, divorce, rupture, on fait le deuil du passé, alors que le chagrin d'amour fait plutôt le deuil de l'avenir
Je ne t'ai sans doute pas assez remercié, mon amour. On oublie toujours de dire merci, on dit "je t'aime" et on croit que ça suffit. Alors merci, pour tout ce que tu sais déjà, pour m'avoir aidée à réaliser que j'étais autre chose qu'une fille sexy en short, merci d'avoir aimé mes muscles, ma force, mon agressivité, d'avoir ri à mes blagues pas drôles, respecté mon besoin de solitude, merci de m'avoir embrassée en pleine rue, merci pour le cul qu'on a réappris ensemble. Merci pour ta fragilité. Merci d'avoir accepté de te débarrasser avec moi des artifices à la con du manège amoureux, la jalousie, la possession, les preuves à brandir, merci de m'avoir vue comme une alliée, pas comme une adversaire, merci d'être devenu mon meilleur ami. Au revoir, mon amour.
«Aussi léger à porter que fort à éprouver. » C'était comme ça que nous définissions notre lien, nous en avions fait une sorte de devise ou de promesse, que nous avions empruntée à Camus, ou à René Char, je ne sais plus. L'un écrivait à l'autre: «Plus je vieillis et plus je trouve qu'on ne peut vivre qu'avec les êtres qui vous libèrent, qui vous aiment d'une affection aussi légère à porter que forte à éprouver. La vie d'aujourd'hui est trop dure, trop amère, trop anémiante, pour qu'on subisse encore de nouvelles servitudes, venues de qui on aime.»
Surtout, je sentais que l’erreur c’était moi. Au moins je savais que j’étais bien la fille de mes parents, je me disais : « s’ils m’avaient adoptée, ils auraient choisi un garçon, donc je suis bien née de ma mère. »
(Page 173).
Les souvenirs se révèlent à la lumière du présent.
(Page 134).
J’emmerde le post-partum. J’emmerde les hormones. Si on avait inversé les rôles, si Romain avait dû prendre ma place, il aurait aussi fini à moitié dingue. On nous vend ça comme les plus belles semaines de notre vie, on appelle ça un « congé », veinardes que nous sommes. Et moi, j’y avais cru. J’avais imaginé des journées à ronronner, l’enfant tendrement endormi dans son couffin en osier, le soleil oblique éclaboussant un plaid en cachemire blanc, l’odeur de la lessive fraîche, moi m’abandonnant aux œuvres complètes de Dostoïevski en écoutant Bach . Mon cul.
(Page 97)
Si ce n'est pas grave, c'est qu'il ne s'est rien passé. S'il ne s'est rien passé, le sanglier n'existe pas. C'est fou le pouvoir que j'ai. Si je décide qu'il ne m'a pas violée, le viol n'a pas eu lieu. C'est magique. Pas de douleur, donc pas de victime, donc pas de crime. Circulez.