Ma lecture des treize nouvelles que contient le recueil :
1- Hdidouche : un enfant kabyle qui accompagne sa mère entre deux villages pendant la guerre de Libération, s’interroge sur ce qui l’entoure et tente de comprendre, les choses et les hommes mais surtout les femmes qu’il croise avec sa mère. C’est peut-être un pan de l’enfance de l’auteur, l’écriture y est surtout poétique et se verse plutôt dans des descriptions, notamment de la nature.
2- Le Reporter : un reporter qui a du mal à trouver un bon début pour son reportage, se livre à des digressions assez plaisantes sur sa façon d’aimer les femmes, ses rencontres avec des gens pas comme les autres dans l’hôtel où il réside, et encore plus que ça ; le tout dans un style bien fluide qui annonçait déjà la grande plume de Djaout. C’est pour moi la meilleure de ce recueil.
3- Mer Arable : un ancien pêcheur désormais vieux et invalide, égrène ses souvenirs « de mer » devant sa bière dans un bar, en compagnie d’un autre vieux. Emouvant.
4- Le Dormeur et le Train de l’Espérance : la nouvelle met en scène un ouvrier qui est assailli à la fois de cauchemars et de beaux rêves alors qu’il peine à se réveiller très tôt le matin pour aller au boulot, sa routine quotidienne. Je trouve que le texte est un peu surchargé d’adjectifs et descriptions qui se perdent dans des labyrinthes intitules ; l’auteur s’y intéresse plus à la forme qu’au contenu qui aurait pu être plus intéressant.
5- Le Guêpier : deux enfants (le narrateur et son ami Tayeb) partent à la chasse d’un guêpier. Cela se passe en Kabylie, comme tout le montre dans le texte, et là aussi il s’agit probablement du village natal de l’auteur. On est plutôt dans la description de la nature qui sert de toile fond à cette aventure d’enfants racontée un peu à la Daudet, d’ailleurs même le style y est assez classique comparé à d’autres. N’empêche que ça éveillera les souvenirs et la nostalgie de beaucoup d’entre nous.
6- Soleil – Traquenard : il s’agit d’Arezki, un autre enfant kabyle, désemparé, qui tente de se révolter à sa façon pendant l’occupation française. Très beau texte.
7- Mort de Quelqu’un : le jeune Youcef Aghrib qui revient dans son village natal après quinze ans d’absence affronte ses souvenirs et appréhende les changements. La fin du texte nous laisse un peu sur notre faim.
8- Le Royaume : il s’agit de Samri, le poète qui aime les bateaux encore plus que les femmes. Pas mal.
9- L’Offensive : un soldat raconte l’offensive d’une certaine « armée verte » dans laquelle il servait, contre une « armée jaune » représentant un camp de réfractaires hostiles à ce qu’ils appellent « le mythe radical », et le combat fictif n’est situé dans aucun lieu ni date. Moi personnellement j’ai vite fait le parallèle avec la révolte kabyle de 1980 puisque les symboles s’y prêtent, mais chacun peut avoir sa propre lecture.
10- Retranchement : dans ce texte émouvant, c’est un dauphin qui parle et se plaint de la persécution de l’Homme ainsi que se sa sauvagerie. Le drame est bien décrit.
11- Canicule : c’est le journal d’un jeune homme de 17 ans qui passe ses vacances chez ses grands-parents dans la côte chenouie (près de Tipaza, à l’ouest d’Alger), où il s’éprend d’une jeune fille qu’il a vue danser lors d’un mariage. Le narrateur ne s’empêche pas non plus de philosopher par-ci par-là, ce qui ajoute à la richesse du texte qui est aussi imprégné de mélancolie.
12- L’Ermite : un homme d’un certain âge « hanté par l’humidité », nous livre ici pêle-mêle un tas d’impression, de souvenirs, de déceptions, de visions, et surtout de coups gueules particuliers ; le tout dans une style qui rappelle les nouvelles de Kafka, qu’on aimerait voir s’allonger plus que ça. Un encore un exemple de la grande plus de Djaout.
13- Les rets de l’oiseleur : un enfant est hanté par la peur de l’oiseleur, une sorte de monstre qui menace de détruire la ville ; à chacun de comprendre ce que c’est, puisque la nouvelle est surtout surréaliste ; Djaout le poète y prend le dessus, ce qui donne un texte des plus beaux quoique trop court.
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Les sutures du ciel s’ouvrent
Et j’embrasse la nuit
Empreinte d’algues amères
Chues des récifs perdus
Je déclamerai encore
Le chant rauque des ténèbres
Jusqu’à épuisement
Des fibres de la nuit
Je chanterai jusqu’à la possession totale
Des orgues nébuleux
Jusqu’à estomper tous les bruits
Ophtalmiques de la nuit
Je chanterai jusqu’au moment
Où l’aube pourchassera
La dernière étoile
« Assumerai-je la cruelle destinée
De Vivre dans ma peau provisoire
Ou ai-je un strapontin
Sur une branche d’étoile ? »
Mais le chant rétif à mes lèvres
Attarde ses arpèges
Sur une combustion d’étoile
(Le Dormeur et le Train de l'Espérance)
Seules les mathématiques sont un refuge .Refuge contre l'amour,refuge contre la naissance de ce sentiment qui vous fait voir le monde plat...
...Non, je ne serai jamais mathématicien :car la vérité ne veut rien dire.
Un enfant est mort avant-hier en ce village. Je l'ai vu à l'agonie. (...) Je ne sais pas pourquoi vient se dessiner devant mes yeux le visage convulsé du bébé moribond. J'ai compris d'ailleurs, en le regardant agoniser, que Dieu ne peut pas exister et que, si jamais il existe, il n'est que le spectateur narquois des arènes éclaboussées de notre sang, de notre soif et de nos douleurs...
(Canicule)
Il savait que la femme , elle, est violente malgré sa nonchalance.Pour l'approcher et dompter son corps ;il faut la terrasser,la blesser et se faire très mal soi- même.Mais on sort de l'épreuve, plus fort,plus beau et plus respecté;on acquiert alors le droit de porter un burnous ample, de caresser les bête de trait et d'élever la voix dans les assemblées.
Cela fait bien longtemps que le jeune homme avait cessé de croire à la suprématie des produits blanc — oh non, il n’était pas de ceux pour qui l’homme blanc représente la référence et la perfection qu’il faut à tout prix atteindre — ; mais il se disait en ce moment que la Heineken est bien meilleure que cette bière douceâtre et jaune qui lui remuait désagréablement l’estomac.
(Le Reporter).