Administrateur d'une plantation d'hévéas en Malaisie, Jeff Pons subit les pressions de ses nouveaux patrons. Pour les contrer, il rentre en France et convainc des amis de repartir avec lui. L'équipée vire à la débandade. de retour en France, ils doivent affronter des malfrats belges.
Déroutante échappée au pays de
Jean Echenoz... auteur que je découvre. L'auteur prend plaisir à nous perdre dans les situations rocambolesques que les personnages tous plus décalés les uns que les autres traversent dans un fondu enchaîné savamment maîtrisé. Maîtrisant à la fois une langue riche et un art du travelling cinématographique,
Jean Echenoz nous immerge tantôt dans les bas-fonds parisiens tantôt dans une Malaisie post-coloniale douceâtre. Plaisir de s'embarquer avec lui sur le Boustrophedon, de renouer avec les tempêtes intérieures du
Joseph Conrad. Plaisir de longues phrases savamment articulées, suggérant le tangage de vies chahutées, mais soutenues par un style structuré. Plaisir du roman noir et du contrepied, à la suite de ces anti-héros qui se donnent rendez-vous pour
l'aventure au coin de leurs vies ratées. Plaisir d'une poésie de l'absurde cousinant avec Ubu.
Echenoz se montre délicieusement subversif, développant un comique âcre, mais élégant. Un scénario fragmenté, des personnages fractionnés, des dialogues élliptiques... que seule la qualité d'écriture rassemble dans une dénouement inexorable.
Aventure dans le roman , plus que roman d'aventure, L'équipée malaise a su me déconcerter, puis m'attraper par sa verve nerveuse. Si le lecteur ne se laisse pas abattre par le malaise, il parviendra au bout de
l'aventure, comme y parviennent Charles, Jeff Pons et leurs acolytes, malgré leurs bourdes et digressions d'humains à la dérive.
Bref, je suis heureux de cette rencontre avec
Jean Echenoz, romancier décalé, et néanmoins primé depuis plus de 20 ans, regard affûté sur un monde contemporain riche de ses ambiguïtés et incertitudes.