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Un immense coup de coeur !!..

Un style fort, fluide et poétique...des sujets captivants abordés au travers de personnages contrastés , chacun, admirable à sa manière, en dépit de leurs failles et leurs défaillances !!

Une très belle lecture qui prend "aux tripes" ...provoquant de grandes émotions en dépit de la pudeur , de la retenue de l'auteure dans sa narration...!

Fortement attirée par l'originalité du traitement du sujet dont le fil conducteur est un livre publié à l'époque (1920)...qui va chambouler la vie de certains villageois et villageoises...
...Remise en question des idées reçues, et surtout sur la condition des femmes...

Resituons le contexte de ce roman : 1920, en France, en milieu rural...
les bouleversements, les changements de mentalités au lendemain de la Grande Guerre, alors que les Femmes ont pris en mains le pays, l'ont fait "marcher", pendant que tous les hommes valides étaient au front...En 1920, la guerre est finie, mais a laissé la France dans un état lamentable, avec toutes les gueules cassées, les blessures, traumatismes à panser !! Ernest Perochon vient de recevoir le Goncourt pour son roman, "Nêne", qui décrit le sort de soumission et de "bête de somme" d'une servante, qui ose "tomber amoureuse"...et en mourra...!!

Le récit débute lorsqu'une paroissienne, Gabrielle défie le prêtre, Adelphe,qu'elle juge trop traditionnel, trop conformiste, enfermé comme chaque homme dans une appréhension trop limitative du rôle des femmes , dans cette période d'après-guerre...Pour le défier, elle lui remet "Nêne", le livre
d'Ernest Perochon, qui vient d'être récompensé par le Goncourt !...

"C'est une sauvageonne qui lui tend le Goncourt de l'année, un roman d'Ernest Pérochon, en sifflant qu'il est édifiant. Sans doute y trouvera-t-il matière à sermon… . "(...) (p. 10)

...Adelphe le lit, se trouve ébranlé dans ses convictions; sa cuisinière, Blanche, ne sait pas lire, mais lui exprime son envie qu'il lui lise ce roman...le soir , après sa journée...Blanche, "servante de son état" comme Nêne.. se met à s'identifier , avec excès, à cette dernière... pour son malheur...dont on ne dira rien... Même si elle apprend à lire grâce au pasteur... Elle s'élèvera socialement... mais la mélancolie persistera...en dépit des efforts louables d'Adelphe , devenu son mari...!


Période chahutée, transitoire... où il faut reconstruire le pays...ainsi que la vie des gens....en bousculant les mentalités anciennes ! Et les femmes, à juste tire, veulent qu'on les prenne dorénavant, vraiment en compte, alors qu'elles ont sauvé , en quelque sorte, la marche économique du pays. Elles ont su remplacer les hommes absents, réquisitionnés au front !

"Il ne s'agissait pas de faire la morale à ces gens-là, elle ne les connaît ni d'Eve ni d'Adam et leurs imbroglios religieux l'indiffèrent. Alors quoi ? Les propos d'Ernest Perochon concernait avant tout les femmes. Ah bon ? Oui, c'est l'histoire d'une double soumission, celle d'une part d'une bête de somme, la servante, au service d'un patron dur à la tâche...et
du coeur; de l'autre celle de la femme, comme toujours née dévouée à la cause des hommes. (...) Un sacré paquet de grain à moudre pour un pasteur, une opportunité de réviser ses sermons en questionnant la raison de ce mauvais sort fait aux femmes; Dieu le voulait-il vraiment, Monsieur Delalande ? "(p. 38)

On s'attache à chaque personnage...avec leurs émotions, leurs doutes, leurs rêves, leur combat contre une destinée toute tracée...Ils s'inspirent de ce livre "Nêne" pour en tirer des leçons et ne pas faire les mêmes erreurs que son "anti-héroïne" !...

Parmi ces personnalités aussi attachantes que faillibles, il y a bien sûr Adelphe, le pasteur serviable, bienveillant avec chacun,...mais aussi Marcel,son ami le curé, adorant les discussions, la contradiction...Un personnage grognon, au coeur d'or !...

De très beaux passages sur leur Amitié dont celui qui suit :
"Marcel était son ami, la seule personne à qui il pouvait s'adresser en toute spontanéité, sans le souci de paraître ni de disparaître. Tout entre eux coulait d'une source instinctive, une sorte de reconnaissance immédiate entre deux consciences ne souhaitant pas tricher avec leurs faiblesses même si le reflet n'était pas toujours des plus glorieux.

Deux hommes qui s'épaulaient l'âme quand elle vacillait chez l'un ou l'autre (...) Toujours là par-delà les divergences, c'était même peut-être cela qui les soudait, ce goût de soupeser, d'opposer leurs petites opinions personnelles, celles dont on croit qu'elles engendrent l'hostilité entre les êtres alors qu'elles sont le plus droit chemin vers le voisin pour peu qu'on les considère avec courtoisie. C'était leur fonds de commerce amical, le plaisir d'aller chercher en l'autre de quoi s'éclairer et s'améliorer." (p. 121)

Comme chaque fois qu'une lecture captive,enthousiasme... j'éprouve bien du mal à quitter la vie des personnages...


***Je remercie aussi vivement l'amie, MarianneL[Librairie Charybde2 ] pour avoir attiré mon attention sur ce texte par sa chronique...1ère rédigée pour ce livre et cette auteure. Je ne regrette qu'une chose : ne pas avoir pu me rendre dernièrement à sa librairie pour la rencontre avec Isabelle Flaten...

Avant que je n'oublie... Je remercie aussi les éditions, "Le Nouvel Attila", qui publient des textes de qualité, avec des maquettes très élégantes...!! Je vais m'intéresser également de près aux autres texte d'Isabelle Flaten...Sans oublier , en premier lieu, de lire avec attention le roman de Ernest Perochon, "Nêne"...
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En ce début de 20e siècle Adelphe a embrassé une carrière de pasteur et rêve d'oecuménisme. C'est un personnage idéaliste mais la maturité et l'expérience aidant, il perd ses illusions et doute de sa vocation.

Il vit avec sa gouvernante Blanche, lui lit le Goncourt de l'année qui sert de fil conducteur, livre dont une femme servile est l'héroïne, c'est une paroissienne qui le lui a offert, la troublante Gabrielle.

La lecture du livre déclenche alors des réflexions de la part des personnages féminins sur leur rôle dans la société de l'époque. Des revendications et oppositions vont naître chez elles face à ce que subit l'héroïne du Goncourt.

Blanche, d'abord est transformée par la lecture qu'il lui a fait du livre. Comme s'il lui révélait sa condition dans le reflet d'un miroir en lui lisant ce livre, elle devient alors plus exigeante, sur son service, leur relation en est affectée et devient plus ambiguë, plus complexe et bien plus tard, le livre déclenchera le malheur de celle-ci. C'est comme si elle avait ouvert la boite de Pandore.

Quant à Gabrielle, celle-ci est plutôt une femme libre et féministe avant l'heure, avant Simone de Beauvoir pour ne citer qu'elle est loin de la morale rigoriste et religieuse. Elle est qualifiée de « garçonne » par Adelphe, elle le trouble et bien que la sachant mariée, il en est épris. Elle est la médiatrice, son offrande va déclencher des prises de conscience sur de la condition féminine de l'époque.

Pour ce qui est de l'écriture, la typographie est assez resserrée, l'écriture peu aérée, il n'y pas de temps mort, peu de dialogues coupant la narration, une large place est faite à la narration intégrant les paroles des personnages. On est de plus est face à un narrateur omniscient qui fouille les méandres de l'âme d'Adelphe et des autres personnages nous livrant le flot de leurs pensées, leurs idéaux, leurs désirs avec des envolées lyriques et parfois de belles métaphores filées suivant la musique de l'âme d'Adelphe en rendant le texte plus poétique.
Adelphe est à la fois tourmentée et troublée par les révélations et les changements qu'il entrevoit chez les femmes de son entourage et de son époque.

Dans la première partie, la plus intéressante et la mieux écrite, l'histoire nous est livrée du point de vue d'Adelphe, à la fois initiateur et témoin des attitudes et de certains changements qui s'opèrent chez les femmes de sa paroisse. Il doit se mettre à l'évidence, elles ne sont pas telles qu'ils les imaginaient, elles souhaitent échapper aux carcans de la religion, se libérer de son joug ainsi que de celui des hommes et être sur un pied d'égalité avec eux, du coup, sa vision de la condition féminine prend de l'ampleur et s'élargit, Gabrielle va l'y aider.

Dans les autres parties du livre les choses se concrétisent pour Adelphe, la vie avec son lot de bonheurs en malheurs avec la guerre, l'amour, la paternité, la mort, le chagrin. La descendance prend le relais dans la narration, le personnage d'Adelphe et sa problématique s'éclipsent quelque peu dans la dernière partie du livre, à mon grand regret, mais il nous revient plus en forme en fin de livre bien que rongé par la culpabilité et le vieillissement.

Un livre sur la place faite aux femmes dans la société mais aussi sur le désir, celui qui est interdit à l'époque, la morale religieuse et politique sont là qui veillent au grain, le destin aussi qui rattrape les êtres. Une contradiction entre amour et morale est développé tout au long du livre, cela ira jusqu'à l'engendrement d'un fruit défendu.

Un roman qui livre le regard d'un homme au-delà de sa fonction religieuse sur les femmes de son époque et qui va savoir les aimer même si les choses lui échappent parfois. un livre qui dénonce la condition des femmes de la première moitié du 20e siècle. Un roman subversif sur la question de la morale religieuse quelque peu malmenée par l'amour.
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Il m'est arrivé une drôle de chose avec ce roman. Il m'a d'abord résisté, ou est-ce l'inverse ? Très intriguée par le sujet de départ, je l'ai commencé avec beaucoup d'envie et l'ai pourtant reposé à plusieurs reprises après à peine deux ou trois pages. Une difficulté à entrer dans le texte, le rythme, l'atmosphère peut-être. Je m'apprêtais à passer à un autre livre pour reprendre celui-ci plus tard quand j'ai eu l'impression qu'Adelphe m'appelait. Qu'il s'était en quelque sorte emparé de mon esprit malgré moi. J'y suis donc retournée, me suis peu à peu laissé aller au rythme de la phrase, retrouvant un certain plaisir évoquant la lecture des classiques pour très vite éprouver un réel plaisir à la délicieuse compagnie de cette petite communauté d'où émergent les figures d'Adelphe et de Gabrielle.

L'idée de départ est formidable. Isabelle Flaten exhume de l'oubli le Prix Goncourt 1920, le roman Nêne écrit par Ernest Pérochon dont j'avoue je n'avais jamais entendu parler, et en fait le déclencheur de son intrigue puisque sa lecture va provoquer, au sein d'une bourgade bien tranquille une cascade d'événements imprévus. Nous sommes donc au sortir de la Grande Guerre, moment qui a vu les femmes commencer à prendre leur destin en mains fortes du rôle qu'elles avaient assumé en l'absence des hommes. Mais Adelphe, le pasteur n'en a pas vraiment conscience. A quarante ans, bien qu'entouré de femmes, il ne s'est jamais posé la question de leurs aspirations ou de leurs rêves d'accomplissement. le jour où Gabrielle Thomas, l'une de ses paroissiennes lui offre un exemplaire de Nêne en lui glissant, exaspérée que "tout est là", il ne se doute pas encore des répercussions de sa lecture... ou de la lecture à voix haute qu'il entreprend d'en faire chaque soir à Blanche, sa bonne, rapidement bouleversée par le roman et les leçons qu'il contient. le pauvre Adelphe, lui, ne comprend pas ce que Gabrielle perçoit dans ce livre mais ce qu'il voit bien par contre, c'est la beauté de la jeune femme et l'attirance qu'elle exerce sur lui...

Le charme de ce roman tient sans doute à la douceur du regard de l'auteure qui s'applique à recueillir chaque sursaut des uns et des autres avec une gourmandise que l'on perçoit très bien. Les voies du seigneur sont impénétrables et les sentiments qui habitent Adelphe nous le rendent éminemment sympathique dans sa façon de naviguer dans un océan de doutes sans jamais s'affranchir d'un certain droit au bonheur. Isabelle Flaten explore avec une agréable fantaisie qui ne cède rien au fond, quelques décennies d'évolution de l'affirmation du rôle des femmes. Et leur émancipation sur deux générations et le début d'une troisième. Elle trouve ici un moyen habile de revisiter le thème de la transmission, par l'exemple, l'hérédité ou les mots. Et nous offre un roman délicieux, qui se démarque par la fraîcheur de son ton et la profondeur de son étude des relations entre les êtres.

Une très très belle surprise qui me donne envie de m'intéresser aux précédents ouvrages de cette romancière que je découvre avec ce titre.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Adelphe Delalande est pasteur en province. Nous sommes en 1920, il a quarante ans et il vit seul, avec une servante, Blanche.

Dit comme ça, ça manque de glamour et j'ai quelques difficultés à situer le roman entre chronique familiale et leçon de choses. Je pense que je me serais plutôt ennuyée si l'écriture n'avait pas rattrapé la banalité du récit. Pendant 40 ans, on découvre la vie et les amours d'Adelphe, un homme qui ne m'a été ni sympathique ni antipathique et auquel je me suis peu attaché.

Le seul vrai atout, de mon point de vue, hors la qualité stylistique indéniable, est de traverser une partie du XXème siècle. Sauf que... tout va très vite, trop vite. La première partie prend son temps et puis, tout à coup, on a l'impression que les années sont avalées par les pages. En quelques paragraphes, à coups d'ellipses temporelles, on change de décennie, on survole même les périodes les plus riches comme les conflits mondiaux.

En fait, la lecture n'a pas été désagréable mais je ne sais pas vraiment où l'autrice voulait en venir. Je pense qu'elle s'est inspirée des romans d'Ernest Pérochon dont il est beaucoup question dans le roman (surtout de "Nêne", Prix Goncourt) mais je n'ai pas trouvé dans cette chronique ordinaire la magie de ce grand auteur.


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Adelphe, pasteur apprécié de ses paroissiens dans un bourg où il officie depuis longtemps déjà, reçoit de la main d'une de ses ouailles, la resplendissante Gabrielle, le prix Goncourt de l'année 1920, Nêne, d'Ernest Perochon. "Sans doute y trouvera-t-il matière à sermon" dit-elle.
Mais il y trouvera beaucoup plus que cela !
Car ce livre, Nêne, conte l'existence désolante d'une servante au service exclusif d'un maître, dont elle est secrètement amoureuse, mais qui ne voit en elle que l'élément indispensable à son bien-être.
Il dit tout ce livre, d'après Gabrielle ; en tout cas il dénonce la condition des femmes, livrées entièrement au bon vouloir d'un homme en ce début du vingtième siècle.

Or, en 1920, après le conflit mondial, où les femmes ont eu comme tâche de faire marcher le pays pendant que les hommes étaient au front, il devient inadmissible qu'elles n'aient aucun droit ! pas plus celui de voter, que de gérer leur contraception ou d'avorter, d'intervenir dans les affaires publiques ou de mener la maisonnée à leur guise.
Autour d'Adelphe gravitent plusieurs femmes, Gabrielle bien sûr, Blanche, puis Elise, Rebecca et Cécile. Et chacune d'entre elles aura sa façon, bien à elle, d'échapper à la domination masculine, de conquérir son autonomie, sous le regard d'abord effaré d'Adelphe, puis consentant et admiratif.
Car lui qui, jusqu'alors, vivait dans le confort feutré de son presbytère sans s'interroger sur la marche du monde, va, suite à la lecture de ce roman et à l'effet qu'il fait sur ses paroissiennes s'en poser des questions, et comme il est homme de bonne volonté, il va peu à peu évoluer et remettre en cause la plupart des choses qu'il tenait pour acquises.

Ce qui donne un roman subtil, tout en nuances, centré exclusivement sur l'évolution des êtres en sondant leur âme, en étudiant leur comportement.
Là réside d'ailleurs le bémol que l'on peut attribuer à cet ouvrage : alors qu'il couvre quarante ans d'histoire de l'après première guerre mondiale à l'avant mai 68, les événements qui ont bouleversé le monde sont à peine esquissés et la seconde guerre mondiale juste effleurée !
Bien sûr, ce n'est pas le sujet du livre, mais c'est regrettable, car on a un peu l'impression que les personnages vivent hors sol, préoccupés presque uniquement par leur histoire d'amour, d'amitié et de libération .......
Mais Isabelle Flaten offre au lecteur un texte surprenant au style délicat et tout en finesse, les hommes n'y sont pas enfoncés pas plus que les femmes ne sont trop et exclusivement célébrées !
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Savez-vous qui a décroché le Goncourt en 1920 ? c'est Ernest Perochon avec son roman Nêne qui obtint cette année-là le prix tant convoité. Un roman qui est passé aux oubliettes. Il faut dire que l'année précédente, c'était Marcel Proust, pour "A l'ombre des jeunes filles en fleurs". La postérité n'a retenu que Proust.
Dans le roman d'Isabelle Flaten qui se déroule en 1920, Adelphe est pasteur et lui non plus ne s'intéresse pas vraiment à la littérature contemporaine. Quand Gabrielle l'une des femmes de sa paroisse lui offre cet ouvrage en lui disant « qu'il y a matière à sermon », notre pasteur débonnaire n'imagine pas qu'un simple roman va faire vaciller ses certitudes, bousculer sa vie et celle de son entourage tout en impactant dans le plus grand secret les générations suivantes.

Ce roman m'a tout d'abord résisté. J'ai lu les premières pages peu concentrée et mon premier ressenti n'a pas été très enthousiaste. Lenteur, écriture classique, un petit côté Maupassant pour lequel je n'étais pas prête. Mais ce n'était qu'un faux départ, une fausse mauvaise première impression parce que finalement je n'ai pas pu décrocher de cette histoire.
En 200 pages et 3 grands chapitres, Isabelle Flaten aborde avec finesse un nombre incalculable de thèmes autour de l'émancipation féminine.
Si Adelphe est le personnage principal, ce roman est un roman de femmes, de femmes au caractère fort, de femmes audacieuses, un tourbillon de femmes face à des hommes qui se questionnent et qui vont se remettre en question. Sur une période de 30 ans l'autrice évoque, dans le sillage de « Nêne », le long chemin des femmes pour exister par elles-mêmes, l'adultère, la maternité et la non-maternité, l'homosexualité féminine, la dépression, l'indépendance financière.

Une très belle surprise, un roman humaniste et féministe dont le dispositif narratif original m'a totalement séduite. Lu en lecture commune avec deux autres boulimiques de littérature, nous avons toute trois succombé à l'écriture d'Isabelle Flaten, à cette histoire subtile et à ses personnages sensibles. Si besoin était, « Adelphe » va vous démontrer le pouvoir de la littérature sur une destinée.
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En 1920, année où ce roman oublié d'Ernest Pérochon reçut le prix Goncourt, Nêne est offert à Adelphe, pasteur d'une petite bourgade, par l'une de ses fidèles, Gabrielle Thomas. La manière dont elle lui tend le livre, avec une sorte de sauvagerie et de rébellion diffuse, préfigure les vacillements puis les bouleversements que la lecture de Nêne va provoquer dans l'existence de cet homme paisible.

« Ceux qui savent lire voient deux fois mieux », écrivait l'auteur grec Ménandre. Pourtant, initialement, Nêne, lecture potentiellement dangereuse, émancipatrice, embrouille la vision du petit monde d'Adelphe, puis celle de sa bonne Blanche, une femme illettrée qui régente son univers domestique, à qui Adelphe va accepter de lire le livre chaque soir. L'histoire de Nêne, servante entrée au service d'un paysan veuf et de ses deux enfants, finalement abandonnée, rejetée malgré son dévouement, va ouvrir une faille dans le coeur et l'esprit de la coriace Blanche.
Chaque lecteur en sait plus long sur un livre que l'auteur lui-même ; chacun des personnages d'Adelphe lit Nêne différemment, tentant d'infléchir dans la vie réelle le cours tragique d'une histoire qui hoquette.

La situation et l'écriture au charme suranné du neuvième livre d'Isabelle Flaten, à paraître le 6 septembre au Nouvel Attila, semblent refléter en miroir le roman d'Ernest Pérochon tout en renversant sa perspective puisqu'Isabelle Flaten place un homme, Adelphe, au centre de l'histoire.
Isabelle Flaten interrogeait avec ruse, justesse et bienveillance les imperfections du genre humain dans ses précédents recueils de nouvelles (Se taire ou pas, Chagrins d'argent, Ainsi sont-ils) ; elle donne ici vie à des personnages d'une épaisseur formidable, à commencer par Adelphe : un homme à l'existence parcimonieuse, qui ne comprend rien aux femmes, mais d'emblée attachant par sa tolérance et son aptitude à questionner ses propres manquements plutôt que ceux des autres. L'existence d'Adelphe, « petit moineau épinglé sur une branche vacillante, les ailes coupées devant ce monde rugissant », et de son entourage, et en premier lieu de Gabrielle et Blanche, est donc perturbée par l'irruption de ce roman-grain de sable et par ce qu'Adelphe commence d'entrevoir du « coeur obscur des femmes » et de leur volonté de conquérir une place plus juste dans la société.

Loin de se réduire aux limites de la petite bourgade, le roman, à partir de la vie d'Adelphe, raconte l'histoire d'un siècle couturé par les guerres et marqué par les luttes pour l'émancipation des femmes. En 1920, lorsque paraît Nêne, la Grande Guerre n'est pas loin, conflit pendant lequel les femmes ont travaillé dur dans tous les domaines, des anonymes aux champs à Marie Curie et sa fille Irène, activement engagées sur le front avec le développement de la radiologie médicale mobile. Témoin ouvert des changements du siècle, Adelphe rompt la lignée des hommes qui vont « de père en fils sans la clé des femmes, avec l'incertitude pour seule boussole ».

La réussite et le charme du roman tiennent aussi au rythme de sa narration, paisible tout d'abord, au rythme lent de la petite bourgade et de la vie aux horizons réduits d'Adelphe, et qui s'accélère avec le siècle et les tourbillons grandissants dans l'existence du pasteur jusqu'au ralentissement ultime sur les rives de la grande vieillesse.

Avec ce roman joliment féministe, éloge de la lecture et de la tolérance, Isabelle Flaten réussit à enchanter en formant, sur un ton décalé avec l'époque, un roman très actuel.
Nous aurons le plaisir de recevoir Isabelle Flaten le 6 septembre en soirée chez Charybde (81 rue du Charolais, Paris 12ème, à Ground Control) pour fêter la parution d'Adelphe.

Retrouvez cette note de lecture et et beaucoup d'autres sur le blog de Charybde ici :
https://charybde2.wordpress.com/2019/08/16/note-de-lecture-adelphe-isabelle-flaten/
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L'incipit « Tout juste le récit achevé, Adelphe Delalande sort la blague à tabac de la poche de son gilet et bourre sa pipe avec méthode. » dévoile une beauté littéraire hors norme. L'écriture est scintillante. Ciselée, calme, elle est un levier. A elle seule, elle emporte le lecteur vers l'horizon verbal d'un majeur qui ne se nomme pas. Isabelle Flaten est discrète. Effacée dans cette offrande grammaticale où l'humilité semble des fleurs dans un champ, trop fragiles pour être cueillies. Il suffit d'admirer la courbe du mot, l'histoire qui va advenir pour être comblé. En cela « Adelphe » est une opportunité rare. L'histoire est celle d'un pasteur, Adelphe, torturé, en prise avec des tourments existentialistes. Avec en toile de fond ce désir de vivre à l' instar d'un hédoniste, de prier sur les courbes du monde. Il est le point de gravitation de ce récit. La trame, les faits et le ton qui reflète le culte. Adelphe est en proie au doute. Dans cet âge où vacillent les certitudes, la quiétude. C'est un homme qui ploie tel le roseau vers l'abîme d'une vie, en quête de vigueur et d'amour. le fil rouge du récit est « Nêne » d'Ernest Pérochon, emblème sociologique d'une époque où le féminisme était tabou. L'auteure puise l'idée avant le mot. « Blanche se lève en le remerciant encore une fois et constate qu'en fin de compte, cette histoire c'est comme elle et lui. La porte claque. Adelphe ne veut plus rien savoir. Plus ce soir. » Nêne va semer le trouble. Egarer les brebis. Les femmes de ce récit vont s'affranchir. Tourner le dos aux torpeurs d'un bovarysme. S'éveiller dans l'aura alphabétique de la littérature. Ne plus craindre les foudres de Dieu. Ces femmes paraboliques sont l'éveil d'un féminisme qui écarquille les yeux sur la légèreté des possibilités. L'être et l'avoir vont devenir des jeux d'enfants. Adelphe est pris au piège. Il ne sait plus. Il affronte peu à peu ses démons, et se prend à les aimer. « Son attitude est condamnable, il n'aurait pas dû céder aux caprices de la chair, et pourtant il ne le regrette pas. » Ce récit est une carte postale d'un siècle passé, qui reste accrochée au mémoriel, à la dentelle furtive, aux lèvres magnifiées de ces femmes, aux rides d'un Adelphe qu'on aime d'un seul coup de toutes ses forces. Ce récit en noir et blanc est salvateur, olympien. Il se mérite. Il faut le lire doucement, dans le silence. Etre attentif au moindre sursaut. Etreindre cette plénitude naissante, d'une histoire romantique et sentimentale. Publié par Les Editions le Nouvel Attila, c'est un livre qui fait du bien, un futur grand classique.
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Adelphe est pasteur, comme son père avant lui. Mais ce respect apparent des conventions est une façade qui cache une personnalité assez moderne pour un début de 20ème siècle. Et c'est sans doute ce qui le rapproche de Gabrielle, une de ses paroissiennes active au temple mais également sur le terrain de la lutte féministe. Ce récit d'Isabelle Flaten est l'histoire d'Adelphe et Gabrielle, mais également de plusieurs autres affranchissements, plus ou moins aboutis, avec comme fil conducteur un roman : Nêne, d'Ernest Pérochon. Ce prix Goncourt De 1920 est une sorte de guide pour les personnages qui se le transmettent, voire se le lisent. Adelphe est très attachant dans son désir de bien faire, et je l'ai suivi avec plaisir au fil des pages, jusqu'à la dernière.
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Adelphe est le tranquille pasteur d'une tout aussi paisible bourgade. Autour de lui, une constellation de femmes qui, en cette année 1920 vont découvrir, via Gabrielle, une bourgeoise qui aspire à l'émancipation, le prix Goncourt,Nêne. Cette histoire édifiante d'une servante ,qui se sacrifie sur l'autel de la société patriarcale, va entraîner bien des répercussions chez chacun de ces lecteurs.trices.
Quelle belle idée qu'utiliser un roman, ma foi bien oublié, comme élément déclencheur de prises de conscience au sein d'une petite communauté !
Adelphe est quelque peu dépassé par les événements et ce sont bien les femmes qui mènent la danse dans ce roman où, si les mots de "lesbiennes", "avortement", "mariage des prêtres" ne sont jamais prononcés par les personnages, les thèmes sont pourtant bien présents.
C'est tout un pan d'Histoire qui se donne à voir ici, même si l'aspect historique proprement dit reste à l'arrière plan, celui d'une émancipation féminine. Un coup de coeur.
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