Deux histoires parallèles composent, dans un savant tissage, ce roman de
Jean-Paul Dubois. L'une dure 53 ans jusqu'en 2008, l'autre les 2 années suivantes.
La première est celle de la vie de Paul Hansen, fils d'un pasteur danois et d'une propriétaire de cinéma d'avant-garde toulousaine, qui travaille comme concierge dans une résidence privée à Montréal. Une vie simple, faite de méthode, de conscience professionnelle et d'amour, dans laquelle l'accompagnent sa femme Winona et sa chienne Nouk.
La seconde est celle de sa détention à la prison de Bordeaux à Montréal où il purge une peine de 2 ans de prison dans des conditions difficiles d'anéantissement de la personnalité.
D'un côté l'auteur démontre comment un destin peut basculer du bonheur au malheur en un rien de temps. Et il n'est pas nécessaire de s'identifier au personnage de Paul pour se sentir touché par la mécanique implacable de sa chute et pour réaliser à quel point personne n'est à l'abri de voir s'effondrer ce qu'il a mis toute une vie à construire.
De l'autre côté, il parle de sentence, de cet enfermement insupportable, de cette promiscuité inhumaine, une punition à laquelle il faut se résigner et une attente, interminable, qu'il faut accepter, pour que le quotidien en prison reste vivable malgré tout.
C'est douloureux et très touchant car rien n'est « extraordinaire » dans ce double récit. Il dépeint la vie simplement, avec tout ce qui la maintient en équilibre et qui peut la faire basculer en un instant vers la douleur et la violence.
Il symbolise également la déshumanisation de notre société où tout est calculé et non plus ressenti, où l'efficacité prime sur la solidarité et où l'argent remplace le sentiment.
Toutes ces dimensions du roman lui donnent une hauteur qui dépasse le seul récit de la vie de Paul Hansen et nous apporte une réflexion sur le monde que nous voulons pour demain.
Et bienheureux soient les critiques véhéments de ce personnage qui ont la chance, ou peut-être la présomption, de ne pas s'être sentis concernés.
Un excellent roman dont on sort grandi.