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3,31

sur 180 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Dans un livre d'Ellroy, on trouve des flic véreux, de la violence, toute la décadence humaine et un soupçon de rédemption.
Le style est raccord; des phrases sèches comme des coups de poings.

Bienvenu à LA et bonne année 1942!
L'Amérique de Roosevelt redoute l'attaque des Japonais sur la Côte Ouest. Les résidents nippons, en tout cas les supposés espions, sont raflés et emprisonnés. Cela en fait un paquet.
le sergent Dudley Smith et quelques complices mexicains veulent profiter de cette aubaine pour faire un maximum de blé en les envoyant dans des camps de travail.
La belle Joan a provoqué un accident mortel et une occasion pour Parker de la "sauver". le flic Elmer Jackson cherche son frère disparu depuis un vol d'or dans un train 4 ans plus tôt. Hideo Ashida, le policier scientifique, le protégé de Smith, a un penchant aurifère. 3 hommes décèdent dans un clubhouse dont deux flics ripoux overdosés. Cela fait désordre pour l'image de la police.
Une issue honorable est donc demandée aux enquêteurs.
Ajoutez à cela un contexte de montée des idées du nazisme et du communisme sur le secteur Californie-Mexique et vous aurez un aperçu de la complexité du processus de résolution de l'intrigue principale.

Dès les premières pages, Ellroy vous mène dans ce tourbillon. le style vaut le détour, certains passages sont des scènes d'action très travaillées mais j'ai moins goûté l'intrique à rallonge.

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"La tempête qui vient, ce désastre qui ensauvage" WH Auden

Sitôt reçu, sitôt entamé et c'est parti pour près de 700 pages en compagnie de Hideo Ashida, Joan Conville, Elmer Jackson, Kay Lake et surtout le Loup, le charismatique Dudley Smith, adoré autant que redouté.

J'avais presque oublié à quel point lire Ellroy ne relève pas de la facilité et combien il faut être concentré pour savourer cette écriture incisive, ce flot d'informations à chaque ligne, cette lecture sous benzédrine.

Ellroy manie l'argot comme personne. Ellroy émaille son récit de ses obsessions : cherchez la femme, Beth Short... Ellroy mêle le réel et la fiction. Ellroy affine des personnages déjà d'une complexité admirable. .
À coups de courts chapitres au rythme syncopé, et donnant alternativement la parole à ses cinq principaux personnages, le maître du roman noir nous déroule 130 jours, en plein tumulte géopolitique, 130 jours qui se succèdent dans une succession de secrets, d'alliances, de trahisons.
Mais il sait aussi changer de style et c'est le cas lorsque Kay Lake prend la parole, au travers d'extraits de son journal ; le rythme est plus posé, les propos plus réfléchis. Elle est la seule narratrice à la première personne et c'est d'ailleurs à elle que reviendront les très beaux mots de la fin. #TeamKay

Et maintenant, c'est quand le prochain Ellroy ?
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En ce début d'année 1942, Los Angeles reste traumatisé par l'attaque japonaise surprise sur Pearl Harbor. Les déportations et internements des Issei et Nisei s'intensifient. le sergent Dudley Smith, le catholique irlandais fou promu capitaine au SIS, est envoyé en Basse Californie au Mexique pour surveiller les agissements de la 5ème colonne et empêcher les attentats japonais. Il en profite surtout pour mettre en place trafic de drogue et de travailleurs immigrés clandestins et parader en uniforme SS. de l'autre côté de la frontière, sous les trombes d'eau qui noient la "mégalo-pôle" californienne, le sergent du LAPD et souteneur patenté, Elmer V. Jackson qui essaye d'arrêter un cambrioleur violeur, hérite d'un cadavre, mis à jour lors d'un éboulement de terrain, qui pourrait être lié à deux anciennes affaires irrésolues vieilles d'une dizaine d'années : le vol d'une cargaison d'or dans un train et l'incendie meurtrier de Griffith Park.
L'occasion pour les génies scientifiques de la police Hideo Ashida et Joan Conville de mettre leur talent au service de la justice... ou de leur propre cupidité.
Quand deux flics véreux (pléonasme au LAPD des années 40 ?) et un nazillon mexicain sont retrouvés assassinés dans un klubhaus, mi bordel mi club de jazz dans un ghetto noir de la ville, une composante politico-idéologique vient complexifier la résolution des trois affaires qui semblent inextricablement liées les unes aux autres.

Le deuxième opus du Second Quatuor de Los Angeles est arrivé dans les bacs des libraires quatre ans après Perfidia. Une longue attente pour tous les fans du "Dog de L.A." qui espéraient avec impatience le retour des personnages ellroyiens emblématiques, tous plus ou moins barrés, déjantés, torturés, profondément ambivalents, capables de sacrifice mais dévorés par l'ambition et la convoitise, accros au sexe, à la came, à l'alcool, au fric et au pouvoir, véritables portraits d'une Amérique sombre et sauvage très éloignée de l'image idéale de l'American Way of Life et du rêve qui le caractérise.
Sortis de l'imagination fertile de l'écrivain ou personnages réels, les flics du LAPD, d'autres services ou même mexicains, les hommes de loi, les politicards, les médecins, les nymphomanes fatales et les prostituées, les hommes d'église, les journalistes, les acteurs de cinéma ou les musiciens évoluent dans des sphères où chacun surveille l'autre, le manipule ou l'exploite. Tous et toutes sont plongés dans une situation inédite car "c'est la guerre" et dans laquelle la répression et la spoliation contre les japonais, la paranoïa antinazie et anticommuniste, atteignent des sommets et viennent s'ajouter à la perversité décadente habituelle de la Cité des Anges.
En prenant place dans le grand projet d'Ellroy de réécrire l'histoire américaine entamé avec la première tétralogie consacrée à sa ville natale et poursuivi par la trilogie Underworld USA, "la tempête que vient" aborde une fois encore les thèmes de prédilection de l'auteur conservateur et provocateur. Les voici, sans ordre de préséance ou d'importance. le Fric. Trafics en tout genre, drogue, armes, êtres humains ou réseaux de prostitution, tous les protagonistes ou presque ont la volonté de se faire un maximum de blé. Inutile de dire que mettre la main sur un gros tas de lingots d'or, c'est le jackpot assuré. le Sexe. Entre les liaisons passionnées et les passes tarifiées, le sexe ou le désir sexuel est au coeur des chassés-croisés amoureux qui unissent les personnages en des trios pervers et improbables. le Pouvoir. Qu'il soit politique, judiciaire, journalistique ou conféré par une plaque et un flingue de service, le pouvoir, c'est la corruption et la violence. Chantage, assassinat, passage à tabac, destruction de preuves, écoutes et enregistrements cinématographiques illégaux, journaux à scandale ou jury fantoche, tout est bon pour assoir sa domination sur l'autre et son statut social.
James Ellroy développe donc ce qui fait son fonds de commerce dans le cadre idéologique, politique, social et religieux des années de guerre sans champs de bataille pour romancer des événements historiques en créant une triple intrigue riche et complexe. Parfois un peu trop riche et complexe car l'auteur ne laisse pas le lecteur souffler une seule minute et exige de lui une lecture concentrée et attentive qui n'est pas facilitée par le style syncopé et télégraphique dont Ellroy s'est fait le chantre et qui est sa marque de fabrique. Nerveuse, électrique, brutale, à l'instar des personnages, la prose destructurée d'Ellroy possède un rythme fusant et déchaîné et utilise un vocabulaire argotique et ordurier que d'aucuns peuvent juger trop gratuit pour être séduisant et dont les excès outranciers pourraient illustrer le prétendu déclin de l'auteur. Néanmoins, il est certain que d'autres peuvent y entendre la musicalité frénétique et tonitruante du Bebop qui prend à l'époque son essor. Mais c'est là la volonté du "Chien Fou" de nous perdre dans les facettes multiples de ce roman policier, noir, d'espionnage et historique qui nous plonge dans une Amérique fondée sur le crime et au sein de laquelle les idéologies communiste et fasciste cherchent à s'unir pour tuer la démocratie et créer une nouvelle alliance totalitaire.
L'accalmie qui n'arrive jamais dans ce roman viendra dans la patience dont nous allons devoir nous armer en attendant la sortie du 3ème opus de cette grande épopée.
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Suite immédiate de « Perfidia », « La tempête qui vient » commence au 31 décembre 1941, là où s'est terminé « Perfidia ».
Nous y retrouvons donc les mêmes protagonistes, l'enquête sur le meurtre de la famille Watanabe d'origine japonaise le 6 décembre 1941, à quelques heures de l'attaque sur Pearl Harbour par l'armée japonaise est officiellement close mais en réalité toujours en cours.
Et c'est alors que les pluies diluviennes de ce début du mois de janvier 1942 sur Los Angeles provoquent un glissement de terrain et font ressurgir un cadavre.
Qui est cet homme ? C'est la première question à laquelle il devra être répondu si le LAPD veut élucider ce meurtre.
Oui mais voilà que certains au sein même du LAPD n'ont pas intérêt que cette affaire ressorte au grand jour, tout comme ils feront tout pour étouffer la vérité sur le meurtre de la famille Watanabe.
Entre milices d'extrême droite et milices d'extrême gauche, trafiquants en tous genre et même trafiquants d'êtres humains, indics véreux et flics ripoux, James Ellroy nous dresse un portrait au vitriol de Los Angeles dans les premiers jours de l'entrée en guerre des USA.
Du Ellroy pur jus pas toujours très « politiquement correct » avec parfois un langage à ne pas mettre devant tous les yeux
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Juste après Perfidia, précédent roman d'Ellroy qui se déroulait en décembre 1941 au moment de Pearl Harbor, on retrouve Elmer Jackson, Dudley Smith, Kaye Lake, Bill Parker, Joan Conville et Hideo Hoshida, à l'occasion d'événements situés entre le 30 décembre 1941 et avril 1942.
Tout ce petit monde va notamment avoir à coeur de dénouer - ou d'embrouiller si cela sert ses intérêts - les fils de trois enquêtes qui dominent le livre.
La première impression est celle d'une corruption généralisée, d'un amoralisme absolu, avec extorsions, chantages, trafics d'êtres humains entre le Mexique et la Californie, sur fond de complots de la Cinquième Colonne et d'internements massifs des Américains d'origine japonaise.
Même les moins pourris des personnages sont coupables d'homicides, volontaires ou non, souvent sous l'emprise de l'alcool ou de la drogue. Ils mentent, cachent des preuves. Puis au fur et à mesure de l'intrigue, les personnalités se révèlent et les portraits s'affinent, permettant de distinguer entre les pourris absolus et ceux qui en dépit de toutes leurs turpitudes ont gardé un semblant d'âme.
Depuis quelque temps, l'auteur utilise un style souvent haché, outrancier, en fonction de la personne dont il adopte le point de vue, qui frôle parfois l'auto-parodie et la facilité (Ellroy dresse notamment un portrait à charge d'Orson Welles, dont il fait même un indic de Dudley Smith, on voit passer John « pine de mouche » Huston, qui a réservé une fille au bordel de Brenda et Elmer). Cependant, ce livre de 700 pages qui se lit d'une traite possède un véritable souffle romanesque et son style chaotique colle parfaitement au propos.
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Le nouvel ellroy vaut le detour qu'o se le dise ! L'auteur nous plonge dans l'amerique post pearl harbor avec ses doutes et son ambiance de guerre dans son style personnel, pour moi on tient là un chef d'oeuvre du meme niveau que la trilogie Hopkins ! A lire sans hesiter !
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James Ellroy dépeint un monde complotiste et dérangé dans cette suite de "Perfidia", une préquelle du premier "Quartet de les Angeles".
L'histoire démarre avec la nuit convulsive du Nouvel An 1941, avec une opération de surveillance désastreuse, Count Basie jouant à la soirée de la police, avec le fort écho de Pearl Harbor répandant/rappelant la haine envers les Japonais, l'affaire Watanabe retentissante et une intrigue complexe et ambitieuse qui s'ouvre largement pour absorber le lecteur. Pour l'avaler. Respirer et sentir le mal.
Une histoire dense, sombre et amorale (Ellroy s'assombrit encore plus avec l'âge). Avec un département de police corrompu et sournois, "tordu dans une ville tordue et foutue". Des flics passant d'un roman d'Ellroy à un autre dans un continuum publicitaire fantomatique, du tongo, un braquage de lingots d'or, un ancien incendie et un cadavre déterré par la tempête, deux flics véreux assassinés, des fumeurs d'opium, des accords de haine contre haine, des trahisons, la cinquième colonne, des fascistes, des communistes, du racisme rampant, des maisons closes, du porno, des orgies nazies avec Orson Welles et d'autres impliqués, stars de cinéma ou ceux qui aspirent à l'être mais sont entraînés par des trous noirs, du jazz, du trafic d'immigrés de drogue et, surtout, une corruption brutale dans un réseau complexe de personnalités et de perversions avec lesquelles l'auteur montre tout le catalogue des faiblesses humaines. Los Angeles, Ensenada, Tijuana, Baja… un chaos qui fonctionne comme quelque chose de plus grand.
La narration hypnotique, obsessionnelle, torrentielle est une histoire chorale, physique, sale, dans laquelle prédomine le style très personnel, rythmé et syncopé de Ellroy. Pour beaucoup se sera illisible . Quant à moi, même si j'en est savouré chaque page je suis loin d'avoir tout saisi et tout assimilé , je ne serai capable que d'expliquer certains moments mais l'histoire est irracontable. Par ailleurs.je me suis perdu souvent parmi les centaines de personnages.
C'est le portrait d'un monde complotiste, dérangé, dans lequel les gens profitent de la guerre de la pire des manières. À travers un regard parfois enjoué, toujours cinglant, James Ellroy développe une narration qui semble êtres sans répit troublé par une pluie aveuglante. Car la pluie, sa mère assassinée, la police et le passé de son pays sont importants dans la vie d'Ellroy et dans l'ambitieux puzzle qu'il est en train de constituer, dont l'image n'est jamais tout à fait claire, mais plutôt brumeuse. Telles sont les histoires extraordinaires d'Ellroy, dans lesquelles il mêle le noir et l'historique dans un portrait décalé des États-Unis. Parce qu'Ellroy n'est pas seulement un auteur de romans policiers, il est l'auteur de romans politiques, sociaux et épiques. Une histoire chorale, physique, sale, dans laquelle prédomine un style parfois déroutant dont l'auteur se sert pour enquêter sur ses ombres et mettre sur le divan à travers ses policiers corrompus et ses image de Los Angeles, les États-Unis.
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« La tempête qui vient », de James Ellroy : ce désastre qui ensauvage…

Un roman d'Ellroy vous marque à jamais. Pour moi, ce fut le cas avec « Un tueur sur la route », « le Dahlia noir », ou encore « American tabloïd », entre autres… Et le phénomène s'est répété avec « La tempête qui vient », même si j'ai commis un sacrilège en le lisant avant « Perfidia », le premier livre de sa nouvelle série nommée « Second quatuor de Los Angeles ». Pour être tout à fait honnête, je m'en suis aperçu dès les premières pages, mais, déjà happé par l'histoire, j'ai été incapable d'interrompre ma lecture pour tout remettre dans le bon sens et j'ai donc bu ce calice jusqu'à la lie, permettant de prouver par la même occasion que cette oeuvre peut tout à fait se déguster de manière indépendante. Cela dit, je vous conseille malgré tout de ne pas faire la même erreur que moi ; vous êtes avertis !

Ce préalable exposé, il est temps de parler de ce monument, en commençant par le titre tiré d'une citation du poète britannique W.H. Auden : « La tempête qui vient, ce désastre qui ensauvage… ». Elle pose bien le cadre du récit dans le Los Angeles de fin décembre 1941 à mai 1942, juste après Pearl Harbor. L'attaque nipponne a marqué les esprits et les autorités ont décidé d'interner tous les citoyens d'origine japonaise dans des camps. le roman se déroule également en grande partie au Mexique, en Basse-Californie, respectivement dans les villes de Ensenada et La Paz où l'armée américaine a envoyé des agents pour prévenir d'éventuels débarquements de sous-marins japonais.

Dès le début, Ellroy multiplie les noeuds scénaristiques en même temps que ses personnages. Ça part dans tous les sens et il faut s'accrocher. Dans son style unique, l'auteur mitraille des phrases concises qui débordent nos défenses, rendant, comme toujours, un peu compliquée l'appréhension de son histoire. Un Ellroy se mérite, mais ça vaut le coup. On entame la chasse à l'homme d'un violeur en série qui tourne court tout en offrant un indice important pour la suite. Dans la foulée, on assiste à la mort de six individus dans un accident de voiture qui implique Joan Conville, une infirmière qui rejoindra bientôt les rangs du LAPD en tant que spécialiste de médecine légale. Et puis il y a l'assassinat d'un Chinois dans son restaurant, retrouvé les pieds plongés dans de l'huile de friture… Charmant ! Et cette bouillabaisse peut donner le tournis, d'autant plus qu'on arrive rapidement au massacre de deux policiers véreux dans un club privé en compagnie d'un émigré latino, tragédie qui va susciter l'émoi des forces de l'ordre en même temps que de l'opinion publique. Tout en faisant ressurgir une affaire irrésolue, le braquage de lingots d'or dans un train gouvernemental, une décennie plus tôt, de quoi enflammer bien des convoitises…

J'en ai déjà parlé, la multiplicité des protagonistes complique la tâche du lecteur, du moins au départ. Ces âmes perdues sont toutes à la fois très crédibles et répugnantes. Pas une ne rattrape l'autre. Ellroy nous sèvre de héros positifs. Chacun de ses intervenants traîne son lot de faiblesses. Avec eux, on a l'impression de rejoindre l'enfer dans lequel ils se débattent. Un point commun néanmoins qui entame peut-être très légèrement le réalisme de l'ensemble (mais là, je chipote…) : ces personnages sont tous très intelligents. Ils calculent et méditent sans cesse pour arriver à leur fin. Ça peut être la richesse, la reconnaissance, la puissance, le désir ou tout simplement pour juste réussir à survivre dans ce cloaque. Malgré tout, on admire le tableau, toujours plus fascinés et incapables de détourner le regard, un peu comme ces badauds qui s'agglutinent et se dressent sur la pointe des pieds pour apercevoir l'horreur d'un accident de voiture. Ici, la littérature n'offre aucun réconfort. Ellroy nous assène son interprétation de l'humanité et il ne s'agit que d'une collectivité de vagabonds qui errent dans une absence de sens implacable. Les malheureux sont ballottés par des vagues de plus en plus grosses, annonciatrice de cette tempête qui approche et prend la forme d'une guerre mondiale, la seconde dans le temps et certainement la première dans la course des atrocités. Et ça n'arrange en rien leur destin, bien au contraire, ça paraît exacerber leurs côtés les plus ténébreux.

Sur le podium, je place tout en haut Dudley Smith et le loup mental qui l'accompagne. Sergent du LAPD et militaire chargé de traquer des agents de la cinquième colonne jusqu'au Mexique. Un prédateur fasciné par d'autres encore plus implacables et qui sévissent déjà en Europe, qu'ils soient Führer, Duce ou Caudillo. Lui n'est obsédé que par une seule chose, dominer tous ceux qu'ils côtoient. Sa présence écrase toute la narration. Il ne laisse personne indifférent et suscite à la fois chez le lecteur et ses contemporains, alternativement ou en même temps, l'amour, la haine et la peur. Il est à la fois le personnage principal et l'ordure, voire l'enquêteur et le criminel à abattre.

Dans son sillage, les autres tentent de tenir la corde. Son collègue, le sergent Elmer Jackson, me semble peut-être le plus sympathique, celui vers qui j'ai le plus tendance à m'attacher, même s'il s'avère quand même très délicat d'apprécier un policier qui profite de sa position pour s'enrichir dans une activité de proxénète. le capitaine du LAPD William H. « Whiskey Bill » Parker peut aussi susciter ce genre de sentiment ambigu. Alcoolique notoire écartelé entre son ambition et sa religiosité, la première lui faisant souvent mordre les bordures du chemin de la moralité que lui impose la seconde, sa superficialité me le rend finalement bien moins plaisant que le sulfureux Dudley et ses errements démoniaques… Un comble ! Chez les hommes, au bout du compte, le plus sain me paraît être l'agent et colosse Lee Blanchard, ancien champion de boxe qu'on retrouvera dans « le Dahlia noir » (ce roman se déroulant après, mais a été écrit avant…), personnage moins machiavélique que les autres, même si sa violence peut inquiéter. Cela dit, sa contribution dans « La tempête qui vient » reste assez limitée. Curieusement, je ressens peut-être le plus d'empathie pour le docteur Hideo Ashida qui travaille dans le service de médecine légale du LAPD. Homosexuel refoulé d'origine japonaise, il en pince pour Dudley et tente d'échapper au sort peu enviable réservé à ses compatriotes en mobilisant son discernement et son expertise inégalée dans l'analyse des indices relevés sur les scènes de crime. Toujours sur la brèche, travailleur infatigable, sa trajectoire singulière m'a touché.

À côté de ces personnages masculins finement ciselés, Ellroy ne néglige pas ses figures féminines. La plus puissante à mon sens, Joan Conville, grande par la taille, l'intelligence et la beauté. Séduit, Bill Parker n'hésitera pas à racheter une de ses fautes pour la forcer à rejoindre le LAPD et lui faire renoncer à un engagement dans l'armée américaine. Ce moment charnière la hantera tout le long de la première moitié du livre pour finalement la rattraper. Ses collègues sont tous fous d'elle, le loup Dudley y compris. Ellroy la place en modèle de femme forte et indépendante, un extra-terrestre dans cette époque encore si largement patriarcale. Malgré tout, il prend bien soin d'introduire ses faiblesses en douceur, puis de les exploiter pour nous torturer, nous rendant son destin que plus bouleversant. À côté d'elle naviguent d'autres femmes, toutes très bien caractérisées : Claire de Haven, la morphinomane communiste qui entretient une relation passionnée avec Dudley, Kay Lake, la protégée de Lee Blanchard qui apparaît dans « le Dalhia noir » (interprétée par Scarlett Johansson à l'écran !) et qui nourrit une haine puissante à l'encontre de Dudley (seconde femme forte qui concurrence bien Joan Conville, surtout dans la seconde partie de récit), Elizabeth Short, la fille illégitime de Dudley (et surtout, « le Dahlia noir » en personne !!! Mais c'est une autre histoire…) ou encore Jean Clarice Staley, femme fatale et maîtresse-chanteuse à plein temps, pour ne citer qu'elles, car la liste est longue…

Enfin, ce roman offre également l'occasion, comme dans les autres d'Ellroy, de croiser des personnalités comme Orson Welles (pas très à son avantage, un peu superficiel, obsédé par son image, le sexe et réduit à jouer les informateurs…), Robert Taylor (pas mal déluré…), ou encore le maestro Otto Klemperer (dont la villa somptueuse accueille des fêtes décadentes), pour les plus connus.

Avec cette galerie de figures crédibles ou réelles, un style qui lui autorise, parfois, à maltraiter l'orthographe pour favoriser le surgissement d'émotions (par exemple, chaque fois qu'il est question du Ku Klux Klan, la lettre « c » devient « k » à l'instar de « klub », « enklavé », « klanique », etc.), un scénario tortueux dont les rhizomes nous entraînent souvent dans des chemins de traverse sans jamais nous perdre, Ellroy continue à créer un univers propre, exigeant, d'une poésie ténébreuse et inquiétante. Si je ne partage pas sa vision désespérante du monde (quoi que…), je ne peux que saluer la sincérité avec laquelle il nous la livre et bien reconnaître qu'elle charrie malheureusement sa part de vérité. En la mettant en lumière, Ellroy nous offre la possibilité, certainement sans trop le vouloir, de cerner un peu mieux l'ennemi intime, à l'image de ce loup qui hante Dudley et ne le quitte jamais. Et se faisant, maintenant affranchis, ceux qui le souhaitent peuvent, peut-être, trouver les armes pour l'apprivoiser.


Lien : https://noiraucarre.com/2021..
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Un lieu: la Californie (et la Basse-Californie mexicaine)

Une période historique: juste après Pearl Harbor, l'arrestation massive des américains d'origine japonaise, l'alliance des communistes et des nazis.

Des personnages: beaucoup, voire trop ! Certains étaient dans Perfidia, on en découvre d'autres, certains sont réels, d'autres sont fictifs. Parfois ils sont appelés par leur nom, parfois par un de leurs surnoms (dur à suivre...)
William Parker, Hideo Ashida, Elmer Jackson, Dudley Smith, Joan Conville, Orson Welles et Kay Lake, la principale narratrice.

Un style: Sec, nerveux, journalistique

La trilogie préférée d'Ellroy: Pouvoir / Sexe / Corruption.

Bref, le mariage réussi du roman historique et du polar noir
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Lecture toujours plaisante de ce génial auteur qu'est James ELLROY. Puissant, pointu, violent… Et pourquoi pas un peu fou... "La Tempête qui vient" est tout bonnement incroyable. Les personnages sont terriblement humains ou inhumains, comme souvent avec ELLROY. Celui-ci les fait se croiser avec de vrais individus sur lesquels il a sa propre vision. La vérité dépasse-t-elle la fiction ou..?
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