Coup de coeur d'une originalité séduisante et stylée.
*
Danielle Dufay, l'auteure de « Mon mariage chinois » est la petite fille de Jeanne Rambaud, elle nous confie ici l'histoire de sa grand-mère née à Lyon en 1886, à travers les lettres que Jeanne adressa à sa soeur Laurence à partir de 1922 lorsqu'elle quitta l'Europe pour la Chine, long voyage en mer vers un Extrême-Orient colonial, mystérieux et attirant.
*
Jeanne rencontra un étudiant chinois Phan lors d'un séjour en Angleterre. Sensible à son charme intellectuel, bel esprit, et son éducation raffinée, elle va l'épouser en 1913.
Jeanne de Lyon ignore encore qu'étant mariée à un chinois, elle en devient chinoise et sa nationalité française lui est retirée. « Elle se déclasse » dit-on alors.
Mais la Première guerre mondiale éclate et Phan est déjà retourné dans l'Empire du Milieu sans qu'elle ne puisse partir avec lui.
« La distance et le temps ne sont-ils pas deux prismes trompeurs à travers lesquels toute réalité se décompose ».
En 1922, pour Jeanne, c'est un voyage-aventure vers un inconnu, pays dont elle ignore tout et mari dont elle a oublié les traits.
Un voyage où elle est émerveillée, charmée ; l'enchantement ne va-t-il être qu'éphémère ?
« Où vais-je ? Qu'est-ce qui m'attend là-bas ?, pauvre petite française, perdue dans cet immense pays inconnu ? »
Qu'en sera-t-il de sa vie nouvelle dans cette Chine mystérieuse et millénaire.
« M.W me fait remarquer qu'il existe à Singapour, comme dans tous les grands ports d'Extrême-Orient, un vaste quartier chinois […] je ne perçois qu'une humanité surpeuplée, prête aux plus basses besognes pour survivre. Pas un seul instant, je n'imagine vivre dans un tel cadre ».
Une histoire atypique d'une jeune femme sensible, loyale, fidèle à ses principes d'éducation, sous forme d'écrits de voyage, tel un journal intime où des sentiments contradictoires la chahutent, admiration, curiosité, mélancolie, morosité…
Arrivée à Hongkong, Jeanne sera envahie de sentiments ambivalents, effrayée de retrouver après sept années, son mari – cet inconnu, « autres lieux, autres moeurs […] nos cultures sont différentes, je dois l'accepter » ; intriguée par la singularité de ce lointain stupéfiant.
« Voici la ville de Victoria dans l'île de Hongkong, l'île aux Sources Parfumées, le port du monde ».
Descriptions magnifiques de paysages sublimes.
Que d'inattendu en perspective !
« Je suis la femme légitime de Phan, je respecte les convenances, les traditions et le mariage, j'ai un rôle héréditaire de passivité à servir l'homme en ma qualité d'épouse de cette génération d'avant-guerre ».
*
J'ai aimé découvrir ce tableau de la Chine des années vingt, Empire Céleste, énigmatique, aux us et coutumes à la fois dépaysants et consternants.
Un dédale d'antagonisme, populations cosmopolites, « humanités contrastées », véritable monde hétérogène.
« Goût asiatique, pensée asiatique, moeurs asiatiques, sont à l'extrême pôle des nôtres ».
Une écriture élégante et passionnante.
Le récit épistolaire d'un destin extraordinaire et fascinant.
Merci à mon amie Véro pour cette belle découverte d'un coin d'Asie qu'elle connaît bien pour y avoir vécu, un partage enrichissant.
*