Quatre exemples représentatifs de colonisations qui n'ont pas eu les résultats escomptés par les colonisateurs: les Treize provinces d'Amérique du Nord (transplanter le système seigneurial par des concessions), l'empire des Indes et l'Afrique occidentale (s'intégrer aux populations indigènes), l'Algérie française (établir une colonie de peuplement). L'essai est incontestablement bien argumenté et se fonde sur une documentation abondante. Il est accessible mais son style académique est assez austère.
À vrai dire, j'avoue ne pas me sentir très à l'aise au moment de rédiger cette critique. Il s'agit d'un essai de
Bouda Etemad, ancien professeur d'histoire aux universités de Genève et de Lausanne. Il y présente le résultat de ses recherches et de ses réflexions, dont la profondeur et le sérieux ne font aucun doute. Les propos sont clairs et bien étayés, le texte est compréhensible par des gens comme vous et moi, l'ouvrage mériterait donc de ce point de vue une excellente note. Néanmoins, si je ne me sens pas très à l'aise, c'est parce, malgré cette valeur objective, ce livre m'a laissé sur ma faim car il ne répondait pas suffisamment aux attentes qui étaient les miennes.
Voyons le positif. J'ai été heureux d'apprendre qu'il existait des différences dans les approches des colonisateurs, même dans un passé relativement récent. Je n'imaginais pas les colons perdus dans une telle immensité de territoire en Amérique du nord, je n'imaginais pas les Anglais si peu nombreux aux Indes, je ne savais pas que les Français voulaient faire de l'Algérie une colonie de peuplement agricole. Intéressant. Dans tous les cas, l'auteur montre comment ces colonies ont fini par péricliter, principalement, si j'ai bien compris, parce que les autorités des pays colonisateurs n'avaient pas pris soin de vérifier si leurs rêves correspondaient bien à la réalité du terrain et qu'ils n'avaient donc pas adapté leurs politiques initiales pour permettre le bon aboutissement de leurs projets. En particulier, un problème important résidait dans la méconnaissance des qualités et des défauts des populations indigènes. Si le sujet vous intéresse, le livre vous proposera une argumentation fort détaillée de ces aspects.
Malgré qu'il s'agisse d'un texte abordable, écrit dans un style relativement fluide, il faut reconnaître qu'il est assez austère. Sa lecture se mérite. Si comme moi, vous n'avez pas envie de faire les efforts que vous aurait prescrits votre éducation judéo-chrétienne, vous regretterez probablement que le livre ne soit pas un peu plus « grand public », avec un peu plus de redondances et de petits résumés. Mais si le sujet vous passionne, vous ne regretterez pas l'effort de la lecture.
J'aurais aussi aimé avoir plus de détails sur les tout premiers moments de chaque projet de colonisation: qui a lancé le projet ? quelles étaient exactement les motivations avouées ou inavouées ? En particulier, les colonisations les plus récentes défient encore mon entendement: je ne parviens pas à admettre qu'à une période si récente que le XIXe siècle, des Européens bien éduqués aient pu considérer d'autres hommes comme des sauvages et qu'ils se soient donné le droit de s'approprier leurs terres en étant persuadés de leur bon droit. Mais bon, ces questions-là sortent sans doute du cadre du livre dont il est question ici. Si vous avez de bonnes suggestions de lectures, je suis preneur !
Je remercie les éditions Vendémiaire de m'avoir permis de découvrir cet essai dans le cadre d'une Masse critique de Babelio.