Mon chien stupide est un film d'Yvon Attal, d'un cynisme impitoyable, où le chien tient un rôle double, celui d'ange et de diable, cette inspiration cinématographique est tirée d'un roman de
John Fante du même titre. Après quelques recherches sur ce livre, je m'empresse de l'acquérir pour découvrir l'intrigue originale.
John Fante est un romancier, nouvelliste et scénariste, du XXe siècle, natif des États-Unis, de parents immigrés italiens, il est paru très tôt.
Mon chien stupide fait partie du cycle Molise, avec le roman
Les Compagnons de la grappe, publié à titre posthume deux ans après la mort de
John Fante en 1983. Il compose aussi le recueil
West of Rome avec le roman
L'Orgie.
L'intrigue débute par l'arrivée lors d'un temps pluvieux, la pluie inonde l'atmosphère, un chien errant s'invite dans le jardin d'un couple, lui écrivain usé, elle mère de quatre enfants au bord du départ, cette découverte va bouleverser cette famille désunie. Il y a dans l'écriture de
John Fante, une prosaïque très intime, proche de la familiarisation avec une touche de vulgarité forte amusante, une petite pincée d'humour noire et un cynisme noir détachant du père de famille qui vous glace l'échine avec ce petit sourire qui perle au coin des lèvres, c'est humour noire qui fonctionne et que j'affectionne tout particulièrement. le rôle du chien catalyse la fuite du père, quinquagénaire, Henry J. Molise, habitant une villa dans un quartier huppé au bord du pacifique, Point Dume, au nord de la baie de Santa Monica, les chiens sont comme un trophée que l'on exhibe avec gloire et fierté, une démonstration futile d'une société de petit bourgeois fortunés que John Fonte se moque ouvertement. Dès le début
John Fante respire de son écriture cette désinvolture qui l'habite au plus profond de lui avec cette comparaison si drôle et assez décalée du décor où réside cette famille, « comme un sein dans un film porno. », puis sa manière à travers ce père d'humeur acrimonieuse, de parler de ses progénitures, comme Dominic, « ce fils de pute avait vingt-quatre ans et était encore un foutu emmerdeur. », « Va te faire foutre », est une réponse donné à son fils, Denny, le cadet, le nommant aussi « Mon salopard de fils était un malin », les deux autres aussi auront leurs mots si affectifs de leur père dans la rancoeur d'une vie sans saveur, d'un écrivain sans inspiration, accusant sa vie de famille d'être la raison de son déclin surtout de ces quatre enfants, qu'il voudrait hors du nid familiale, il désire au fond de lui, que ces quatre enfants partent pour retrouver un équilibre et rêve aussi d'aller à Rome pour gouter au souvenir d'un écrivain inspiré.
Ce chien est surnommé de mots terribles, un Akita de pur-sang de base, « la sombre gueule d'ours », « la bête », « un clochard », « traîne- savates », « Un individu socialement irresponsable, un fuyard. », « un chien eskimo », « Ce chien est une tantouze. », « C'est un pédé », pour finir par devenir Stupide, d'où ce titre
Mon chien stupide. Une affection se créer petit à petit entre ce chien et ce père à travers son fils Jamie, un garçon amoureux des animaux depuis sa tendre enfance, mais le comique de ce chien c'est sa force d'avoir de l'excitation envers le genre masculin et avoir des élans sexuelle sur des hommes comme le petit ami de Tina, Rick Colp, puis John Galt , un homme se promenant sur la plage , et un chien du quartier,
Rommel ; son propriétaire, Kunz, l'auteur le surnomme avec beaucoup d'ironie comme il sait le faire avec beaucoup d'amusement, « monarque en titre de l'empire canin de Point Dume ». Ce chien devient la star du quartier pour cet écrivain déchu de ses illusions, il en devient presque une lumière, une victoire face aux défaites de sa vie. Sans être un homme , il ne reste qu'un chien, comme le fantôme de son chien tué quelques années plus tôt, un fox terrier, mort au combat face à une baleine échouée sur la plage, tué d'une balle par un pêcheur, Rocco est l'ombre de ce chien, la blessure profonde de ce père ingrat qui s'enlise dans la misanthropie, voir la pédophobie de ces propres enfants.
Mais ce roman est surtout un petit bijou d'humour, beaucoup de scènes sont vraiment irrésistibles, comme celles de Stupide à l'ardeur d'un hardeur sur la gente masculine,
John Fante s'amuse en utilisant des images croustillantes sur l'objet sexuel du chien en érection, je vous laisse le découvrir et sourire de ces passages. le passage du duel entre les deux chiens du quartier est ce final si -18 ans, Stupide devenant un adversaire, « un monstre pervers, à l'esprit »…Les dialogues sont tous criant de vérités, de franchises, de grossièretés, de drôleries, surtout entre le père et ses enfants, le chien sodomite vient éclairer le lecteur d'un sourire béant, comme tout ce roman, c'est comme une bouffée de bonheur, une gymnastique des zygomatiques,
John Fante fait fuir de la maison familiale , ce ranch en forme de Y, tous les enfants, un par un , faisant faire le calcul de la soustraction à chaque départ, quatre moins un, quatre moins deux…C ‘est presque le jeu du survivant, tous partiront un par un, même Stupide disparaitra !
En outre
John Fante plonge le lecteur dans les profondeurs d'âme de ce mari de 55 ans, en couple depuis 25 ans avec sa femme Harriet, un romantisme en filigrane tisse un lien entre ses deux parents enclavés par ce rôle d'avoir encore ces quatre enfants à la maison. Cet homme aura su faire revenir sa femme deux fois dans sa vie à cause d'animaux, un rat blanc fugueur et un chien tueur de chat, deux séparations, deux réconciliations de pardon et de compromis et surtout d'amour. Même si, lui et elle, sont issu de familles différentes, de racines diverses, Harriet ayant une tendance raciste envers les noirs, détestant les amies noires de son fils, surtout la dernière qui lui donnera un petit enfant, avec ces réflexions sur la couleur du bébé, ne pouvant pas choisir lui-même, d'avoir une fierté raciale, d'un père laconique ou d'avoir une maladie raciale, il y a encore cette fracture culturelle américaine que
John Fante ridiculise à sa façon.
Charles Bukowski, vénérait notre auteur, je comprends cette fascination, retrouvant une forme de ressemblance dans sa prose, précurseur de la Beat generation,
John Fante reste un écrivain de son temps, la vie de Stupide permet une critique de la famille américaine, des moeurs, de ces quartiers aseptisés, et avec humour prend en otage cet écrivain en mal de vivre pour l'enfermer dans un tourbillon de folie, décider de faire partir ces enfants, d'adopter un chien inconnu, et vivre dans une chimère ou il coule lentement vers un oasis nommé Rome. C'est une belle satire noire, mélancolique parfois, avec une once d'humour sarcastique.
Je veux ce chien ….