Plus le temps avance, plus il me semble que j'ai laissé dans les lointains déserts de l'Asie quelque chose de bien cher que l'Europe ne peut pas me rendre. C'est que là-bas pousse une herbe vraiment précieuse ; c’est la liberté, liberté sauvage en vérité, mais exempte d’entraves et presque absolue. Les fatigues, les périls, sont oubliés ou ne servent qu’à donner plus de relief aux moments de joie et de satisfaction intérieure. Aussi le voyageur passionné ne rêve –t-il plus qu’à ses aventures passées ; devant ses yeux défile sans cesse le panorama de cet heureux temps qui l’engage à substituer au confort de la vie civilisée les fatigues et les labeurs d’une existence vagabonde, mais pleine de liberté et de ravissement.
( Nicolaï Mikhaïlovitch Prjevalski- « Sur le toit du monde : Mongolie, Dzoungarie, Tibet (1870-1880) », éd. Phébus, 1988, p.282)