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sur 1427 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Il y a des livres au sujet desquels il faudrait simplement pouvoir dire « Lisez-le ! ».

Des livres qui n'auraient pas besoin des mots des autres.
Qui tiendraient tout seul, sans tuteur, à la seule force de leur éclat.
Des livres qui n'appelleraient aucune autre phrase que celles présentes dans leurs pages.


Mémoire de fille d'Annie Ernaux est de ceux-là.
De ces textes qui marchent droit,
Avec prestance et sérénité,
Grandeur et raison.


Sur leur passage, tout brille.
Comment ne pas être emporté par l'intelligence de leurs mots. Leur force créatrice ? Leur impressionnante précision ?
Capable de donner corps et chair à la plus fugitive des idées. Au plus flou des souvenirs.


*


Car c'est tout là le projet d'Annie Ernaux : replonger dans l'été 1958, celui de sa première nuit avec un homme, à la colonie de S dans l'Orne. Un moment dont l'onde de choc s'est propagée violemment dans son corps et sur son existence pendant deux années.

En s'appuyant sur des images mentales indélébiles, des photos, des lettres écrites à ses amies, elle interroge cette fille qu'elle a été dans un va-et-vient entre hier et aujourd'hui.


*


Pour nombre de féministes, Mémoire de fille d'Annie Ernaux est le livre-phare. le Totem. Celui de l'Eveil. du début.
Le matin d'un combat,
Ou d'une nouvelle vie.
Pour moi, il aura pris les traits d'un miroir
dont les reflets, scintillant dans la lumière du soir
vont, je le sais, faire longtemps frissonner mon esprit.
Lien : https://www.mespetiteschroni..
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Annie Ernaux a une place particulière dans la littérature française et dans mon coeur. C'est elle qui m'a appris ce qu'est l'autofiction, un «récit de vie», comme l'auteure de «Mémoire de fille» aime à qualifier ses livres.
Mais ce n'est pas si simple que ça car en se basant sur son vécu, en auscultant ses souvenirs, elle a le don d'être en écho à ce que je ressens en tant que femme, toujours dans un environnement collectif et un contexte social qui ne me laissent pas indifférente.
Annie Ernaux raconte son premier rapport sexuel, sans plaisir et plutôt violent, l'été de ses 18 ans, à l'époque où elle s'appelait Annie Duchesne, la fille de 1958. Elle va travailler cet été là et parle d'ébriété communautaire pour sa première expérience en collectivité entre jeunes moniteurs et monitrices à la colonie de vacances de S. C'est aussi la découverte de la liberté, celle de choisir ce que l'on fait de son corps, mais aussi de l'humiliation.
J'aime beaucoup le cadre social et politique avec, en filigrane, la guerre d'Algérie et les événements du moment.
Annie Ernaux alterne la narration au passé et au présent en cherchant à «déconstruire la fille qu'elle a été». Et elle a mis du temps à pouvoir parler de cela, de cette découverte de la sexualité traumatisante, dix ans avant mai 68 et la libération sexuelle.
Lorsque l'on s'intéresse un peu à ce qu'il y a dans notre tête, on apprend que les souvenirs traumatiques sont plongés dans l'obscurité tandis que les expériences communes occupent l'espace éclairé et qu'il faut parfois des décennies pour réorienter le projecteur, tirer le négatif en positif et comprendre enfin ce par quoi on était mû jusqu'ici. D'ailleurs, en cas de souffrance extrême, le cerveau peut faire obstruction, comme si la garde rapprochée du lobe frontal entrait en action pour séquestrer l'information.
En résumé, on n'oublie jamais rien, on escamote ou on enfouit. Et puis un jour on a besoin de se libérer. C'est ce que fait parfaitement bien Annie Ernaux par l'écriture.


Challenge Nobel illimité
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Que d'émotions à la lecture de ce récit autobiographique! Les larmes me sont montées aux yeux dans les dernières pages. Même si j'accuse quelques dizaines d'années de moins qu'Annie Ernaux, je me suis tout à fait retrouvée dans ses descriptions d'actes, de pensées que l'on croyait en phase avec la réalité et qui, avec le recul, paraissent totalement incongrus, fortuits. Pourquoi sommes-nous capables d'autant nous fourvoyer?

Annie Ernaux part d'une scène vécue alors qu'elle était monitrice de colonie de vacances: la tentative de perte de sa virginité avec H. A partir de cette nuit, son univers mental basculera totalement: la voilà insultée et mise à l'écart, elle qui voulait simplement "faire comme les autres", et son avenir déviera le temps de deux années dans cette recherche de conformité avec les autres. Voilà d'abord la boulimie: il faut avoir un corps de rêve comme la jolie blonde dont H. s'était épris. Puis l'abandon des études pour intégrer le corps des institutrices, toujours comme le modèle cité précédemment. La recherche de l'approbation dans les yeux des autres est constante.
Sauf que... l'Education Nationale ne lui trouve pas une vocation d'enseignante suffisante. Donc abandon du projet professionnel, fuite en Angleterre pour jouer les "petites bonnes" avec une "amie" ayant échoué elle aussi à l'Ecole Normale. Elles partagent le goût de la goinfrerie et du jeûne, ainsi que celui de la chaparderie.

Ce temps de la jeunesse, c'est celui que l'on pense être le temps de la liberté, alors que pour la majorité des femmes, il correspond au temps de l'angoisse: suis-je assez bien pour plaire? Que dois-je faire pour être désirable? Comment me faire aimer des autres? Que vais-je devenir plus tard?
Un faux pas, et l'avenir se fissure, se brise.

Annie Ernaux revient avec finesse et clairvoyance sur ces mois, ces années, qui auront une importance majeure dans la vie entière de chaque femme.
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La lecture de "Mémoire de fille" nous plonge littéralement dans le cerveau d'Annie Ernaux, dans les méandres de sa réflexion et son exploration de la jeune fille qu'elle était durant cet été 58 et les deux années qui ont suivi. La traversée de ce livre, comme toujours chez cette auteure essentielle et unique, est un voyage dont on ne ressort pas indemne.
Le point de départ est son passage dans une colonie de vacances en tant que monitrice, l'été de ses 18 ans. Nous sommes à la fin des années 50, la France est coincée entre la guerre d'Algérie et des diktats sociaux voire religieux qui corsètent une société dont les premières fissures commencent à apparaître. Annie se retrouve pour la première fois loin de chez elle et dans un milieu mixte. Très vite, elle cherchera les rencontres masculines et s'aventurera entre les bras de quelques moniteurs.
De ces quelques semaines, socle fondateur de sa future vie de femme, Annie Ernaux s'essaye à un brillant exercice de souvenir qu'elle essaye de rendre le plus exact possible, tout en tenant compte des effets amnésiques mais aussi déformants de sa mémoire.
Le texte a une forme libre, comme toujours, mélange d'autobiographie, de sociologie et de laboratoire littéraire. Il nous plonge dans les méandres de la création, ici plutôt tentative de recréation pour retrouver la jeune fille que l'auteure était à 18 ans. A partir de ses souvenirs, de quelques photos d'elle à cette époque, de l'actualité, des sentiments qu'elle éprouve aujourd'hui, de ceux qu'elle se rappelle avoir éprouvé, de ceux qu'elle imagine avoir ressenti et ceux qui l'ont minée par la suite, le puzzle se reconstitue petit à petit et dresse un état aussi réaliste que passionnant. de cette histoire très personnelle, où se mélangent sexualité, honte, poids de l'éducation, élan vers la vie, envie de transgression, Annie Ernaux déploie un récit aussi simple que scrupuleux, aussi intime qu'universel, et touche l'essence même de la littérature, c'est à dire mettre en mots ce qu'elle a dire et les faire résonner intimement chez le lecteur. En revenant sur cet été 58, et au prisme de ce qu'elle a vécu et déjà écrit, creusant inlassablement ce sillon commun à énormément de femmes et d'hommes que sont la sensation de honte et le sentiment de classe et de domination, elle exprime de façon intense, à mots non dissimulés, ce que tout un chacun éprouve.
La fin sur le blog
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"Toujours des phrases dans mon journal, des allusions à « la fille de S », « la fille de 58 ». Depuis vingt ans, je note « 58 » dans mes projets de livres. C'est le texte toujours manquant. Toujours remis. le trou inqualifiable."
Avec mémoire de fille, Annie Ernaux remédie à ce texte manquant. En 1958, Annie Duchesne (son nom de jeune fille) âgée de dix-huit ans est monitrice dans une colonie à S. dans l'Orme. Pour la première fois, elle quitte Yvetot et le café-épicerie de ses parents pour un été. « Tout est nouveau pour elle » comme cette liberté loin de ses parents.
Première expérience sexuelle avec H. moniteur-chef avec qui elle passe la nuit car il y a l'envie, le désir. Et elle se donne à lui avec soumission. Elle est amoureuse mais dès le lendemain, H. s'entiche d'une autre fille. Annie Duchesne devient un objet de moqueries et de mépris, on lui colle l'étiquette de fille facile, de « putain sur les bords ». Il y aura d'autres garçons mais son esprit est accaparé par H.. Vient la fin de la colonie, le désir d'oublier cet été et sa violence qui ne sera pas sans conséquences : aménorrhée et boulimie.
Les deux années suivantes s'accompagneront d'un changement d'orientation dans ses études supérieures, d'un séjour de fille au pair à Londres. Et la lecture de Simone de Beauvoir sera un catalyseur.

A partir de ses souvenirs, de lettres écrites à ses amies et de photos, Annie Ernaux analyse Annie Duchesne avec distance « Je ne construis pas un personnage de fiction, j'ai déconstruis la fille que j'ai été ». le « je » pour parler d'elle au présent et « elle », « la fille de 58 » se côtoient dans ce va-et-vient ponctué de nombreuses réflexions et d'interrogations sur son travail d'écriture « J'ai commencé à faire de moi-même un être littéraire, quelqu'un qui vit les choses comme si elle devait être écrites un jour » et sur celui de la mémoire.
Et d'écrire : « C'est l'absence de sens de ce que l'on vit au moment où on le vit qui multiplie les possibilités d'écriture ».

Avec ce récit, elle parvient à saisir une réalité et le lecteur mesure tous les changements opérés en plus de soixante ans notamment en ce qui concerne le regard porté sur les femmes. Il faut prendre son temps et ne pas se précipiter pour bien saisir l'ampleur de toutes ces pages.
Un livre indispensable pour l'admiratrice d'Annie Ernaux que je suis et une lecture très forte.
Lien : http://claraetlesmots.blogsp..
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Dans ce témoignage, Annie Ernaux revient sur les traces de la jeune fille de 18 ans qu'elle était en 1958, quand elle est partie comme monitrice dans une colonie de l'Orne.

Un peu nunuche, avec des rêves plein la tête, cette toute jeune fille, qui quittait le cocon familial pour la première fois, s'est emballée pour le beau gosse qu'était le chef des monos ... et a passé avec lui sa première nuit avec un homme, qui, selon les critères actuels s'apparente davantage à un viol qu'à une relation consentie.

S'appuyant sur sa mémoire, des traces photographiques et un retour sur les lieux de cet été, elle retrace les nuits passées avec cet homme, les gaffes commises lors des réunions de monos, et les années à Rouen qui ont suivi, et, elles aussi, marqué à jamais sa vie.

Moment absent jusque là de son oeuvre, texte manquant qu'Annie Ernaux inscrivait régulièrement dans ses projets de livres, elle nous livre un témoignage, des mémoires et non une autobiographie romancée.

Un texte abrupt, râpeux comme certains souvenirs de cet âge ... 

Un texte qui donne à voir les relations garçons-filles de la fin des années 60 et montre, s'il en était besoin, le chemin parcouru. 

Un ouvrage qui laissera une trace en moi ... 
Lien : http://les-lectures-de-bill-..
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Incontournable si l'on veut comprendre qui est Annie Ernaux. Ce qui est constitutif de sa personne. Un ouvrage aussi important que La Honte. Une écriture d'une grande beauté et d'une richesse absolue. Encore une fois l'autrice tout en livrant son passé en pâture parvient à tutoyer l'universalité de toute femme.
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Auto-socio-biographie | Annie Ernaux n'aime pas qu'on parle de ses romans comme des auto-fictions. Ils sont des "manières de saisie de son expérience personnelle" comme dit dans une émission radio "La compagnie des auteurs" sur France Culture (de janvier 2018). Annie Ernaux nous parle toujours de la sexualité. de la famille. Ses thèmes tournent toujours autour de la nécessité de s'exprimer par la plume sur des "souillures" du passé. Des choses qu'elle a vécues et qu'elle appelle ses "hontes".

Dans "Mémoire de fille", elle se détache d'elle-même. Parlant parfois comme si elle était un fantôme impuissant, témoin d'une scène qu'elle voudrait oublier. Il n'y a de violence dans ses mots que dans la violence de sa vision du monde à l'époque. Elle ne sait pas vraiment ce qu'est être une femme. Elle a 18 ans. Elle n'est même pas majeure. Car nous sommes en 1958. C'est cette date qui va déclencher en elle tant de récits-romans. Son écriture est belle. Comme scandée. Avec un rythme si particulier, à la fois lent et rapide. Contemplatif et froid. Nous sommes là avec elle. Parfois nous sommes elle.

Elle aura mis du temps à écrire ce passage à l'acte. Cet événement. Cet épanouissement trop rapide. Ce passage éclair de l'adolescence à l'âge adulte. de là elle évoque de nouveau sa mère. Son père, un peu. Elle évoque ses études. Son errance. Son mariage. Son futur avortement. Ce corps qu'elle ne sent plus être le sien. Qui lui a appartenu puis est mort quelque part avec sa honte.

L'écriture toujours aussi virtuose mais pudique et discrète. Comme timide, l'oreille collée à la porte. Annie Ernaux se décrit, jeune fille de 1958, cette Annie Duchesne. Avec, comme elle le dit, un effort, une recherche dans la typographie et la syntaxe pour parler d'un moment de sa vie qui fera écho dans sa vie future comme dans ses futures lectures (Le deuxième sexe de Simone de Beauvoir).

Pour se détacher encore plus d'elle-même, Annie Ernaux fait un parallèle étrange entre ses journées ou l'événement a eu lieu à la colonie de S. (colonie de vacances où elle était monitrice), et les événements dans la colonie d'Algérie où s'écharpent les groupes armés du Général de Gaulle, aveuglé à ce point par la grandeur de la France... Elle a vécu "sa réalité" dans cette colonie, à des années lumières de la violence déchaînée en Algérie.

On comprend, en lisant ce livre, pourquoi Annie Ernaux est devenue une écrivaine importante, une représentante de la plume française, de cette littérature qui se veut exigeante, sociale, ouverte d'esprit, méta-réflexive, et non égocentrée, noire, romancée et tapageuse, à l'inverse des Delphine de Vigan par exemple (que pour ma part j'aime beaucoup aussi!).

"Déjà le souvenir de ce que j'ai écrit s'efface. Je ne sais pas ce qu'est ce texte." Voilà une phrase qui définit bien la vision de l'écriture autobiographique d'Annie Ernaux. Un moment fugace. Une dissolution rapide. Un rempart contre la réalité.
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Annie Ernaux libère la fille de 58

Dans ce récit autobiographique Annie Ernaux s'immerge dans l'été 58, l'été de ses 18 ans.
Lors de 6 semaines comme monitrice dans une colonie, elle découvre « la fête, la liberté, les corps masculins ». Elle ne sera plus jamais la même après cet été pendant lequel elle aura vécu une sexualité décomplexée avec plusieurs moniteurs et surtout deux nuits avec H. son premier amant. Lors de cet été, elle fera l'objet de moquerie de la part des autres moniteurs et monitrices mais le bonheur de faire partie du groupe sera plus fort pour elle que les humiliations subies.

Issue d'un milieu provincial catholique et populaire, fille d'un couple d'épiciers-cafetiers, dans une ignorance absolue du sexe, c'est la première fois qu'elle quitte ses parents, elle ne connait le monde que par les livres qu'elle dévore et sa vie se déroule entre le petit commerce de ses parents et le pensionnat. Enfant unique et couvée, elle arrive dans cette colonie pleine de désir «Tout en elle est désir et orgueil. Elle attend de vivre une histoire ».

La particularité et l'intérêt de ce livre où Annie Ernaux parle de « la fille de 58», dans une totale distanciation choisie, est qu'elle ne cherche pas seulement à se souvenir de la fille qu'elle était à l'époque mais qu'elle cherche à être cette jeune fille, elle essaye de se fondre en elle, de retrouver ce qu'elle pensait à 18 ans.

Elle cherche à comprendre le comportement de cette fille, son bonheur, sa souffrance en les resituant dans le contexte de l'époque. Elle essaye de retrouver son langage de l'époque en relisant des lettres qu'elle avait écrites alors, des poèmes et des citations qu'elle avait alors recopiés. Elle va traduire en mots les images et les sensations qu'elle retrouve ainsi.

Cet été aura des conséquences importantes sur sa vie car elle sombre ensuite dans la boulimie et souffre d'aménorrhée pendant 2 ans.

Les cours de philo et la lecture du Deuxième sexe de Simone de Beauvoir lui feront prendre conscience qu'elle a été ravalée au rang d'objet sexuel, objet de mépris pour beaucoup alors qu'elle croyait vivre une histoire d'amour avec H.
Ces lectures lui donneront les clés pour comprendre la honte qu'elle a vécue après cet été, honte de son amour pour cet homme qui l'a rejetée, honte d'avoir été traitée de prostituée, honte d'avoir aimé être désirée.

Annie Ernaux tire de sa vie des enseignements sociologiques. Au travers des écrits sur sa vie, elle nous parle des femmes de la France des années 50-60, de l'amour, de la sexualité à cette époque, 10 ans avant mai 68.

Ce livre est un travail de mémoire écrit d'une écriture sobre, qui fait se rencontrer la femme de 2015 qui écrit ce livre et la fille de 58 en un incessant va et vient entre le passé et le présent. au cours duquel Annie Ernaux compare les sentiments de la fille de 58 à ceux de la femme qu'elle est devenue.

Il est intéressant aussi de voir Annie Ernaux s'observer et s'analyser en train d'écrire, expliquer son processus d'écriture. Elle dit ne pas vouloir fondre la fille de 58 et la femme d'aujourd'hui dans le « je » et choisit d'employer le « elle » pour la fille qu'elle a été et le « je » pour la femme qu'elle est devenue. Elle raconte la nécessité qu'elle a eu d'écrire ce livre après avoir voulu oublier la fille de 58 pendant très longtemps et oublier le traumatisme fondateur de sa première expérience sexuelle.

Passionnant et émouvant. Un grand livre à lire absolument.



Lien : http://leslivresdejoelle.blo..
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Honte à moi, je n'avais jamais lu Annie Ernaux avant qu'elle n'obtienne le Prix Nobel de Littérature. C'est maintenant chose faite, avec Mémoire de fille, qui attendait sagement dans ma bibliothèque le moment d'être lu – et quel regret de ne pas avoir ouvert ce livre avant ! Plongée singulière dans la vie de l'autrice, qui nous raconte son été 1958 et les difficiles années qui l'ont suivi, ce récit est avant tout celui de la recherche de soi, de l'abandon de toute raison face à l'éclosion d'un sentiment amoureux et de la perte des repères créée par le déracinement social. Sans concessions, elle se plonge dans l'analyse de cet épisode et de ses conséquences, malgré l'inconfort que cet exercice génère, malgré les souvenirs douloureux, malgré le reniement d'elle-même qu'elle avait si bien réussi à mettre en place pour ne plus être « la fille de 58 ».

J'ai été absolument soufflée par la justesse de ce récit, par la pertinence universelle des réflexions de l'autrice, qui se confronte elle-même mais confronte également ses lecteurs, et peut-être plus encore ses lectrices. C'est incroyable comme l'histoire d'une femme en 1958 peut résonner, aujourd'hui encore dans nos vies de jeunes femmes du XXIème siècle, comme ses propos peuvent trouver un écho dans nos vies et dans nos moments les moins glorieux. Elle interroge de nombreux thèmes qui sont encore aujourd'hui de vrais sujets : les inégalités de classes, la domination des hommes, la sexualité féminine, le sentiment amoureux, la découverte de son corps, la somatisation, les troubles alimentaires, la pression sociale, la nécessité de suivre un avenir tout tracé, la désillusion de ne pas correspondre à l'image qu'on se fait de soi-même et que les autres ont de nous.

Je comprends mieux, après cette première lecture, pourquoi Annie Ernaux est la première femme française à recevoir le Prix Nobel de Littérature – et j'ai hâte de lire toute sa bibliographie pour affiner encore cette compréhension, et, j'en suis sûre, aller de coup de coeur en coup de coeur.
Lien : https://theunamedbookshelf.c..
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