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EAN : 9782260018223
234 pages
Julliard (07/01/2010)
3.42/5   515 notes
Résumé :
Entre la ville folle et l'immensité de la mer, s'étend l'Olympe des infortunes. Un terrain vague où mendiants et délaissés divers ont trouvé refuge. Un Eldorado de la cloche…

On y croise le Pacha et sa cour, Mama la Fantomatique, Ach le Borgne, le barde attitré de cette étrange peuplade, et Junior le Simplet, son protégé. Ils ont trouvé ici un fragile équilibre, à cheval entre la civilisation et l'état sauvage.

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3,42

sur 515 notes
L'Olympe des infortunes est le deuxième roman que je lis de l'auteur. Ma dernière lecture remontant à il y a près d'un an avec l'audacieux Khalil.
L'Olympe des infortunes, un terrain vague, bric à brac de cailloux et de tôle, niché entre la mer et la décharge publique où vivent les opprimés, les laissés-pour-compte qui ont définitivement tourné le dos à la ville pour vivre à leur guise loins des diktats et du jugement de la société.
L'Olympe des infortunes, un petit bout de paradis pour "eux" qui ont choisi d'y vivre. Eux les clochards, les vagabonds, les mendiants, "les Horr" comme aime à les surnommer Ach le vieux borgne.
Junior, Négus, Clovis, Bliss, le Pacha, Aït cétéra, les frères Zouj, Pipo, Mama, Mimosa, Haroun, leurs sobriquets si joyeux chantent la vie mais détonnent avec la misère et la crasse dans laquelle ils vivent comme pour lui faire un pied de nez.
Ils ont foi en Dieu, ça oui, et il est souvent question de Dieu dans ce roman. Ils ont la conviction profonde "que la vraie liberté c'est de ne rien devoir à personne et que la vraie richesse c'est de ne rien attendre des autres."
Mais peut-on définitivement laisser derrière soi son passé, son histoire, sa famille ?
La survenue d'un étrange et singulier personnage répondant au nom quelque peu biblique de Ben Adam va semer le doute et balayer toutes les convictions du vieil Ach.

De son écriture touchante et abrupte parfois, tantôt poétique tantôt gouailleuse, Yasmina Khadra nous livre une réflexion profonde sur les travers de notre société, sur l'exclusion sociale et la pauvreté. Un récit contradictoire dont le titre résonne à nos oreilles tel un oxymore.

Il y a beaucoup d'amour dans ce roman. L'auteur nous dresse avec une tendresse infinie les portraits saisissants de réalité de ces hommes qui portent les stigmates de leur souffrance. Nous ne pouvons qu'être touchés par la relation bienveillante presque filiale qui existe entre Ach et son protégé Junior. Ils ont peut-être tourné le dos à la société mais certainement pas à l'amitié ni à l'amour.
Les dialogues sont savoureux, souvent ironiques, grâce à la répartie et à la verve railleuse du vieil Ach qui enseigne, telle une doctrine, les principes de vie des "Horr" à Junior (liberté et patrie revues et corrigées, chacun appréciera).

Ce roman m'a touchée en plein coeur. Tout le monde devrait le lire pour ne plus jamais détourner le regard (moi la première). Les statistiques sont imprécises mais ils seraient 700 000 en France à vivre dehors. Nous les rencontrons partout, dans la rue, dans les gares, dans les stations de métro, devant le supermarché, en bas de chez nous... Ils nous apitoient, ils nous font peur aussi parfois alors que finalement ce sont juste des hommes qui n'ont pas su, qui n'ont pas pu trouver leur place dans une société qui impose tant de normes et tant de codes.
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Il y a des livres qui se glissent, parfois, dans votre pile, délicatement, une voix amicale qui, l'air de rien, vous dit : tu verras, lis et après tu comprendras pourquoi j'aime autant cet auteur.

Je l'ai gardé au chaud tout l'été, la couverture me laissait présager un univers marginal, rude et dur et avec les premiers frimas, j'ai franchi le pas, bien à l'abri, moi qui ai la chance de vivre au chaud, dans le confort d'une maison.

On plonge donc dans un monde marginal, une décharge, un terrain vague ou un vague terrain comme on voit tant aux périphéries de nos villes, là se croisent des personnages sans passé mais avec un présent fait de survie, d'alcool, de folie et de luttes. Comme dans toute société, il y a des clans, des rivalités mais on se respecte aussi et parfois on s'aime.

Les plus aguerris prennent sous leurs ailes les plus jeunes, les plus faibles, les plus fragiles. Il y a des joies, des peines et il y a au-delà la ville et ses trésors. 

Le récit se compose de deux parties : dans la première c'est un état des lieux, un inventaire : les rapports entre chacun, les clans. Celui de Ach, le Borgne, le Musicien, la tête pensante qui cohabite et protège Junior, jeune homme simplet mais en demande d'amour, de connaissances et d'attentions, curieux de la vie et du monde.

Il y a l'autre bande, celle de Pacha, plus trouble, étrange, violente mais pas moins en souffrance et en quête de bonheur. Pacha lui s'est attaché à Pipo, que l'on croit être son souffre-douleur mais qui se révèle être son amant.

Happés par l'amour splendide qui les a conçus, les deux amants se rentrent dedans, pareils à deux étoiles filantes, si fort que leurs corps manquent de se désintégrer.(P84)
Dans la deuxième partie, un homme, Ben Adam, débarque parmi eux. Il a l'allure d'un ange, d'un prophète, il parle bien, il connaît tout de leurs passés, de leurs présents et propose à Junior, de rejoindre l'autre monde, celui où il pourra se révéler.

Ben Adam va être celui qui va lever le voile qui entoure chacun d'eux, les masques vont tomber et chacun va devoir affronter ses fêlures. La ville est-elle synonyme de bonheur pour ces marginaux, donnera-t-elle une chance à ces exclus. le rêve est-il accessible pour eux ?

Les opinions s'affrontent : doit-on tenter sa chance, doit-on écouter ceux qui savent, les sages ? Et leurs conseils ne sont-ils pas influencés par la peur de l'absence ou par leur propre renoncement à changer ?

Et puis, le fossé n'est-il pas trop grand entre la ville et leur territoire ?

Ont-ils les clés pour s'y faire une place, n'y laisseront-ils pas une partie d'eux-mêmes ? 

Très beau récit à la limite du conte philosophique et du roman sur la marginalité dans notre monde, sur les différences, sur les inégalités et sur le regard que l'on porte sur les exclus. Un regard sans complaisance, lucide et guère optimiste sur les affres de notre société, ses valeurs, ses luttes.C'est doux et violent, ça ne peut laisser indifférent car il y a aussi de beaux moments d'humanité et d'amitié.

Agit-on pour le bien d'autrui ou de soi,  pour une lutte de pouvoir ou de possession ? le fait-on pour l'intérêt de l'autre ou dans son propre intérêt ?

C'est magnifiquement écrit, construit et cela monte crescendo. Grâce aux pensées, sentiments et positions de chacun on a en mains tous les ingrédients pour réfléchir à notre monde qui avance mais à quel prix et avec combien d'humains exclus de la marche en avant. Que deviennent-ils, quel est leur avenir ? 
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Ici les dieux déchus et anonymes de Yasmina Khadra font leur résidence dans le paradis improbable de leur songe.
Yasmina Khadra se donne, à la fois, une raison de revenir sur son pays qu'il aime de toutes ses fibres et qu'il connaît le mieux, et la verve de ceux qui ont le bon sens, le bon sens paysan de chez nous. Car, historiquement, sociologiquement, traditionnellement, chez nous, le malheur réveille la générosité spontanée, plus que la compassion ou la solidarité des bonnes gens, tandis qu'à notre époque dite moderne, hélas! il semble que l'on favorise le choc des civilisations, non le dialogue des civilisations. Aussi est-il important pour tout écrivain, dont la conscience s'ouvre à la conscience de l'humain, de dire l'homme en quelque lieu qu'il se trouve et de dénoncer toutes les ségrégations qu'il subit, y compris l'intellectuelle. C'est ainsi qu'après avoir écrit, sur des pays en proie au désespoir, des livres comme Les Hirondelles de Kaboul, L'Attentat, Les Sirènes de Bagdad, Ce que le jour doit à la nuit, Yasmina Khadra s'interroge sur la marche de la société mondiale dont l'impotence est manifeste, aggravant inexorablement sa décadence: comment va le monde et où va le monde.
L'Olympe des Infortunes pourrait apparaître pour le simple lecteur comme une fable moralisatrice avec quelques idées philosophiques ou comme une forte parabole de la comédie humaine. Mais ici, me semble-t-il, la réalité développe la fiction et la fiction conforte la réalité. Avec ce «roman», nous sommes d'une certaine manière en plein dans ce qu'aucun auteur algérien n'a encore dit de son pays, quelque chose qui suscite aussi bien un intérêt sociologique immense (voire citoyen) qu'une admiration pour un talent authentique débridé parce que sincère et complètement enraciné dans sa Terre Maternelle. Certes, raconter son pays n'est pas dévalorisant, mais tout dépend, comme c'est le cas ici, de la qualité de la pédagogie appliquée et de la pertinence du propos. Je crois beaucoup, par le temps qui court, à l'action pédagogique pour éveiller les consciences endormies par les discours soporifiques des clercs en mal d'ambition. Voici donc un thème universel subtilement développé en un drame qui se joue à la surface de la Terre des Hommes. de quoi s'agit-il?
Un peuple - au sens de populus - habite un vague territoire sur lequel s'élève une montagne d'immondices, déchets des richesses de la société voisine en déliquescence. Ce peuple constitue une communauté sociale unie par des liens divers et multiples. Mais, réduite à l'infortune, cette communauté prend conscience de l'Absurde de la vie. Un groupe d'êtres humains, des miséreux, des laissés-pour-compte, des parias, des vagabonds, des clochards (et quoi encore d'autres?), se trouvent exilés (ou se sont exilés), face à la mer infinie, la mer aux mille horizons où, peut-être, que de rêves, les solitaires pourraient réaliser! Chacun d'eux est un personnage d'un royaume fantastique et y tient son rang imposé dans la hiérarchie de cette société de va-nu-pieds. Une foule, hors du temps et de l'espace, s'y anime. Il y a des anges et des monstres, des braves et des couards, ceux qui sont nés pour commander, ceux qui sont nés pour être commandés, des poètes et des spirituels, certains fouillent dans les poubelles,...c'est-à-dire une tribu étrange, formée d'étranges individus conçus pour être tous les acteurs d'une histoire vraie: oui même une fable sociale à laquelle on ne croit pas, on ne peut croire, mais que l'actualité, de son plein phare lumineux et brûlant, nous met crûment sous les yeux. Tout devient ombre de corps déformé, sans gloire possible, sauf dans une étourdissante projection d'un réalisme psychologique rare que seule l'imagination transcende en type humain revivant l'humanité disparue et capable d'envisager le futur. Les personnages d'une action qui se déroule en un seul lieu comme dans la tragédie classique française, s'ébauchent dans des situations extraordinairement pathétiques souvent, lyriques parfois, ambiguës la plupart du temps, humaines toujours, et tout leur intérieur, leur fond, l'essentiel de leur réalité, noyés constamment dans l'alcool, - et sans doute dans l'oubli philosophique. Ils s'appartiennent à eux-mêmes, chacun conservant les marques de son individualité singulière; ils constituent la tribu des «Horr», des hommes libres, échappés à tous les pouvoirs. Ce sont des marginaux, si j'ose dire, exemplaires, vivant loin de la ville et de sa civilisation qu'ils ne sentent pas dans leur coeur. Vision de ceux qui, assumant les conditions de leurs tourments avec la fortitude requise, nient tout ce qu'ils ne conçoivent pas librement, sont éternellement insatisfaits, fuient les barbares et leur civilisation rétrograde. Chaque modèle de personnage est une force exceptionnelle; il est créé pour participer à un jeu dramatique universel. L'image pitoyable de chacun d'eux concourt à la vérité d'existence de l'ensemble du groupe: des cas douloureux, des plaintes émouvantes, des volontés rebelles, des intelligences de talent, tous victimes de la destinée se dressant avec éloquence pour se dire et dire une civilisation sous influence morbide. le gros de ce peuple se moque de la civilisation d'à-côté, il refuse d'y retourner; il rêve de ne plus y retourner; il rêve d'une utopie transcendantale où l'on ne renonce ni à la poésie ni à l'existence et où l'on ne croise jamais l'enfer sur son chemin de liberté. Or, en fait, ces protagonistes vivent en vase clos, un enfer à leur mesure, ce qui les rend sympathiques, cocasses, truculents, plus d'une fois, et assurément séduisants par bien des aspects. Alors voici quelques personnages qui se débattent dans la solitude du vivre où tous les coups sont permis, sans honte ni regret, complètement fermés sur eux-mêmes, chacun pour soi et sans partage de la Bonne Fortune, même si elle est imaginaire. Il y a, comme dans tout pays souverain, un Chef, ici c'est le Pacha et sa cour qui ne dessoûlent pas. Il y a les deux occupants d'un ancien fourgon de police abandonné: le philosophe Ach le Borgne (appelé aussi «le Musicien», il joue du banjo et fait chanter la lune) et son «souffre-douleur», son cohabitant Junior le Simplet que la Ville attire. Il y a les deux fins rôdeurs Bess le Solitaire avec son chien, Haroun qui fait le sourd pour n'écouter personne, l'énigmatique Mama la Fantomatique et son soûlard de compagnon dont le lien est flou (est-ce son père, son frère ou même son fils?), et bien d'autres personnages aussi obscurs qu'attachants. J'imagine bien le bonheur de Yasmina Khadra à l'instant de faire le portrait de ses personnages, de leur donner une âme et de les faire agir. Ah! quelle vivacité de langage ou plutôt de l'à-propos émaillé de riches proverbes, de répliques mordantes chez ses personnages de grand théâtre populaire! En voici un échantillon: «L'argent est la plus vilaine vacherie.», «Un bon Dieu, c'est comme un préposé aux postes. Si on le charge tout le temps, il finit par péter un câble.». Et ce dialogue entre Ach et Junior? «- Qu'est-ce qu'un Horr, Junior? - Un clodo qui se respecte, Ach. - Il marche comment, un Horr,
Junior? - Il marche la tête haute, Ach. - Et toi, comment tu marches, Junior? - Je marche la tête haute. - Parce que tu as choisi de vivre parmi nous. C'est-à-dire: Ici... Dans notre patrie. Où pas une bannière ne nous cache l'horizon. Où pas un slogan ne nous met au pas. Où pas un couvre-feu ne nous oblige à éteindre le feu de notre bivouac à des heures fixes. D'ailleurs, il n'y a pas d'heures chez nous. (p. 20)» Ainsi, Yasmina Khadra revient spécialement à son pays, si tant est qu'il l'ait vraiment quitté, un jour. Il s'y arrête donc librement, afin de poursuivre son aventure littéraire, c'est-à-dire pour essayer de raconter son pays en toute conscience. La parabole qu'il nous propose dans L'Olympe des Infortunes nous incite à la réflexion et nous invite à nous «revoir», et peut-être le travail que nous ferions sur nous-mêmes, nous aiderait-il à nous rencontrer enfin avec nous-mêmes pour une existence humaine, et pourquoi pas hautement poétique. le talent de conteur de Yasmina Khadra rejoint celui de notre merveilleux meddâh au temps de nos derniers meddâd-ha qui apparaissaient et devinaient nos angoisses et nos espérances et nous aidaient à comprendre et à aimer. Rien des profondeurs de ce drame évoqué dans L'Olympe des Infortunes ne doit échapper à nos regards intelligents.
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L'Olympe des Infortunes est un roman assez différent de ce que j'ai pu lire jusqu'à présent de l'oeuvre du prolifique Yasmina Khadra.

Le romancier algérien place son domaine des dieux sur un terrain vague entre la mer et une décharge. Au-delà, la ville. Ici résident un panel très hétéroclite de personnages : Junior, simple d'esprit pris sous l'aile d'Ach, un vieil homme par fois sentencieux mais qui cherche à le protéger, Pacha et sa bande, les caïds du coin, une femme et son ivrogne de mari qu'elle transbahute à la brouette jusqu'à la mer pour le nettoyer de ses propres immondices, etc.
Ces personnes vivent cahin-caha dans ce lieu exclus de tout, solitaires ou rassemblés, oscillant les uns les autres entre méfiance et solidarité.

La ville, quant à elle, n'est pas désignée par son nom. C'est LA ville dont les lumières et les voitures attirent et effraient en même temps Junior. Ach ne cesse de lui répéter qu'il ne faut pas y aller, lui tissant avec des mots encourageants une vie actuelle libre et sans entrave. Mais la fascination creuse son chemin...

L'Olympe des Infortunes est un roman étrange et déstabilisant, surtout en tant que lectrice du Nord du bassin méditerranéen. le cadre de vie des personnages m'a fortement rappelé celui de Toutes les choses de la vie du Sud Coréen Hwang Sok-yong. Ici aussi Yasmina Khadra dépeint le quotidien d'êtres exclus de la société. Sa vision de la ville et des horreurs qui s'y déroulent laissent entendre que le pays vit dans un régime autoritaire où le droit des personnes ne signifie pas grand chose. Encore moins lorsqu'on vient du mauvais côté de la décharge.

Ça n'est pas le roman de l'auteur que j'ai préféré. Pourtant il donne comme les autres matière à réflexion sur l'humanité et la façon dont elle est traitée.
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Je découvre pour la première fois Yasmina Khadra avec L' Olympe des infortunes, et j‘ y ai pris beaucoup de plaisir. Ce roman me donne l' envie de découvrir ses autres titres.

Il aborde un thème qui m' est très cher, à savoir la question de l' exclusion et de la pauvreté. C' est un monde qui grouille en parallèle de notre société, que nous côtoyons si souvent sans qu' on prenne forcément la peine de s' arrêter pour regarder ce qui se passe de l' autre côté du fossé. Ils sont pourtant si visibles, mais personne ne les voit, c‘ est certainement plus facile de détourner le regard…

Yasmina Khadra a choisi l' abondance des personnages, tous plus particuliers les uns que les autres pour dépeindre ce monde d' incohérence et de solitude. Car si la majeure partie de ces laissés-pour- compte récuse la société dans laquelle il vivait, ses valeurs; ce refuge n' est autre qu' une micro-société, où l' oisiveté se dispute à la beuverie, aux railleries, aux bagarres, aux réflexions disparates sur un monde meilleur, à des gestes dépourvus de sens…


Ce livre nous fait poser beaucoup de questions, sans laisser de réponses claires. Qu' est-ce qui amène une personne dans la vie réelle à s' enfoncer dans ce milieu si obscur, si lointain, si inconcevable? Comment arriver à ne pas être miné par la folie et espérer un jour meilleur? A quoi, à qui s' accroche-t-on dans ces instants où on est seul face à soi même, face à ses échecs, face à une société qui nous rejette? Pourquoi préfère-t-on s' embourber encore un peu plus plutôt que de chercher secours dans la société dite individualiste? Car je ne crois pas qu' il n' y est qu' individualisme et égoïsme, parfois on tend la main et on ne récolte que mépris ou méfiance…


L' auteur a voulu je pense dénoncer ces gens abandonnés à leur sort, mais il donne aussi une vision très humaine des relations que ces indigents entretiennent entre eux. Il y a une sorte d' éthique entre ces compagnons d‘ infortune, bâtie sur une solidarité primaire et si touchante. Je me suis beaucoup rappelée du livre Dans la dèche à Paris et à Londres d' Orwell. Car on sentait vraiment qu' il existait une rivalité, une méfiance réciproque, en même temps qu' un soucis d' aider de façon désintéressée, aider son prochain dans la nécessité. C' est finalement beau et pas si utopique, dans le total dénuement on est capable du meilleur et du pire…

De tous les vices, triomphe finalement de belles valeurs, que les âmes aigries, noircies par tant de souffrances ne savent effacer.


Je dédie ce livre, même s' ils ne le sauront jamais à quatre personnes que je croise depuis des années et qui m' ont toujours intriguée. Une dame d' une quarantaine d‘ années, si souriante, qui dit bonjour à tout le monde, avec son gobelet, qui attend sagement devant chez André que quelqu' un s' arrête pour elle, ou simplement lui rétribue ce sourire si sincère.

Un monsieur d' une cinquantaine qui a ses habitudes devant l' Eglise Saint Maurice, et qui crie toujours bonjour madame! à tue-tête pour attirer l' attention. Un jeune homme d' une trentaine qui se plante fréquemment devant une boulangerie Paul, avec son petit chien, par jour de pluie, vent et même de neige. Enfin une dame de couleur que l' on croise le plus souvent à la Gare Lille-Flandres avec des habits tous plus improbables les uns que les autres, ses canettes de bière, ses chicots, sa bave, son regard hagard , qui n' a pas l' air d' avoir conscience d' où elle se trouve. C' est à ces gens que je pense automatiquement dès que l' on me parle de pauvreté. La ville est le théâtre de beaucoup plus de misères, elles sont plus visibles du moins. Si ces gens pouvaient s' imaginer que je pense à eux, ça ne leur avancerait à rien de le savoir au fond, ou peut- être que si qui sait? La satisfaction de ne pas se savoir invisibles, et de ne pas être si répugnants aux yeux d' autres humains …

 

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La vraie richesse est de ne rien attendre des autres.

Si j’étais le Bon Dieu, je finirais par me manifester pour mettre un terme à la pagaille qui sévit sur terre.

Si on refilait un sou à chaque con sur Terre, on finirait par ruiner tous les empires ;

Aucun homme n’a le droit de tourner le dos au Monde. Son devoir est de faire face à l’adversité, de lui survivre, car le sacrifice suprême n‘est pas d’offrir sa vie, mais de l’aimer malgré tout.

Que l’on soit couvert de hardes ou de soie, l’on n’est jamais que soi.

Méfie toi de ce qui brille ; lorsque ça ne t’aveugle pas, ça te brûle.

L’amour est l’essence de la vie, son sens et son salut.S’il vient vers toi, garde-le et ne le lâche plus. S’il te fuit, cours-lui après. Si tu ne sais pas où le trouver, invente-le. Sans lui, l’existence n’est qu’un gâchis, un passage à vide, une interminable chute libre.

La ville, ce n’est pas un endroit où on se reconstruit quand on tombe très bas.
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- Pourquoi un Horr crache-t-il sur un billet de banque, Junior ?
- Parce que l'argent est source de tous les malheurs, Ach.
- Tout à fait, Junior. L'argent est la plus vilaine des vacheries. Quand tu le sers, il te dérobe les yeux ; et quand il te sert, il te confisque le coeur. Ce que tu gagnes d'une main, tu le gâches de l'autre. Ça t'appauvrit à ton insu, t'ampute de tes vrais potes et te greffe des profiteurs en guise de prothèse. Comme un sablier, il te vide pendant qu'il te remplit...
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Junior est libre comme le vent. La mer est sa confidente. Le terrain vague est sa patrie. Quand bien même il a peur dans le noir, il n'a que faire des réverbères ; la lumière des étoiles lui suffit.
Lorsque Junior s'éteindra, sur sa tombe on lira :
Il a vécu sans rien posséder
Il est mort sans rien laisser
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Le soleil s'enlise inexorablement dans la mer. Il a beau s'agripper aux nuages, il ne parvient pas à empêcher la dégringolade. On voit bien qu'il déteste se prêter à cet exercice de mise en abîme, mais il n'y peut rien. Toute chose en ce monde a une fin et aucun règne n'échappe à son déclin.
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Junior est un homme sensé. Il a divorcé d'avec la vie, d'avec ses appétits et ses conneries. Il n'a ni femme ni enfants. Il est tranquille pour longtemps.
Junior est libre comme le vent. La mer est sa confidente. Le terrain vague est sa patrie. Quand bien même il a peur dans le noir, il n'a que faire des réverbères ; la lumière des étoiles lui suffit.
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Yasmina Khadra est l'écrivain algérien le plus lu au monde.
Il a passé 36 ans dans l'armée, et a notamment lutté contre les groupes islamistes pendant les années 1990. Parallèlement, son premier livre est paru dès le début des années 1980, sous son vrai nom. Mais pour échapper à la censure militaire, il a finalement décidé d'écrire dans la clandestinité, sous pseudonyme, dès 1997. C'est ainsi que Yasmina Khadra est né, en empruntant deux des prénoms de son épouse. Il est l'auteur de nombreux romans, qui ont conquis des millions de lecteurs dans le monde entier. Portés par son talent de conteur, plaçant le sujet humain au premier plan, ils racontent aussi notre monde, ses dérives et ses espoirs. Parmi ceux-ci, "Ce que le jour doit à la nuit", "L'Attentat" ou encore "Les Hirondelles de Kaboul". Plusieurs de ses livres ont aussi été adaptés au théâtre, au cinéma, en bande dessinée.
Au cours de cette rencontre, Yasmina Khadra nous parle de son nouveau roman qui vient de paraître en poche aux éditions Pocket, "Les Vertueux", un livre au souffle narratif puissant, qui nous fait aussi découvrir tout un pan de l'histoire algérienne oublié et pourtant fondateur.
Pour retrouver son livre, c'est ici : https://www.librairiedialogues.fr/livre/22541521-les-vertueux-yasmina-khadra-pocket
Et pour nous suivre, c'est là : INSTA : https://www.instagram.com/librairie.dialogues FACEBOOK : https://www.facebook.com/librairie.dialogues/?locale=fr_FR TWITTER : https://twitter.com/Dialogues
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