Ce tome fait suite à "L'homme de pierre" (épisodes 37 à 42) ; il contient les épisodes 43 à 49.
Le Punisher vient de mettre fin aux jours d'un criminel de plus et son monologue intérieur indique qu'il s'interroge sur la facilité avec laquelle il a commis les actes de barbarie qu'il avait jugé nécessaire dans les tomes précédents. La scène passe alors à 5 femmes (Annabella Gorrini, Barbara Barrucci, Lorraine Zucca, Shauna Toomey et Bonnie de Angelo) installées dans un spacieux salon richement meublé d'un pavillon de banlieue. Elles évoquent leurs points communs : elles ont toutes été mariées à des criminels de la pègre et le Punisher a tué chacun de leur mari.
Ces veuves ont décidé de s'organiser pour lui tendre un piège et l'abattre, sans commettre les mêmes erreurs que la pègre et en mettant à profit le point faible qu'elles ont décelé. Pendant cette même soirée, une femme splendide (Jenny Cesare) drague dans un bar, se fait lever sans aucune difficulté par un mec pour une nuit torride. Elle est liée d'une manière inconnue aux 5 autres.
À chaque nouvelle histoire, Ennis introduit un nouveau point de vue sur le personnage Frank Castle et il le fait évoluer par petites touches parfois imperceptibles. Dans "Widowmaker", il choisit un point de vue qu'il n'avait pas encore utilisé : celui des veuves "éplorées" des victimes du Punisher. Dès la première scène où elles apparaissent, Ennis assène qu'il ne fera pas d'angélisme. Ces femmes ont baigné dans le milieu du crime organisé, elles ont profité de l'agent facile et elles sont dessalées chacune à leur manière. Elles présentent les mêmes tares que leurs défunts maris (à commencer par un langage ordurier appuyé) telles que le racisme et la bêtise, et le recours à la loi du plus fort.
Le lecteur retrouve dans ce tome plusieurs éléments récurrents de la série : le Punisher abat froidement des criminels (abus sexuels d'enfants, crime organisé), des touches d'humour bien noir (servies par cette bande de 5 veuves), et des réflexions sur ce qui fait l'unicité de Frank Castle. Ce dernier point s'effectue comme d'habitude par comparaison avec 2 autres personnages qui sont tentés de suivre le même chemin que lui dont l'inspecteur Budiansky de la police newyorkaise. Mais dans les ingrédients habituels, le méchant principal fait défaut. Ici il n'y a pas criminel endurci qui en donne pour son argent au Punisher, il y a plusieurs petits criminels qui ne font pas le poids devant lui.
Ennis prend également le parti de blesser Castle de telle sorte qu'il passe la majeure partie de l'histoire allongé sur un lit de fortune à attendre que ça se passe. Ce n'est pas le premier tome dans lequel Castle semble un invité dans sa propre série, mais ici il n'y a pas (à mon goût) de thème assez fort pour compenser. Dès le départ il est évident que ces braves dames ne feront pas le poids, que Budiansky va s'interroger sur la possibilité de se servir de la justice expéditive du Punisher, etc.
Les illustrations se composent des dessins de Lan Medina et de l'encrage de
Bill Reinhold. Ils ont opté pour style assez réaliste et assez léché, moins brut, avec moins d'aspérité que sur les tomes précédents. Je reconnais que j'ai eu du mal à accepter cette vision un peu propre sur elle des personnages et des décors. À mes yeux, ce parti pris sans risque gomme les horreurs décrites en les lissant.
Dans la scène où une femme se fait défoncer le visage à coup de batte de baseball, Medina et Reinhold n'arrivent pas à dépasser le stade de la simple description clinique pour faire passer l'horreur de cette violence. Ils se rapprochent plus de la violence aseptisée des comics de superhéros, malgré les giclées de sang. de même les expressions me semblent manquer de nuance. Je pinaille peut être parce que d'un autre coté ils s'attardent sur les décors pour leur donner de la substance. le salon d'Annabella Gorrini est décoré avec soin, le mobilier choisi pour s'accorder ensemble et la pièce est agencée comme un endroit vraiment habité et pas comme une page de magazine de meubles.
Quand Jenny Cesare apparaît pour la première fois dans un bar, elle resplendit, avec un petit coté froid qui correspond exactement au personnage. Mais dès que les scènes requièrent le haut niveau de violence inhérent à cette série, elles semblent fades et artificielles. le corps mutilé de l'une des femmes (élément important du scénario) semble factice, sans réelle texture, l'expression de son visage dans la glace semble décalquée sur une moue de modèle de magazine.
J'ai donc trouvé ce tome en dessous des précédents dans la mesure où il revient sur des thèmes déjà abordés sans les approfondir, où il manque un vrai méchant à la mesure du Punisher et où les illustrations n'arrivent pas à faire passer l'horreur du monde dans lequel évolue le héros. Par ailleurs l'examen de la tentation de Frank Castle de recourir à la torture semble artificiel.
Dans "Born", Ennis a exposé au lecteur que le Punisher sortirait vivant de toutes les confrontations comme tout héros récurrent qui doit être présent au prochain numéro. À aucun moment, il ne m'a été possible de concilier cet état de fait avec l'éventualité que Castle puisse basculer du coté obscur. Il est conseillé de faire un détour par "Barracuda MAX", avant de passer à la suite du massacre dans "La longue nuit noire" (épisodes 50 à 54).