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3,37

sur 581 notes
A une époque je pensais Echenoz calibré écrivain Minuit sérieux et illisible, et depuis je l'ai découvert comme légèrement brindzingue (dans ses écrits) avec des histoires improbables rondement menées.

Gérard Fulmard est un ex-steward viré pour faute lourde, qui va tenter de se lancer dans les enquêtes privées, hélas avec peu de succès, en tout cas non sans conséquences pour lui.
Ajoutons un accident catastrophe pas loin de chez lui (il habite rue Erlanger, ce qui vaudra au lecteur des anecdotes), un drôle de parti politique où ça se tire dans les pattes pour le pouvoir, et un enlèvement.
Tout est narré avec un humour pince sans rire, un souci du détail, des explications souvent repoussées (ou absentes).

A lire pour les fans de l'auteur, ou ceux désirant le découvrir.
Lien : https://enlisantenvoyageant...
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C'est l'histoire du Hasard dans la vie d'un mec (très) quelconque puisqu'il a absolument tout ce qu'il faut avoir pour tourner le dos au bonheur convenu dans la norme sociale...
C'est compter sans le talent d'Echenoz, qui sait par l'écriture, donner du panache à la dérision la plus noire.
Trente six chapitres courts font avancer Fulmard à tout petits pas, dans un monde borné par des figures médiocres, faut il voir un hasard de plus dans le choix du milieu vaguement politique, qui sert de cadre principal au récit?
La rue Erlanger théâtre répété de l'inéluctabilité de la détresse humaine, sous toutes ses formes, reste dans ce livre le symbole de l'absurde et la signature de l'auteur dans un humour grinçant, totalement décalé.
J'ai beaucoup ri.
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Jean Echenoz, à n'en pas douter, est un des romanciers français les plus marquants de cette période très libérale. Il ne s'agit nullement en affirmant cela d'établir quelque classement, jugement de valeur que ce soit. Nous ne savons pas si Jean Echenoz est le grand écrivain, s'il est avant untel ou untel. Ce que nous savons par contre, c'est que son oeuvre est puissamment ancrée dans la réalité des inégalités d'aujourd'hui. S'il fallait raconter notre temps, nous pourrions le faire indubitablement avec ses livres. La critique la plus routinière pourtant décontextualise le plus possible son travail et ne veut voir dans chacun de ses romans – la « Vie de Gérard Fulmard » ne fait pas exception – qu'un objet esthétique et ludique autonome de plus. Hors plus le sujet d'un tel roman est ignoré, plus il se laisse aisément déposséder de son pouvoir critique et plus facile est alors son intégration dans le brouhaha général du Landerneau de la pige. La récupération gênée des oeuvres dans l'ordre de l'esthétique est toujours d'actualité lorsque l'appréciation formelle est seulement considérée.


Jean Echenoz , comme le font ses personnages, se promène dans des lieux contrastés, rue Erlanger et « zones hyper bourgeoises à défendre », il y fait une lecture splendide des paysages urbains ; il regarde partout et nourrit son récit de quantité de détails classants et déclassants ; il entend les mots des uns et des autres et il mêle, musicalement, dans ses phrases le trivial et le précieux ; il consomme des textes et des images, dresse de féroces galeries de portraits, met en scène la stupidité du milieu des médias et de la politique tournant à vide. Il sait, mieux que personne, faire provision de réalité parce qu'il est un artiste et que ce qu'il glane lui sert à écrire.


Jean Echenoz dans son dernier livre met ainsi en scène des histoires de pouvoir contrarié – politique et amour. Il y envoie une espèce d'innocent pour décaler le modèle du polar et révéler des vérités bonnes à dire. le tour est joué. Les mises en présence du très falot Gérard Fulmard avec la chute de débris d'un lanceur soviétique, avec une affaire politique de deuxième ordre, avec un parti de troisième ; les mises en présence, par le passage obligé de la vie solitaire et médiocre à un certain milieu, produisent d' irréversibles effets qui sont malicieusement mis en perspective. Comme toujours, Jean Echenoz s'amuse avec le genre sans jamais cependant tomber dans la parodie gratuite. C'est une intrigue menée tambour battant : une catastrophe est suivie d'un enlèvement politique et d'une histoire d'amour « … interruptus » sous les cocotiers. le narrateur est Gérard Fulmard en personne, un bedonnant steward interdit de vol. le personnage n'a pas une grande estime de soi : « A part ce nom, je ne suis pas sûr de provoquer l'envie : je ressemble à n'importe qui, en moins bien ». Pourtant le « héros » a entrepris une analyse avec le docteur Bardot soupçonné « d'assurer de telle vacation dans le seul but d'arrondir ses fins de matinée, rajoutant ainsi une pincée d'épinards dans son beurre ». Bien mal lui en a pris, il est entraîné dans un jeu dont il ignore les règles. Ce ne seront qu'échecs successifs d'un homme qui n'a pas le choix. Il n'entend rien évidemment au vocabulaire, poncifs, syntagmes qui font le miel de la « Fédération Populaire Indépendante » ; il ignore tout des meetings foireux, réunions extraordinaires et ordinaires des montants et des descendants du parti croupion ; et il n'a naturellement aucune espèce de « fidélité à ces préceptes que sont, avant tout, le sens du travail et le goût des valeurs » … C'est ici qu'il devrait être question de la trame de « Phèdre ». Jean Echenoz, en inversant les sexes et en plaçant au centre son Gérard Fulmard, se serait inspiré de la pièce de Racine. C'est ici donc, et bien non.


« Jean Echenoz n'affirme rien : il n'affirme même pas qu'il affirme rien (…) » disait Pierre Lepape. Il ne démontre pas, il montre. Il est le romancier, à nul autre pareil, de la suspension du sens, de la souriante démolition des certitudes, celui des espaces abandonnés et du temps flottant. Dans un éclat de rire, il célèbre l'absurdité d'un monde où les désirs tristes d'un Gérard Fulmard sont fixés pour toujours, de l'extérieur, à un nombre très restreint d'objets insignifiants comme payer son minable loyer. le personnage dans de belles pages semble pris dans un imaginaire double : un imaginaire du comblement pour faire paraître bien suffisantes les petites joies des paiements possibles auxquels il est assigné ; un imaginaire de l'impuissance pour le faire renoncer aux grandes auxquelles ils pourraient aspirer et qu'il entrevoit à peine : « Les tapis et les meubles – guéridons stratifiés de livres d'art et de catalogue de salles des ventes, méridiennes, sofas, poufs – ainsi que la décoration – un Staël, un Klein, trois antiquités soclées – dénotent un goût et un matelas bancaire analogues ». Jean Echenoz prend acte de la stratification de l'espace : il n'y a plus d'élites que sur nos écrans tristes ; rassemblements précaires d'êtres atomisés dont les rêves, les comportements n'obéissent qu'à des logiques fatiguées et usées, à des morales de l'immédiateté et du fugace, nous vivons aujourd'hui dans les banlieues de l'esprit et du beau. L'écrivain pourrait écrire des drames sur cette émiettement, faire des tragédies de cette solitude, construire les récits de ces misères du monde mais les lamentations ont partie liée avec l'apitoiement et le renoncement. D'autres le font. Aux dissimulations, aux spoliations, au temps des significations errantes, répondent l'écriture elliptique, joueuse, détachée, rythmée de Jean Echenoz, ses trompe-l'oeil savants, ses cabrioles stylistiques et la limpidité de son récit qui ne renonce jamais au romanesque. La phrase de Jean Echenoz, sa minutie désinvolte, ses télescopages entre le soutenu et le trivial, son sens de l'humour, qui ont à voir avec le goût et le plaisir, une fois encore nous enchantent.
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Un court roman diablement sympathique: au-delà de l'humour inhérent au personnage de détective privé incompétent, qui m'a irrésistiblement fait penser à Jack Palmer, le héros du regretté Pétillon, la narration bascule habilement d'un récit du point de vue de Gérard Fulmard à celui d'un narrateur qui connaît à peu près tout du passé de ses personnages ou qui observe la scène de l'extérieur, ne sachant pas trop ce qui s'est passé ou ce qui va arriver.

La langue est un vrai bonheur et contient de très belles formules: à propos d'une rue aux immeubles laids et disparates sur lesquels les architectes n'ont pas laissé leur nom, l'auteur dit qu'ils ont été abandonnés là comme un tas de lettres anonymes. À propos des bruits qu'on entend pendant un acte amoureux et qui sont à peu près les mêmes dans toutes les langues, l'auteur évoque "un espéranto qui n'aurait pas raté son coup".

La toile de fond du parti politique, avec ses personnages aussi pittoresques qu'insignifiants, constitue une scène idéale où notre détective va côtoyer d'autres ratés… manière de railler le fonctionnement la société mais aussi de souligner la dérision des existences individuelles.
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Comment sortir une rue du XVIe de sa monotonie bourgeoise? Par le fait divers. Un homme banal, qui a eu le tort d'entreprendre un peu trop largement, va ainsi défrayer la chronique malgré lui, coiffant au poteau ses voisins aux destinées tragiques. Par une ironie de l'histoire, il parvient à réussir tragiquement là où l'égérie du parti qui pensait se jouer de lui a échoué. (On peut alors se demander si tout cela était bien involontaire et ne relève pas d'un inconscient refoulé...)

Léger, le roman se lit très vite, bien que les registres de langue s'entrechoquent et que l'auteur abuse un tantinet du genre rocambolesque et du nombre de personnages, qui font régulièrement oublier le personnage principal dont l'ouvrage est censé faire l'objet. L'auteur, comme son héros, était d'humeur à forger. Plutôt qu'une forgerie, il s'agit tout au plus d'un pastiche, mais de quoi? Cela manque quelque peu de substance.
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Dés les premières pages du livre l'on sait que l'on a mis un pied dans un roman de Jean Echenoz, dans un monde ou le narrateur ou bien le personnage principal, font partie de cette catégorie d'individus qui sont ce qu'ils peuvent, de ces gens ordinaires à qui l'imprévu et l'extraordinaire survient sans pour autant qu'ils se départissent de leur flegme et que l'habituel récit laconique, espiègle et malicieux d'Echenoz sait faire évoluer comme en apesanteur de ce qui les entoure.
Malheureusement ici ,à l'incongruité de la situation de départ succède une improbable embardée sur le terrain archi rebattu du politico-polar avec son lot de péripéties sulfuro-crapuleuses.
On a alors le sentiment déceptif d'assister à une parodie de Manchette par Echenoz , ou ( G.F) Gérard Fulmard aurait remplacé, mutatis mutandis , Georges Gerfaut dans le petit bleu de la cote ouest.
Alors que toute l'acuité facétieuse du regard d'Echenoz sur notre époque réside habituellement dans la confrontation et le décalage de son personnage principal d'avec son environnement et dans ce qu'il offre de perspectives de recul sur notre monde ; en choisissant pour fil conducteur une intrigue maniériste et un peu faisandé, le récit s'étiole au fil des pages pour n'offrir en définitive que le spectacle d'un livre tout simplement daté.
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On peut dire que Gérard Fulmard s'est mis dans un sacré pétrin. Il faut s'attendre à tout, lorsqu'on décide d'ouvrir un cabinet d'assistance en tous genres. le voilà enquêteur inexpérimenté, Marlowe de série Z, incapable de prendre en note ce que lui racontent ses clients, car son unique stylo, un Bic, ne fonctionne pas...

Ironiquement, notre Gérard se retrouve, grâce à son incompétence, chargé d'une mission délicate, au service d'un parti politique fort représentatif des moeurs du milieu. Rassemblement de personnalités aussi baroques qu'ambitieuses, toutes prêtes à tuer le vieux chef et à éliminer ses concurrents pour prendre la place. Toute ressemblance, etc...

C'est un vrai-faux polar sans meurtre ni policier, qui nous plonge dans un monde aussi réaliste que bizarre, et faut-il le dire, plus que décadent? On y croise des gardes du corps qui sont experts du jeu de go, et on y évoquera aussi les mânes de Mike Brant.

Le style détaché d'Echenoz fait merveille pour souligner le dérisoire de toutes ces vies et, en même temps, l'inquiétude qu'éprouve le lecteur à suivre les complots et les péripéties des membres de ce sinistre parti d'opérette, et de ceux qui gravitent autour d'eux. On se dit que la réalité pourrait dépasser cette fiction.
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Gérard Fulmard, ce bon vieux Gérard Fulmard est ce qu'on appelle un looser. Ou plutôt il est socialement inadapté. Il se décrit lui-même comme "physiquement" inadapté aux standards de beauté. Il se fait virer de son job de steward, pour une raison qui ne nous sera pas contée, mais qui lui vaut des séances de psy régulières. Et c'est son psy qui va bouleverser sa vie. Alors qu'il s'apprête à renoncer à sa nouvelle carrière de détective privée, son médecin le charge d'une mission, et voilà comment il se retrouve embrigadé dans cette histoire de pseudo disparition, meurtre et politique. On est dans un polar absurde exquisément bien écrit. Je découvre Echenoz à travers ce roman, qui me donne envie d'en lire plus.
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Une lecture jubilatoire et drôlissime au cours de laquelle il faut bien s'accrocher pour en tirer la substantifique moelle!
Merci à l'auteur de m'avoir tenue en haleine avec cette histoire fumeuse, ce roman d'initiation aux détails impossibles où notre héros parisien rencontre des politiques pas tout à fait nets et nous balade Rue Erlanger de triste mémoire.
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Accrochez vos ceintures, ça décoiffe!
Jean Échenoz nous emmène dans l'un de ses récits à tiroirs, parfois à nous en donner le tournis.
De digression en description, on se retrouve pris au coeur d'un tourbillon qui entraîne le "héros malgré lui" dans des situations invraisemblables, qui pourtant sont le sel des querelles intestines au sein d'un parti pas si fictif...
Jouissif et dépaysant
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