Enquête sur un chien mort
Le lundi 12 octobre 2017, en préalable à une réunion de l’Association des Amis d’Antoine Vitez qu’elle préside avec sa sœur Jeanne, Marie Vitez lit un poème de son père, écrit le 2 juillet 1978 et dédié à sa femme, Agnès Vanmolder.
« Nous nous sommes avancés sur la plage,
nous avons compris que nous étions seuls, avec ce chien crevé, salé, ensablé, nous avons douté de notre mission politique, sauver la poésie nous semblait une tâche inaccessible. »
Jeanne ajoute quelques mots. Le poème, nous dit-elle, a trait à un voyage en Grèce, où Antoine se rend en compagnie d’Agnès pour aller voir Yannis Ritsos, que le régime des colonels assigne à résidence.
Ce commentaire de Jeanne me permet d’avancer dans la compréhension d’un texte pour moi jusqu’à ce jour énigmatique. « Sauver la poésie ? » En quoi cela consiste-t-il ?
Et s’agit-il vraiment d’une « mission politique » ?
La poésie à cette époque était, certes, en péril. Ne l’a-t-elle pas toujours (ou presque) été ? Il fallait certes la sauver, mais n’était-ce pas de bien grands mots ? Et qu’était ce chien mort, sur lequel le poète s’attardait en termes réalistes ? Simple image poétique ? Si tel était le cas, elle ne pouvait, venant de lui, être gratuite.
Marie ÉTIENNE — Entretien sur 'Anatolie' (France Culture, 1997)
L'émission "Poésie sur parole", par Jean-Baptiste Para, diffusée le 31 mai 1997 sur France Culture. Présence : la poétesse en personne.