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EAN : 9782895492948
Éditions Les Intouchables (03/12/2007)
4.33/5   18 notes
Résumé :
Toutes ces années passées dans le Bas-du-Fleuve ont fait de Boucar Diouf un « baobab recomposé », comme il le dit lui-même. « Entre mes racines africaines et mon feuillage québécois, se dresse mon tronc sénégalais. »

Ce recueil de contes et d’anecdotes est à l’image de ses spectacles : un délicieux mélange de tendresse et d’humour, un savoureux voyage de la savane à la banquise !
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" Si la mort exigeait une rançon, je paierais celle de mon grand-père "

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Quittant la Savane de son enfance pour venir s'établir dans le Bas-du-Fleuve, sur la rive sud de l'estuaire du St-Laurent, Boucar Diouf fit ses adieux à l'homme envers qui il vouait la force de son amour et la richesse de son admiration, un homme parmi les hommes, son grand-père Diouf. Sixième d'une famille de neuf enfants, éleveurs de zébus et cultivateurs d'arachides, il aura grandi dans la province du Sine, le fief de l'ethnie sérère du Sénégal. Berger jusqu'à l'âge de quinze ans, il se souviendra d'avoir parcouru la savane durant la saison des pluies. Et d'avoir mélangé la terre de ses ancêtres à son coeur d'enfant avide de découvrir les paroles du grand homme.

« La rivière a un tracé sinueux parce qu'elle n'a pas d'ancêtres pour lui montrer la voie à suivre »

Sous l'arbre à palabre, un baobab géant fut donc témoin de l'amour d'un petit-fils pour son grand-père. Au pied de son immense tronc, l'ombre des souvenirs fut autant de richesse que l'est la sagesse d'un vécu transmis de génération en génération. C'est à « Boucar le vieux », son aïeul, que les pages de ce récit sont dédiées. Plusieurs passages m'ont fait monter les larmes aux yeux tant j'ai ressenti toute la tendresse du petit-fils sous ses motivations de rendre hommage à l'homme qui l'aura élevé. D'ailleurs, si le don nous était donné de pouvoir revenir en arrière, je viendrais honorer de tout mon amour pour eux ces grands-parents qui ont tenu lieu de refuge à la petite fille que j'étais alors et à cette femme aujourd'hui qui leur doit ce qu'elle est devenue.

« Regardez ce baobab qui nous sert d'arbre à palabres. Ce géant de la savane plonge ses racines dans la terre où reposent nos ancêtres. Son tronc majestueux représente les vieillards, et chacune de ses branches prépare l'avenir d'une nouvelle génération. Pour qu'un baobab reste vigoureux, il faut que la sève continue de circuler des racines aux bourgeons et des bourgeons aux racines… »

Sous l'arbre à palabre, les gens du village se sont rassemblés pour qu'ait lieu l'assemblée. Ici, tout le monde peut exercer son droit de parole, mais d'abord, il faut écouter les vieillards. Ils ont un savoir à nous transmettre, une expérience sur la vie et les choses qui nous entourent, en plus de ce don dont ils disposent de nous émouvoir et nous faire réfléchir. Leurs paroles arrivent même à faire oublier l'estomac vide du petit Boucar qui s'endort, rêveur.

« Sous l'arbre à palabres, mon grand-père disait » est un récit émouvant de sa vie, façonné à travers des proverbes et adages qui ont marqué son enfance. À travers aussi des coutumes et traditions, qui ont conservé une grande part d'animisme, et dont la plupart des pensées proviennent des ethnies sérère, wolof, toucouleur et bambara, qui peuplent l'Afrique de l'Ouest. Il partage avec nous quelques aspects des rites initiatiques des Sérères du Sénégal. Et, pour donner de la couleur au texte, il s'amuse à mélanger les expressions africaines aux expressions québécoises, où le baobab côtoiera la fleur de lys.

« le talent incomparable des maîtres de la parole dont papa Diouf savait s'entourer a suscité en moi le désir de raconter des histoires »

Mais avec Boucar Diouf, les émotions passent aussi à travers l'humour. Dans un chapitre intitulé « de la Savane à la neige – entre choc culturel et choc thermique », j'ai ri à m'en décrocher la mâchoire. Même qu'une journée, mes enfants m'ont entendue rire, du quai où je me trouvais confortablement installée sur une chaise longue, jusqu'à l'autre bout du lac où ils étaient en train de pêcher et ce n'était pas dû qu'à l'écho! Quand il nous raconte avec maints détails comment la poudre des ailes des papillons peut faire pousser les poils de pubis ou comment insérer un objet dans le derrière d'une tortue pour qu'elle sorte la tête, ben ça a le don de me faire mourir de rire.

Après, comment décrit-on l'hiver au Québec à son grand-père africain qui n'est jamais sorti de sa savane? Comment décrire à quel point « y fait frette »? Que la guerre froide est loin d'être terminée et qu'elle recommence chaque année au mois de novembre? Que pendant l'hiver, les sept jours de la semaine sont remplacés par trois : la veille d'une tempête, le jour de la tempête et le lendemain de la tempête? Qu'on peut se taper trois saisons dans une même journée? Qu'à -40 c'est au moins deux fois plus froid que dans un congélateur?

« Grand-père, je t'écris aujourd'hui pour te parler non pas du choc culturel, mais du choc thermique. Pendant longtemps, j'ai pensé que les habitants des pays chauds étaient résistants aux températures froides. La théorie sur laquelle je me basais, c'est mon père qui me l'avait enseignée. Il m'a dit un jour : « Mon fils, dans toute chose, il faut un juste milieu. Tiens, par exemple, si tu prends un homme et que tu lui mets la tête dans le feu et les pieds dans un congélateur, tu devrais pouvoir faire pousser des cocotiers dans la région de son nombril ». Cette théorie vient de tomber à l'eau. Hier, la température est descendue à -40. Pour te donner une idée, en revenant de l'université, j'ai pissé dans la rue et, crois-le ou non, le jet est resté figé en l'air. Un arc de glace me reliait directement à la terre! Je te vois déjà demander comment j'ai réussi à me libérer. Eh bien, je suis resté planté là! Il a fallu que mon voisin sorte et me dise : « Il faut casser la glace mon homme! »

« Surveille ta blonde. Quand elle commence à porter son string en flanellette, c'est le temps de sortir tes combines à panneau. Lorsque le froid pointe son nez au Québec, le string en flanellette devient à l'hiver ce que la marmotte est au printemps »

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Merci à « Boucar le jeune » qui, sur le chemin de ses mots, m'a permis de revivre l'Afrique et l'Haïti des grands-parents de mon enfance. Il a fait remonter en moi l'odeur des bananes plantains au sirop d'érable, les épices du riz créole, les parfums du mafé au poulet et ces beignets de manioc dont je garde encore le goût en bouche, pour peu que je me ferme les yeux quelques secondes!

Je revois encore ces longues tablées à quinze autour d'une table. Leur maison n'étant jamais assez grande pour accueillir toutes ces familles orphelines venues d'ailleurs et avec lesquelles j'ai eu la chance de grandir. À travers leur présence et leur tendresse, je leur dois ces moments précieux où ils m'auront transmis l'Amour et le goût au bonheur. Les éclats de rire aussi et l'envie de découvrir le monde.

Sous l'arbre à palabre, j'ai touché à la mémoire d'un temps et mon coeur est emplit de reconnaissance…

Nos racines poussent là où une vie les a précédées afin de les embellir…

Avec Amour xxx
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Citations et extraits (28) Voir plus Ajouter une citation
Avant de raconter une histoire, mon grand-père disait toujours : « Sachez qu’avec une seule main, on ne peut pas applaudir, et qu’avec un seul bras, on ne peut pas monter un palmier. On lie les vaches par les cornes et les humains par la parole. Une langue qui fourche peut faire plus mal qu’un pied qui trébuche. Comme l’oiseau se piège par les pattes et l’homme par la langue, il est parfois plus sage d’écouter que de parler. On est maître de sa parole avant de la prononcer, mais on peut en devenir l’esclave une fois qu’elle a quitté notre bouche. »
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Quand on commence à apprendre à l’enfance, l’apprentissage est brillant et éclatant comme le soleil du matin. Mais quand on commence à apprendre dans ses vieux jours, l’apprentissage est comparable aux flammes d’une bougie. En effet, leur lumière illumine bien plus faiblement que celle du soleil, mais n’est-ce pas mieux que l’obscurité totale ? Et savez-vous quoi ? Mon voisin a tellement compris le message qu’on est devenu les meilleurs amis du monde.
Peu importe la couleur, la race, la religion, le sexe ou le compte en banque, disait mon grand-père, le cœur de l’homme est un pays étranger. Il suffit parfois d’en parcourir un morceau pour découvrir des coins de splendeur.
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Mon grand-père n’était pas un griot, mais il était très éloquent. Lorsqu’il prenait la parole sous un arbre à palabres, il insistait souvent sur le rôle multifonctionnel du langage. Il parlait de la parole qui divise, de celle qui rassemble, de celle qui écorche et de celle qui calme. Quand l’oralité est au centre de la vie sociale, il est normal que la parole soit sacralisée. En plus des sages inconnus qui sommeillent dans cet ancêtre composite qui m’accompagne, il y a ces anciens plus connus comme Amadou Hampâté Bâ, auteur de la célèbre maxime qui dit qu’en Afrique, un vieillard qui meurt est un peu comme une bibliothèque qui s’enflamme.
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Les violences physiques et verbales sont comme de lourds bagages qui s’empilent dans la valise de vie de l’enfant qui les subit. Et plus elles s’accumulent, plus traîner cette valise est pénible. Devenu adulte, celui qui est flanqué d’un tel poids aura besoin de beaucoup de courage et d’aide pour s’en départir. Pour cause, ces mauvais compagnons se mettent parfois à nous supplier et à nous rappeler qu’ils sont nécessaires, voire indispensables à notre vie ou à notre bonheur. Et, comme la peur de s’attaquer à ces indésirables est réelle, certains choisissent l’aveuglement.
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Le soleil n’a jamais arrêté de briller au-dessus d’un village parce qu’il est petit. C’est ce qu’il faut dire à tous les coopérants qui donnent de leur temps ou de leur argent pour soulager les plus vulnérables. Tous ces gens qui, comme des rayons de soleil, illuminent du mieux qu’ils peuvent le quotidien de ceux qui se sentent constamment dans la pénombre.
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Boucar Diouf : Questions de langue
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