"Il suffit de prêter son attention et son regard pour comprendre que nous faisons tous partie d'une gigantesque symphonie qui, chaque matin, dans une étincelante cacophonie, improvise sa survie. "
Vais-je enfin lire et réussir à pénétrer l'univers de
Jean-Paul Dubois, qui semble avoir un nombre impressionnant de "fans" !?
En tout cas, le titre de son dernier ouvrage, à lui seul est fantastique et rempli de promesses !
Débuté il y a trois semaines, bien avant l'attribution du prix Goncourt, je me suis interrompue, ayant la fichue habitude de lire plusieurs livres à la fois...
Pourtant le ton est alerte, les thèmes les plus variés sont abordés... Nous nous attachons à ce Paul Hansen, personnage qui purge depuis deux longues années, une peine de prison pour un délit mystérieux... que l'on connaîtra très tardivement dans le récit.
Paul Hansen parle de la promiscuité , de l'insupportable du milieu carcéral, raconte, se souvient de son enfance, de sa famille , coincé entre deux parents , aux goûts, professions, manières de vivre, de penser, complètement discordants. le père, pasteur bienveillant, mais conventionnel, la mère, directrice d'un cinéma d'art et d'essai, engagée virulente,elle mettra, ainsi, son pasteur de mari, dans les situations les plus acrobatiques, vis à vis de son ministère....
Paul, ce fils unique... se construit dans cette famille dysfonctionnelle, comme il peut, admirant immensément sa mère, et plus affectivement attaché à son père... qui semble plutôt palot , comparé à la personnalité maternelle très affirmée !!
Revenons au présent du récit de Paul Hansen, qui partage sa cellule avec un grand escogriffe, Horton, un peu "brut de coffrage", emprisonné pour meurtre... Ces deux-là sont aux antipodes l'un de l'autre, mais le quotidien partagé reste pacifique !
Notre narrateur, Hansen, après avoir exercé tous les petits boulots imaginables, devint le "Surintendant " à l'Excelsior, une sorte de mélange détonant d'Homme à tout faire et "d'Homme aux clefs d'or" !!!
Il s'impliqua tant, qu'en plus de toutes ses responsabilités de maintenance du bâtiment, il se préoccupait des résidents, les voyait vieillir, souffrir de la solitude. S'étant attaché à eux, il débordait largement de ses fonctions initiales !... ce qui ne fut pas du goût du nouveau responsable- porte-parole des co-propriétaires, arrogant et obsédé de rentabilité et de sens pratique...le clash ne pouvait que survenir !!!
"Durant ces années-là, sur ses soixante-huit résidents, l'Excelsior comptait vingt-et-une femmes seules, toutes relativement âgés. Et toutes comptaient sur moi. Parfois pour déboucher un évier, parfois pour évoquer le passé et alléger une mémoire prête à déborder. Certains soirs, j'avais l'impression d'avoir passé plus de temps à écouter crisser les âmes qu'à vérifier sur le toit les grincements des extracteurs. Mais j'avais trente-cinq ans, la patience d'un ange et surtout ce goût qui ne me quitterait plus jamais, cette envie de réparer les choses, de bien les traiter, de les soigner, de les surveiller".(p. 154)
Un livre plein de très beaux personnages attachants et bienveillants... qui contrebalancent cette vie mesquine et aussi pleine de "peaux de vache" !! Des bons moments de lecture... mais l'impression d'un patchwork... décousu, tour à tour longuet ou tonique !... Je reste perplexe... Pour une fois, j'ai parcouru rapidement , en diagonale, les nombreux ressentis... et curieusement , je suis encore plus perplexe....entre les commentaires dithyrambiques, merveilleux et les lecteurs très déçus"... et moi, je ne sais toujours pas me prononcer... j'ai beaucoup apprécié certains passages, et
j'en ai trouvés d'autres trop longs, et pas d'une nécessité absolue , à mon humble avis...,pour la narration !
J'ai aimé plusieurs personnages dont notre narrateur, mais aussi un de ses amis, faisant partie de cette humanité souffrante, des gentils : Il s'agit de Read, personnage chaleureux, intelligent, avocat à l'origine, plein de convictions, ayant dû, pour subvenir à la vieillesse et aux frais médicaux de sa maman, accepter un travail sordide, celui d'"adjuster" , rôle des plus pénibles pour une société d'assurances, pénible et sordide rôle d'enquêteur pour que les assurances payent le moins possible d'indemnités aux "victimes", en cas de drames...
Autre personnage hors-norme, sympathique aviatrice- mi-irlandaise- mi-indienne, Winona, l'épouse adorée de notre Paul Hansen...qui mourra prématurément, puis la chienne du couple, Nouk, un animal affectueux et vif... et notre narrateur.. se retrouvera après tous ces chagrins, pire qu'un orphelin !!
Un style cependant étonnant, souvent déjanté avec des métaphores insolites, complètement décalées !!
Une lecture très appréciée, pleine de jolis moments et portraits très colorés , convaincants... mais qui curieusement n'a pas provoqué, en moi, un coup de coeur fulgurant !!