Soir. Peu à voir sauf le ciel et la lumière qui baisse. Se perdre et descendre, chuter lentement dans la couleur trop légère pour porter plus que l’œil. Passer dans la teinte calme, quelque chose d’enrobant léger pas blanc mais déjà plus vraiment bleu. Plus loin, il n’y a rien d’épais mais comme sans fin une suite de voiles bleutées qui bougent. Aucun vertige.
Soir. Le ciel vire lentement et on passe dans l’air sans poids, dans l’espace soudain démesuré du mot ciel. Tout repose et on va comme on dort, sans comprendre quelle clé a tourné. D’évidence, il reste peu de temps : cela va se refermer, il n’y aura plus ni soir ni bleu, juste une vitre sale, la nuit, la lampe.
là
sans voir net ce qui entoure un soir comme d’autres soirs quand la fatigue monte – calme – on resterait bien ainsi posé dans un coin avec la douleur dans la cage sans remuer
tout semble presque avoir trouvé comme un point mort y compris les bruits de vaisselle à côté et les éclats de voix aussi longs immobiles
reste une limite à chaque respiration profonde – pas seulement cette douleur du corps qui ne se retrouve pas dans l’étroit de respirer – plus vaste que cela mais sans pouvoir isoler vraiment voir
la lumière s’éloigne plus encore derrière un toit d’ardoises – on entend sonner un vieux téléphone et dans le même temps l’odeur de l’herbe se met à remonter avec le soir – à deux trois jardins des rires et des paroles indistinctes
c’est tranquille
en train de finir
Sans cesse on peut laisser s'égoutter la mémoire d'une seule peau présente et lasse d'être là, attendant que s'éteigne ce qui la retient encore, peut-être des mots, presque plus de désir sinon celui d'une issue, une façon de quitter, cesser.