Ça y est.
J'ai terminé ce livre d'amours, cette oeuvre sublime, cette écriture soignée, ce relent de la nature paisible ou déchaînée des Cévennes, ces odeurs de pluie, de vent, de fleur d'oranger, de caresses sur la peau, de grands yeux noirs ombrés de cils immenses, immenses comme
l'Amour que je quitte à regret.
Oui un livre d'amours, au pluriel.
Ce livre transpire
l'amour, les amours.
Dans ce livre magique, vous découvrirez, les chanceux qui ne l'ont pas encore lu, tant de belles choses ; la nature émerveillante d'une région magnifique, des pierres qui se font les narratrices (ne dit-on pas "Malheureuse comme les pierres ?), une famille éprouvée, mais avec tant de respect, un enfant inadapté, petit fantôme aux joues rebondies que l'aîné aime tant caresser, une soeur cadette qui porte sa colère, son dégoût et sa culpabilité en bandoulière, une grand-mère un peu folle, excentrique avec son kimono léger le matin, qui sait d'où vient le vent, quel est cet arbre, un peu sorcière, qui fait des gaufres à l'orange pour consoler la cadette, et l'aime à en mourir.
Livre à trois voix, la fratrie : l'aîné, la cadette et le dernier.
L'enfant vivra dix ans. Il est aveugle, mais pas sourd.
L'aîné en fera son unique préoccupation, d'abord la caresse douce joue contre joue pour le sens du toucher, le nez dans le cou pour l'odeur de fleur d'oranger, les massages à l'huile d'amande douce, les chalazions, les couches, le frottement des feuilles à son oreille pour que l'enfant entende bien la vie, la vraie. Il l'allonge sur des grands coussins dans le jardin, il le lave.....
L'amour de l'aîné pour cet enfant est déchirant. Il a le pouvoir de le rendre heureux.
Plus tard, devenu homme, il n'aura que peu d'amis et pas d'amours. Pas d'enfant non plus. Trop dur.
La cadette est en colère, une vraie colère à vouloir en découdre avec n'importe qui, à renverser sa table dans la classe, à flirter avec le danger. Elle en veut à l'enfant de lui avoir voler son grand frère. Culpabilité.... Grande complicité avec sa grand-mère. Elle essaye de tout réparer mais s'y épuise.
Le dernier enfin, le plus sage, peut-être le plus intelligent, a déjà tout compris; il sait qu'il est l'enfant d'après, et le petit fantôme avec qui il compose, bien obligé, ne le quitte plus.
Quid des parents ? N'oublions pas que c'est sur la fratrie que le roman s'articule. Nous avons pourtant de bien belles choses, mais les parents sont humbles, ils s'effacent devant leurs enfants. Très belles descriptions du père et de la mère, de leurs actes, de leurs pensées.
J ai lu dans une critique fort agressive (peut-être faudrait-il d'ailleurs se préoccuper de cette haine du livre par certains, un secret de famille peut-être ?....) que le "happy end" du roman était malvenue. Je répondrait à cette personne qui n'a rien compris au livre (manque de sensibilité ?), que nous ne sommes pas dans un roman fell-good. Non, la fin n'est pas si heureuse que ça, la famille se recompose, certes, mais l'image de l'enfant est gravée dans les rétines et dans les coeurs.
J'ai adoré ce livre, avec cette écriture lumineuse et gracile, poétique et juste, sublime et gracieuse.
Tout y est décrit magnifiquement, les sentiments comme les paysages.
Ce livre est léger comme un ruisseau, mais lourd comme des galets.
J 'ai à maintes reprises, quitté l'histoire, fait une pause tant des sentiments étranges me bousculaient, me tarraudaient, me bouleversaient.
La beauté est souvent triste et la tristesse l'est aussi, dit-on.
Il me reste dans le coeur et le corps comme l'image de l'enfant, gravée, indélébile.
Oui indélébile, ce livre l'est assuremment, comme ces livres que l'on lit une fois, et qui vous restent comme un mantra et une acuité littéraire.
Ce livre est précieux, on le garde pour soi.
Encore une chose ; j'ai trouvé à certains moments comme l'écriture Durasienne que j'aime tant, de courtes phrases, puissantes, ciselées, et puis le terme de "petit frère" qu'utilisait cette grande dame en parlant de son frère, notamment dans
L'amant, et dans Un barrage.
Et dans les livres de
Duras, le petit frère meurt tôt il me semble.
Merci beaucoup pour cette lecture foudroyante.
Magnifique.