Se replonger dans la saga des Rois Maudits, s'est se couler dans l'histoire de l'Histoire.
Maurice Druon a un talent indéniable pour nous raconter à la fois la vie des puissants et celle des gens que l'histoire n'a pas retenus. Les personnages servent tous à la reconstitution de l'époque, ils sont les moyens de nous faire sentir
L Histoire en marche.
A la lecture de ce tome, on sent presque les prémices d'une Révolution... qui mettra 400 ans à aboutir. On sent dans le personnage de Guccio la frustration de la bourgeoisie que la noblesse n'acceptera jamais comme son égale, même si elle l'a parfois dépassé par la fortune et la réussite. L'époque est encore pour ces bourgeois au désir de s'associer à cette noblesse plutôt qu'à l'affronter, mais les germes sont là.
De la même façon, du côté des puissants, la règle dynastique montre ses limites quand le fils aîné n'est pas le plus apte à gouverner. On sent une tentation chez plusieurs protagonistes de se dire qu'il vaudrait mieux pouvoir choisir le plus puissant, le plus assuré, le plus calme... mais les règles sont ce qu'elles sont et pour parvenir à décrocher la couronne, encore faut-il que ces règles ne soient pas trop détournées.
Finalement l'histoire est passée de la loi du plus fort, le chef étant celui qui parviendrait à assassiner tout le monde sans se faire tuer, ou du moins à montrer suffisamment qu'il peut le faire pour que personne ne tente sa chance... à la loi du sang le plus pur où les débats sont généalogiques, sans qu'on comprenne finalement ce que ce sang peut avoir d'intéressant pour se trouver à la tête d'un pays. Les règles sont surtout là pour éviter la guerre civile à chaque décès de souverain.
Aujourd'hui, c'est la loi du plus médiatique, de celui qui saura le mieux lisser son image pour que le peuple le choisisse. Lisser avant de lasser, parce que l'exercice du pouvoir ne pourra que salir et pousser au changement... si on ne trouve pas les moyens de saisir les manettes du pouvoir absolu que ces rois, même maudits, tenaient bien fermement pour assurer que le pouvoir n'échapperait pas à leurs descendants.
L'effet miroir de l'oeuvre de
Druon joue pleinement, on ne peut que finir par interroger sa propre époque. A-t-elle tiré toutes les leçons de l'histoire ou le grand barnum n'est-il qu'un éternel recommencement ? Laissons nos arrières petits enfants lire la chronique de nos rois et en décider.