Mardi 16 avril, Paris se réveille la gueule cassée. L'éphémère nous foudroye. Personne ne l'avait vu venir. Nous la considérions comme un acquis. Elle était à nous. Par habitude. Par ignorance, aussi. Au point de ne plus la regarder, notre Dame. Savoir sa présence, sans vraiment s'en soucier, comme si ... Une flamme, un feu, un brasier, et la flèche orgueilleuse s'effondre. Notre Dame perd ses bois. Reste une béance. Et cette constatation, le pire est évité ; elle tient bon. Tenir bon, ce long travail de résilience qu'inconsciemment nous sommes si prompt à occulter. D'où ce devoir de mémoire.
La der des Der. L'enrôlement, le chagrin des départs … au front, porté haut. Soudain le vent du boulet. L'éphémère toujours par surprise, nous rattrape. Et comme toujours la sidération suivie presqu'aussitôt par une euphorie irrépressible : on est passé à côté du pire. Mais fallait voir la gueule de l'euphorie au moment de retirer les bandages. Ah, je sais bien, allez, que la douleur physique rend la comparaison inaudible. Un long travail s'annonce pour sauver cette part de nous-mêmes, en danger. Rien n'est acquis, tout est à conquérir. Lent travail, et son cortège d'espoirs, d'angoisses, de supputations, d'essais, d'attentes, de déceptions, de rémissions, de progrès au résultat toujours surprenant, quel qu'il soit, chemin de courage.
La chambre des officiers est une histoire pleine d'humanité et de fraternité dans les temps les plus noirs. J'ai beaucoup aimé la simplicité du style, sans effets, sans excès de sensiblerie, sans pathos superflu. Bref, Marc Dugain va sobrement à l'essentiel, ce qui rend ses personnages lumineux et attachants. Certes toutes ces victimes de guerre, ces gueules cassées, n'ont pas retrouvé au Val-de-Grâce les morceaux perdus, mais certaines y ont trouvé une part d'elles-mêmes jusqu'alors inexprimée.
D'où ce billet à l'intention de mes amies et amis de Paris, de toute la France, avec cette petite citation en guise de cataplasme : p.172 « Il y avait beaucoup de tristesse dans leurs regards.
Je me serrai contre Well et lui demandai.
- Qu'est-ce qu'on va faire, maintenant ?
Il eut un long silence avant de répondre :
- On va leur apprendre la gaité. »
Commenter  J’apprécie         478
« - La der des der !
Nous avons partagé ce rire qui mettait fin à sept années d'un isolement particulier, étrange pièce de théâtre à deux décors, une salle d'hôpital militaire et le sous-sol d'une grange bretonne. »
Oui, j'y pense beaucoup à cette réflexion, la der des der. C'était normalement la der des der et pourtant cela a recommencé. Bientôt la commémoration du 8 mai et cela met dans ma bouche un goût amer. Il faut toujours faire attention, les nationalismes reprennent corps et parfois j'ai peur.
C'est particulier de découvrir un roman qui revient régulièrement sur la scène des lecteurs et de le trouver un petit peu loin des espérances qu'on y avait mises. Certes l'écriture est fluide, les personnages manquent peut-être un peu de profondeur pour moi. J'ai beaucoup préféré Les fleurs d'hiver d'Angélique Villeneuve qui traité également des gueules cassées.
Commenter  J’apprécie         433