Ce tome fait suite à "Born" ; il comprend les épisodes 1 à 6 de la série "Punisher MAX".
Le tome commence avec un résumé rapide et sec sur le meurtre de la femme de Frank Castle, de son fils Frank David et de sa fille Lisa. Passé ce recueillement sur leur pierre tombale, le lecteur constate que le domicile de Castle est sous surveillance de la CIA. le soir même, le Punisher exécute froidement une centaine de criminels réunis pour fêter les 100 ans d'un parrain (qu'il abat également). Et pour faire bonne mesure, il est également présent lors des funérailles pour abattre les mafieux qui sont venus rendre un dernier hommage aux morts. Pendant ce temps là la CIA travaille à l'arrestation du Punisher qui est finalement effectuée par un de ses anciens compagnons d'armes.
Garh Ennis a écrit un récit très intense et très noir qui met en scène Frank Castle comme il ne l'avait jamais été. Ce personnage a été créé par
Gerry Conway,
Ross Andru et
John Romita senior en 1974. Il avait connu une première évolution dans Cercle de sang grâce à
Steven Grant et
Mike Zeck (et dans "Zéro absolu" par les mêmes), une deuxième évolution sous la plume de
Mike Baron ("Essential Punisher 2" en anglais) et une troisième évolution imputable déjà à
Garth Ennis dans The Punisher. "Au commencement" correspond à une évolution encore supérieure car Ennis profite pleinement du fait que cette histoire est éditée par la branche jeune adulte / adulte de Marvel (appelée MAX).
Garth Ennis montre un Frank Castle né en 1950 et qui a 30 ans d'activité en tant que Punisher, avec un nombre de tués supérieur à 2000 ; il a donc une cinquantaine d'années. Pour ce premier tome, Ennis reprend les éléments connus du personnage : ses années au Vietnam, la mort de sa femme et de ses enfants dans un parc au cours d'une fusillade et les années de collaboration avec Microchip (Linus Lieberman de son vrai nom). Mais il place son récit dans la dernière partie de sa carrière (ce qui évoque forcément la période The Dark Knight returns de Batman). La structure du récit fait qu'il faut attendre le cinquième épisode avant que Castle ne commence à donner de la voix au sens propre, comme au figuré. Ennis prend donc le temps d'installer le ton de la série avant laisser le personnage principal prendre le dessus sur le récit. Et quel ton !
Le massacre des hauts échelons du crime organisé à New York a créé un vide que la nature s'empresse de combler. Les 3 individus qui sont appelés à s'installer au sommet n'ont pas peur de se salir les mains : un col blanc au sang froid et 2 psychopathes sadiques. Ennis décrit des personnages qui font froid dans le dos et que le lecteur ne souhaiterait croiser pour rien au monde. Sur la base de ces criminels sans pitié, il concocte des moments macabres d'une grande cruauté qui génère un humour noir réservé aux coeurs bien accrochés (un individu qui tient ses testicules dans un gobelet en plastique par exemple).
Vous l'aurez compris : les moments Ennis atteignent une intensité exceptionnelle, mais sans l'humour que l'on peut trouver dans "Preacher" ou dans "The boys". Et quand Castle se déchaîne enfin, le lecteur se rappelle de la fin du tome précédent dans laquelle Ennis promettait à son personnage qu'il s'en sortirait toujours (mais au prix de quelles horreurs physiques et psychiques !) et le massacre des criminels devient une catharsis d'une efficacité totale, pour le lecteur.
Pour ce tome, les illustrations ont été confiées à
Lewis Larosa, encré par
Tom Palmer. Je suis très partagé sur le résultat. D'un coté, chaque personnage bénéficie d'un visage bien défini et d'expressions du visage réalistes. de ce fait toutes les conversations agrippent le lecteur en le plaçant au milieu d'individus réalistes. Les 3 prétendants à la tête du milieu dégagent une aura qui fait peur, malgré une difformité qui pourrait les rendre ridicules. Les scènes d'action sont d'une sécheresse qui augmente l'intensité des atrocités commises de sang froid, qu'il s'agisse de massacre à grande échelle ou de violences perpétrées sur une personne.
Cet aspect terre à terre rend plus terrifiant encore les aspects outrés du scénario (une phalange mordue au sang, un criminel ayant survécu à l'empalement sur une herse en fer). D'un autre coté, Larosa est un grand adepte des têtes en train de parler au milieu d'une case de la largeur de la page, sans aucun décor. Or son niveau de mise en scène ne lui permet pas de se passer d'ameublement. du fait de ce dénuement spartiate, le dialogue entre Microchip et Castle prend une dimension trop théâtrale qui fait tâche par rapport au reste de l'histoire. Et puis le choix de présenter Castle comme un athlète bodybuildé marqué de milliers de rides en fait un être supérieur ce qui ne semble pas cohérent par rapport à la direction donnée par Ennis.
Ça faisait longtemps que je me demandais si cette série est à la hauteur de sa réputation : j'ai été soufflé par l'intensité de la narration au point de ne pas pouvoir lâcher ce tome sans l'avoir terminé. le massacre continue dans "Kitchen irish".