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3,79

sur 128 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Cela démarre fort, très fort, avec un saisissant incipit qui voit pleuvoir des grenouilles et des crapauds sous les yeux sidérés des habitants d'un village du Cotentin, plaie biblique qui semble annonciatrice d'une apocalypse à venir, très terre à terre, elle, en l'occurence des animaux retrouvés mutilés.

La formidable réussite de ce roman passe par la scénographie d'une ambiance magnétique qui scotche complètement le lecteur à un récit ancré au plus profond de lieu qu'on croirait sorti d'un conte : des dunes, de la brume, de la pluie, un ciel menaçant, une mer houleuse, mais aussi une Lande des Morts, un ruisseau aux rats ou encore une fontaine aux fées. Mais ici, rien de bucolique ou de charmant, tout est rugueux, tendu et oppressant.

« Cette terre normande est parcourue d'ondes étranges, d'énergies contradictoires qui fragilisent les nouveaux arrivants, les secouent, font vaciller leur rationalité. Depuis leur arrivée au village, les deux anciennes citadines ont du mal à comprendre comment des gens aussi ancrés dans la terre peuvent être autant attachés à tous ces contes et légendes fantasmagoriques. Cela doit avoir quelque chose à faire avec la mort. Les superstitions entourant les fantômes sont bien plus commodes à se représenter que la réalité de la finitude et de sa pourriture. »

Adeline Fleury assume totalement le recours au réalisme magique, créant un récit à la fois très humain dans ce qu'il dit des violences tues dans des secrets quasi ancestraux, et terriblement irrationnel. L'enquête pour découvrir qui a mutilé les animaux se mâtine de légendes normandes, convoquant le Varou, les goubelins, les enfants-fées, enchaînant les événements étranges. Et jusqu'au bout, on ne sait si l'autrice va choisir une résolution réaliste ou ouvrir sur une perspective fantastique.

La porosité entre la réalité et les légendes réveille des peurs presque enfantines, on sent comme des présences invisibles flottées entre les pages. D'autant que la langue déployée est d'une grande richesse, gorgée d'adjectifs, en symbiose absolue avec ce qui est raconté, prenant parfois son temps à se déployer dans un lyrisme organique et sensoriel, pour ensuite s'accélérer dans une nervosité de thriller.

La construction est travaillée de telle façon à nourrir l'intérêt et la surprise du lecteur. Chaque fin de chapitre appelle le début du suivant avec subtilité et addiction, chaque personnage introduit est utile pour enrichir un fil narratif très polar, véritables catalyseurs de l'intrigue. Et ils sont tous formidables, ils ont des corps, des émotions, des secrets, des blessures, on les voit, on les entend, qu'on les comprenne ou pas, tant ils sont incarnés au possible.

A commencer par la Grande Stéphane. Personnage génial de femme puissante et faillible, cette citadine a fuit ses démons en se disant qu'elle s'épanouirait dans ce village normand où elle est installée en tant que maréchale-ferrante. Mais son métier, identifiée comme masculin, ainsi que son physique imposant, détonnent et la rendent forcément suspecte dans cette communauté rurale déjà fracturé entre les agriculteurs là depuis toujours et « ceux des lotissements », les habitants récents.

« Une chose est certaine, ce bout du terre entre campagne rude et mer menaçante appartient à un seul petit groupe, dont elle ne fera jamais partie. Ce cap des tempêtes et ces champs humides, venteux et boueux ne se laissent pas apprivoiser facilement. Les nouveaux venus devront toujours, éternellement, impérativement, sans échappatoire, payer une taxe à ceux qui y sont nés, n'en sont jamais partis et n'en partiront jamais. Ceux-là appartiennent à ce territoire jamais il ne se posent la question « quel est mon pays », les âmes et les corps chevillés aux sols acides et marécageux près du val et aux roches de granit et de grès près des falaises. Ceux des villes peineront à comprendre, ils auront beau s'enticher de cette campagne, la terre leur balancera son hostilité et sa sauvagerie à la gueule. La beauté tyrannique et implacable des paysages les accablera. La mélancolie les gagnera peu à peu, puis le désespoir. »

Un roman à l'aura puissante, porté par une histoire et une écriture charismatiques, jusqu'au somptueux épilogue.




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Ce conte gothique nous plonge dans une ambiance ensorcelante teintée de réalisme magique, dans un enchainement haletant de thriller campagnard, rythmé par la monstruosité des hommes. Atmosphère Atmosphère…

Adeline Fleury campe son histoire sur un territoire situé entre campagne rude et mer menaçante du côté de la Normandie. A priori une bourgade comme il en existe tant entre mer et champs, avec ses fermes, son église, son bar, ses habitants taiseux et rugueux. Mais c'est ici un territoire qui ancre solidement les âmes et les corps aux sols acides et marécageux près du val et aux roches de granit près des falaises. Un territoire hostile et sauvage qui mord et rejette celles et ceux qui viennent d'ailleurs, les citadins notamment, qui menacent ceux qui vivent dans ses lisières, celles et ceux du lotissement. Entre cap et des tempêtes et champs boueux et marécageux, un territoire qui ne s'apprivoise pas facilement.

« Ici, les vagues et les landes rivalisent pour faire sentir aux hommes qu'ils sont attachés à quelque chose de lourd ».

De sa plume envoutante, l'auteure saupoudre sur ce territoire rude superstitions fantasmagoriques et légendes, peuplées de monstres, de varous, d'enfants-fées, d'un géant et de goubelins aussi effrayants que les mouches, araignées, orvets, crabes, serpents et asticots qui débordent de toute part et dégagent, des tas de fumier, des marécages, des maisons abandonnés mais aussi des cauchemars, les relents pestilentiels, âcres et puissants de cette campagne mystérieuse.
Ces éléments combinées, entrelacés, produisent une ambiance gothique, des ondes étranges, des énergies contradictoires faisant vaciller toute rationalité alors qu'en même temps nous sommes dans ce qu'il y a de plus humain, dans les bassesses et lâchetés humaines les plus inavouables. Car ne nous méprenons pas, ce sont les hommes qui produisent les monstres, ceux-là même qu'ils tentent ensuite de combattre, eux qui produisent des solitudes et des drames dont les conséquences retombent sur des générations et des générations d'habitants à l'origine des légendes et des croyances irrationnelles.
Ce balancement perpétuel du récit entre réalisme magique et psychologie humaine rend la lecture addictive et étrange, ne sachant jamais vers quoi nous amène l'auteure, coincés que nous sommes entre curiosité, cauchemar et légendes…Seule certitude plane l'ombre glaciale de la vengeance…


L'histoire débute de façon très impressionnante au sein du lotissement qui jouxte le village. Tel un message biblique de mauvais augure, il y pleut des crapauds. Une des plaies d'Egypte dans l'Exode. Notons au passage que la façon froide, mécanique, presque cynique, de décrire le lotissement juste avant le drame, sorte de lisière qui n'est ni la campagne ni la ville, comme avait également superbement décrit Olivier Adam dans Les lisières, ce déterminisme social, m'a tout de suite plu tant je suis fascinée par ces entre-deux, par ces gens ni paysans, ni citadins, « on ne sait pas trop ce qu'ils sont d'ailleurs », sans vraiment d'identité, ils semblent se ressembler tous avec leurs maisons identiques à un étage à la façade beige et au portail bordeaux, aux portes de garage bordeaux assorties car le bordeaux ça fait noble, c'est élégant…

« Ceux du lotissement ont un quotidien réglé comme du papier à musique. Ils vivent à la campagne sans en profiter, enfermés dans leur maison témoin, leur voiture témoin et leur sexualité témoin, celle du samedi soir conjugal ».

Cette pluie de crapauds laissant les routes et les chemins visqueux et gluants est prémonitoire d'un drame à venir. Et en effet, au sein du village, il se passe également des choses étranges. Un cheval des jumeaux Bellay a été blessé de façon sauvage et Julia, jeune vétérinaire, certifie qu'aucun animal n'a pu infliger les blessures constatées. le bélier noir de Sylvie a été tué de façon mystérieuse. Une vache venant de vêler a vu son pis sectionné. Les villageois affirment que le Varou est revenu pour s'abreuver du sang des bêtes. Les atrocités se multiplient et le petit Levavasseur, surnommé l'enfant-fée, si curieux avec sa tête disproportionnée, son visage précocement ridé, et son regard bleu acier, disparaît après avoir été vu préalablement sur toutes les scènes où les agressions ont été commises. La grande Stéphane, Guillaume, journaliste, et une vieille femme, une rebouteuse, s'allient pour enquêter.


J'ai beaucoup aimé la plume de l'auteure qui s'adapte à merveille à son récit, offrant par moment des plans fixes quasi cinématographiques d'une beauté noire à couper le souffle, dans lesquels le temps est suspendu, puis accélérant aussitôt quelques lignes plus loin pour mener à bien le thriller.
« le vent a chassé les nuages gris et pesants, le soleil assèche peu à peu les terres et le bitume. le clocher en bâtière de l'église se révèle en haut de la côte. Les femmes se terrent dans leurs demeures, Battut en distingue certaines tirant discrètement les rideaux sur leur passage. Seule Lili erre au milieu de la place. Elle traîne derrière elle un cabas duquel dépassent des pieds de poupées, une petite chaussure tombée sur les pavés ».

Le roman est un décliné de noir, de sépia, de gris avec son ciel poisseux et bas, sa lande sombre, son océan d'un bleu foncé froid, ses marécages marronnasses d'où débordent des orvets noirs, son crachin qui décolore le village dans toutes les nuances de gris. Les éléments tels qu'ils sont décrits, que ce soit la lune, les marécages, les dunes, l'océan, la maison abandonnée donnent l'impression de lire un conte.
« La lune est énorme. Elle habille de blanc les marécages brumeux. Elle les enveloppe d'un voile laiteux. Pas un animal ne bouge, aucun souffle de vent ne meut les végétaux, tout semble se figer sur le passage du géant. Il a terminé sa course. Il est immobile. Sa rage aussi. Elle est bloquée dans sa large poitrine. Intacte et cruelle. Comme un poignard fiché là depuis toujours. Une éternité déjà ».
Notons également des chapitres bien travaillés, chaque fin de chapitre est bien aboutie et comporte du suspense de façon à avoir envie de continuer avec le chapitre suivant. Quelques passages en italiques donnent une dimension fantastique au récit et interpellent grandement le lecteur. Et soulignons surtout des personnages croqués avec délicatesse et justesse, deux personnages m'ont particulièrement marquée, celui de la Vieille et de la grande Stéphane, deux femmes puissantes aux antipodes des archétypes féminins habituels qui fait de ce roman un livre résolument féministe.


Le ciel en sa fureur est un roman particulièrement envoutant par son côté conte, ensorcelant par son ambiance magnétique et gothique, haletant par sa facette thriller, angoissant par sa noirceur, mais dans lequel le réalisme magique apporte des touches de poésie lumineuses très émouvantes. Un livre percutant doté d'une étrange aura ! A découvrir ! Merci à Marie-Laure (@Kirzy) dont la magnifique critique enthousiaste m'a, comme si souvent, convaincue de me le procurer immédiatement !


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Le village n'est pas seulement un assemblage de batisses qui abritent des familles ordinaires. Il est fait de son histoire et de ses légendes. de ses non-dits aussi, d'un passé obscur que l'on préfère enfouir sous des tombereaux de silence, pour s'emparer de nouveaux combats.
Mais rien de plus efficace qu'un enfant pour s'acharner sur un mystère à élucider. Ou une jeune femme que la violence de la ville a chassée.


Une galerie de personnages issus de contes d'antan, de la sorcière bienveillante au prêtre sulfureux, des enfants-fée ou des enfants bourreaux, et des êtres atteints d'une folie douce qui pourrait bien trouver son origine dans la noirceur des faits oubliés.


Une ambiance étrange à souhait et la curiosité de comprendre ce qui plane au dessus de ce village maudit créent une addiction quasi immédiate : difficile de renoncer à quelques pages de plus, voire de dévorer l'ensemble jusqu'à la fin.

Un excellent moment de lecture pour lequel je remercie Babelio et les éditions de L'Observatoire


205 pages L'Observatoire 3 janvier 2024
Masse critique Babelio
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Attention ! Lecteurs cartésiens, attachés à situer les livres dans des cases bien précises, habitants du beau Cotentin ou sensibles à la souffrance animale, possiblement s'abstenir !
Le ciel en sa fureur, dernier de mes coups de coeur, est un roman totalement inclassable. Je découvre à cette occasion sa jeune autrice, Adeline Fleury, que j'ai eu le plaisir de rencontrer l'autre jour, elle était invitée avec son éditrice des éditions de l'Observatoire par mes libraires préférées.
Tout semblerait partir d'un fait divers sordide, quelque chose qui m'a rappelé ce qui arriva dans certaines de nos campagnes il y a très peu de temps, une vague de mutilations portées sur des chevaux. Ici ce qu'on a fait au cheval des jumeaux Bellay relève d'une barbarie sans nom…
Tout commence ainsi.
Le récit qui pourrait prendre le chemin de cette chronique ordinaire horrible, n'en fait pas pour autant le ressort narratif, qui est ailleurs.
Ailleurs, c'est déjà un territoire, son paysage.
Une anse au bout du monde, un endroit perdu dans le Cotentin profond. C'est un village de taiseux entouré de mers, de marécages et de légendes, un décor qui contient dans la vase et la boue qui l'entourent peut-être un secret ancien, encore enfoui.
Imaginez ici un lotissement qui s'est construit à l'orée d'un village rural.
Sur ce territoire, l'autrice pose des personnages et des odeurs.
Dans ce lotissement, des habitants uniformes évoluent tels des playmobils, ils sont anonymes sans jamais être au coeur du roman, ou presque. Ils vivent les uns à côté des autres mais pas ensemble.
Les personnages de ce roman, ce sont des femmes, des hommes, des charognards, des êtres maléfiques…
Deux figures féminines vont se détacher par le désir amoureux de l'une pour l'autre : la grande Stéphane, homosexuelle assumée, maréchale-ferrante et Julia vétérinaire, exerçant toutes deux des métiers d'hommes. Elles viennent de la ville, chacune porte des blessures, la sociologie qui adore classer les gens les appelle des néo-rurales.
J'ai aimé entrer dans le sillage de ces deux personnages. Dans ce village marqué par les traditions et les croyances anciennes, elles font figure d'anomalies, voire d'anormalité. Pourtant, à l'inverse des gens du lotissement elles cherchent à s'intégrer au sein de la communauté du village, malgré leur différence, elles ont fait le choix d'y habiter, d'y travailler.
J'ai aimé l'effleurement d'amour entre ces deux femmes éprises de désirs, de sororité.
D'autres personnages comme surgis d'un conte gothique viennent dans cette farandole étonnante, ils ne sont jamais nommés.
Un garçon blond, hypersensible.
L'étranger au bout du chemin, la peur de l'autre,
La vieille.
La femme qui va tenir le bistrot.
La fille du lotissement 13.
Un enfant-fée...
Et puis aussi des crabes, des araignées, des rats, des goubelins, des asticots, des maquereaux qui frôlent les jambes de la grande Stéphane qui se baigne dans l'eau d'une plage solitaire le matin, tandis que que quelqu'un là-haut depuis la dune écarte les hautes herbes pour l'observer.
Le personnage principal n'est peut-être rien d'autre que la géographie du territoire où gisent ces pages.
Tout le monde se regarde avec suspicion. Les drames qui s'opèrent dans le livre sont des drames anciens, qui se répètent avec désormais la difficulté de vivre ensemble.
Le côté thriller nous tient d'emblée en haleine, mais les personnages semblent liés à autre chose. Alors, Adeline Fleury, déjouant les codes narratifs, nous entraîne ailleurs, entre réel et surnaturel, dans un réalisme magique porté par un souffle romanesque envoûtant et par une écriture poétique posée sur de la noirceur, qui m'ont ébloui tout au long du récit.
Le roman tient dans cette dislocation entre le réel et le surnaturel. L'autrice ne tranche jamais et je lui rends grâce.
C'est sans doute ce qui pourrait déconcerter furieusement le lecteur, le surprendre parfois au bord des dunes pour le plus grand plaisir de ce paysage envoûtant.
C'est un texte ancré dans le réel et hanté par la magie d'un lieu, d'une rencontre, d'une histoire.
L'autrice ouvre une brèche, nous perce un chemin dans des pages souterraines, offre plusieurs pistes, plusieurs lectures, réussit un défi, rendant impossible de situer son roman dans un endroit quelque part entre littérature blanche et noire. Propose-t-elle de passer d'un registre à l'autre, comme on ouvre des portes passant d'une pièce à l'autre ? Non, car tout est cela en même temps.
Il y a une violence qui traverse les pages de ce livre, la fureur d'un ciel renversé, un retour primaire, presque légendaire, des croyances surnaturelles. C'est un texte possédé comme si on avait jeté un sort à la terre.
Ce roman est une fresque d'humanité à sa manière. La dimension onirique, à la frontière du fantastique, est un prétexte, pour convoquer des thèmes fort actuels, nous aidant à comprendre le monde qui nous entoure de manière elliptique.
L'autrice ne nous dit jamais quand ni où nous sommes. Qu'importe l'absence de repères temporels, puisque les thématiques sont actuelles et seront encore là dans six ou quinze ans.
Adeline Fleury me rappelle qu'en littérature j'aime qu'un écrivain me raconte une histoire, j'aime que la littérature puisse tenter de nous guérir de la mélancolie et du désarroi du monde, pour peu que le texte me dise quelque chose aussi.
Ce texte pourrait relever de l'exercice de style s'il n'y avait pas autre chose de plus profond : en convoquant des pluies de crapauds et des êtres maléfique, Adeline Fleury ne parle jamais aussi bien du déterminisme social, de la soumission, de la question de la norme, de la différence, du rejet de l'autre, du poids des secrets et de la vengeance...
Adeline Fleury vient par ce roman insaisissable casser les codes de la littérature française et ses règles un peu rigides. Elle fait place nette au récit et cela fait du bien.
Il y a une voix, des voix dans ce texte et j'ai l'impression de les avoir entendues en refermant ce livre, de les entendre encore, dans l'agonie du vent du large.
Il pourra continuer à pleuvoir des crapauds et des orvets, je m'en remets désormais à la volonté de cette autrice, au pouvoir des mots et de son imaginaire. Adeline Fleury me rappelle que c'est dans la vase des étangs et des marécages que naissent les libellules.
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J'ai adoré plonger dans ce roman d'atmosphère et de légendes normandes. Je ne suis pas normande, je ne connais rien aux légendes locales, mais j'ai aimé les découvrir.

J'ai aimé Marie, la mère de l'enfant-fée blond. Un petit garçon en marge qui connait tout sur tout, y compris les secrets anciens.

J'ai aimé la Vieille, la mère du p'tit Jojo, le précédent enfant-fée, mort tragiquement alors qu'il n'était pas encore adolescent.

J'ai aimé la grande Stephane, la maréchal-ferrant qui habite dans l'ancienne maison des soeurs qui cachaient un bien terrible secret.

J'ai aimé les paragraphes en italiques qui donnent la parole au Géant.

J'ai souri lorsque les gendarmes, les deux courts sur pattes, apparaissaient dans le récit.

J'ai aimé le journaliste Battut, ancien enfant du village, qui a peur des limaces après en avoir trop avalé de force au pensionnat.

Je n'ai pas aimé la fillette du pavillon numéro 13 : sa façon de diriger la bande des enfants du Lotissement, de les maltraiter parfois.

J'ai aimé les animaux qui peuplent le récit : les orvets, les limaces, les chevaux et les animaux de la ferme, les rapaces. J'ai aimé la nature omniprésente : ses vallons, la mer pas loin.

J'ai aimé que le roman s'ouvre sur une pluie de grenouilles.

J'ai découvert les goubelins et quelques légendes normandes.

J'ai tout aimé dans ce roman : les personnages et le décor, le méchant et les témoins qui ont fermés les yeux.

Un roman d'atmosphère qui m'a envoûté.

L'image que je retiendrai :

Celle de la Grotte aux fées où se rend la mère du p'tit Jojo pour parler avec lui une fois l'an.
Lien : https://alexmotamots.fr/le-c..
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Coup de coeur 2024 !
Dès les premières pages, l'ambiance est oppressante, tendue. le lecteur tourne les pages, impatient de comprendre et connaître la réalité de ces phénomènes bizarres…

Un petit village dans le Cotentin. Des habitants, et notamment, « ceux du lotissement, parce qu'ils ne sont ni paysans, ni citadins. (…) parce qu'ils n'ont pas vraiment d'identité, parce qu'ils se ressemblent tous. Les mêmes maisons à un étage, à la façade beige déjà salie par les embruns. »
Une pluie de crapauds s'abat sur leurs maisons. L'Apocalypse ?...
Le petit garçon, d'une ferme voisine est regardé avec méfiance : « Comme si le gosse annonçait des malheurs. ». Un gamin à part, un enfant-fée… Comme le p'tit Jojo mort à 10 ans…

Les personnages participent au malaise ambiant, parfaitement campés et crédibles.
Deux jeunes femmes indépendantes, nouvelles dans ce village : Julia, la véto, (difficile de se faire accepter en tant que femme vétérinaire) et Stéphane, « la grande Stéphane », la maréchale-ferrante.

Le Vieux et la Vieille. Elle, est rebouteuse. « Cette femme-là n'est pas simplement humaine, elle est animale, végétale, minérale, elle est la vie. »
Dans leur maison sombre et crasseuse (ils s'en fichent) trône la photo de leur enfant, le p'tit Jojo, « un enfant-fée » qui s'est fait tuer par une voiture quand il avait à peine 10 ans… On a l'impression que personne n'a cherché à connaître la vérité, le nom du chauffard qui a percuté mortellement l'enfant…

Marie Levavasseur, l'épouse résignée d'un éleveur et maman de ce petit garçon à part, dans sa bulle : « Il est doué pour tout sauf pour les relations avec les autres, il trouve les autres enfants lents et inintéressants, son frère débile et les adultes médiocres. (…) Hubert et Marie pensent que (..) leur gamin n'est pas fou, juste différent. » Un enfant-fée. Comme le P'tit Jojo… Des enfants qui suscitent le malaise…

Là-dessus, un étalon empoisonné est atrocement mutilé et des poules sont saignées. Ce n'est, ni le chien, ni le renard… « Seul un être humain est capable d'une telle sauvagerie. »
Mieux vaut croire à la malédiction du Varou, que de se poser des questions sur les vivants et les morts inexpliquées …

Guillaume Battut, qui a fui le village, après avoir été harcelé adolescent, revient, envoyé par sa rédaction pour enquêter. Il connait bien les habitants et la mort du P'tit Jojo, jamais élucidée, l'obsède encore…

Un huit-clos rural, sous forme de conte envoutant, pour traiter de thèmes intemporels : la différence, le handicap qu'il faut occulter, l'exclusion, la souffrance, la soumission des faibles aux personnes influentes, et la lâcheté du silence.

Un scénario parfaitement maîtrisé porté par une écriture puissante, inspirée, précise et juste, dont les personnages continuent de hanter la mémoire bien après avoir tourné la dernière page.

Une belle réussite, dont le thème est assez proche d'un roman qui représente encore pour moi, l'un des meilleurs de la littérature actuelle : « le rapport de Brodeck » de Philippe Claudel.
A découvrir et à savourer, sans aucune modération !

Lu dans le cadre du Prix Orange 2024.
Merci à lecteurs.com et aux Editions De l'Observatoire de m'avoir fait découvrir cette pépite.

Instagram : commelaplume

Lien : https://commelaplume.blogspo..
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Une fois le roman ouvert, je n'ai plus pu m'arrêter de le lire tant l'histoire est intense, les personnages denses et tant l'ambiance générale angoissée de ce village a fini par me gagner. Lu d'une traite, je me suis totalement immergée dans ce village où coexistent ceux du lotissement et les autres, ceux de la campagne, qui vivent au village, ceux qui y vivent depuis toujours comme les jumeaux Augustin et Antonin, ceux qui ont voulu le quitter mais sont revenus comme les amies inséparables Sylvie et Marie et ces deux femmes Stéphane et Julia, nouvellement installées au village. Ces deux dernières ont fui la Grande ville. Elles n'ont pas les codes et elles seront embarqué malgré elles dans des mystères haletants et dangereux. Ces secrets que personne ne veut voir ressurgir et que tout le monde dissimule dans des affres métaphysiques.
La trame serrée de ce roman ne m'a pas laissé un moment de répit et j'ai totalement embarqué dans ce récit tissé d'ambivalence grâce à l'évocation des légendes normandes où les fées côtoient les géants ou les hommes-mouton par exemple.
J'ai beaucoup apprécié que le récit soit situé en Normandie car cela permet de tisser une histoire autour de ces légendes peu connues. Je ne les avais jamais lues ailleurs que dans ce roman.
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« Il court, il court, le Varou… »

Le Cotentin, ses contes et légendes ancestrales, ses terres marécageuses, ses locaux faisant face aux nouveaux venus de la ville. Deux mondes s'affrontent. D'un côté, le lotissement et ses habitants jamais nommés.  de l'autre, ceux du pays : les jumeaux Bellay, le Vieux et la Vieille, rebouteuse à ses heures perdues, Sylvie, Marie et son « enfant-fée ». Et au milieu, il y a Julia et Stéphane, dit la Grande Stéphane. Deux femmes plus ou moins tolérées, mais encore montrées du doigt, de par leur provenance (la grande ville), leur sexe et leur métier « d'hommes », l'une est vétérinaire et l'autre maréchale-ferrante.

Le Ciel en sa fureur, c'est un roman noir avec un soupçon de magie. Des phénomènes mystérieux et macabres s'y déroulent. D'ailleurs, l'incipit donne le ton avec cette pluie de crapauds dans le lotissement. Mais ce n'est que le début, les animaux sont massacrés les uns après les autres (cela serait le seul bémol pour moi, trop d'animaux tués 😢). Qui peut bien être le responsable de cette barbarie ? le Varou est-il revenu ? Pour Julia et Stéphane, cela ne peut être que l'oeuvre d'un déséquilibré.

Avec poésie et réalisme, Adeline Fleury dépend une atmosphère pesante et sombre. J'ai aimé cette ambiance, qui par moment me rappelait l'univers de Franck Bouysse. Avec des êtres taiseux, frileux aux changements et aux étrangers. J'ai aimé cette absence de temporalité. Une époque qui peut tout aussi bien être, il y a 30 ans que maintenant. J'ai aimé les personnages (surtout les locaux), leurs psychologies, et leurs secrets enfouis. Je repense en particulier à la Vieille, sa tragédie, et ses séances dans sa maison crasseuse. le décor est parfaitement planté et je m'y voyais dans cette saleté (je ne suis pas sûre que j'y serai restée bien longtemps par contre 😆) « La maison est pleine de mouches. La Vieille s'en fout des mouches. Ca pue pas les mouches, c'est tout le reste qui pue. le sol poisseux, les couvertures pleines de poils de chien, les jets de pisse du chat contre la porte de la cuisine. […]La Vieille dit que chez elle ça pue pas plus que chez d'autres »

En bref, un roman que je vous recommande chaudement !
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Un récit entre champs et mer, entre campagne et lotissement, entre autochtones et étrangers, entre réalité et légendes, entre présent et passé, entre thriller et conte, entre sorcières et enfants-fées. Loin de son précédent roman "Les Frénétiques", "Le ciel en sa fureur", dernier ouvrage d'Adeline Fleury, nous embraque dans un drôle de monde.

Déjà que je n'aime guère raconter ce qui se passe dans un roman, je ne dévoilerai rien de celui-ci, pas même des bribes. Je vous offre le plaisir de vous laisser porter. La construction est parfaite qui nous révèle au fur et à mesure et toujours au bon moment la suite des événements. Tout s'imbrique parfaitement et maintient le suspense – car il est important – jusqu'au bout. Les personnages ont tous une particularité, que ce soit une petite fille de treize ans, véritable tyran pour ses camarades, un prêtre loin des critères de la sainteté, un "gosse blond au visage de vieux qui rôde tout le temps… celui de la ferme aux vaches.", la maréchale-ferrante et la vétérinaire toutes deux venues d'ailleurs qui se révèlent en enquêtrices de qualité ou tous les autres.

Les thèmes abordés sont nombreux et l'auteure s'y entend pour traiter du droit à la différence, des problèmes liés à la ruralité, des rapports humains. Elle excelle à parler de ceux qui émettent des avis sur tout et n'importe quoi sans même avoir vérifié leurs sources. Elle se moque gentiment de la maréchaussée plus encline à laisser tomber qu'à fouiller et trouver des éléments pour expliquer les faits. Pour tout cela Adeline Fleury utilise une langue à la fois simple et légère, superbement travaillée et pourtant sans ostentation, adaptée à chacune des situations. Elle nous régale aussi de magnifiques descriptions de paysages normands à la fois beaux et inquiétants.

Ce roman est une balade dans un coin de Normandie peuplé de créatures menaçantes et victime de pluies de crapauds. Il est envoûtant et curieux.

Véritablement addictif, il ne se lâche pas avant le mot "Fin". J'ai beaucoup aimé.

Lien : https://memo-emoi.fr
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BEAUTÉ & CRUAUTÉ 🤍

Un village entre mer et champs, entre paysans implantés depuis longtemps et nouveaux "du lotissement". Une bourgade un peu triste, au ciel menaçant et aux villageois qui s'inquiètent. Car ces cadavres d'animaux et ces carcasses ne peuvent être que l'oeuvre d'un homme assoiffé de vengeance, le Varou est de retour !
Julia et Stéphane, nouvelles venues au village vont découvrir cette ambiance particulière chargée en mystère et vieilles légendes...

Que j'ai aimé cette histoire entre conte et roman noir ! La plume et le style d'Adeline Fleury n'ont rien à envier à ceux de Franck Bouysse et de Sandrine Collette. Elle nous plonge en quelques pages dans un univers aussi poisseux que mystique et nous embarque avec elle.

La rugosité du monde rural, l'humanité qui se dégage de ces deux femmes, la colère du ciel qui laisse éclater sa fureur.... L'ambiance est vraiment incroyable, tant elle est intense, palpable et nous emprisonne.
Julia et Stéphane, nos deux héroïnes vont tenter de comprendre ce qui se passe sur ces terres qui ont accueilli leur nouvelle vie.
Quand la folie des hommes s'invite, les croyances des hommes préfèrent opter pour une explication mystique... mais qu'en est-il vraiment?

C'était aussi âpre et cruel que magnifique. Un roman noir qui dégage une aura sans pareille et que je ne peux que vous recommander ! J'espère qu'il fera grand bruit en cette rentrée et que nous aurons vite l'occasion de retrouver cette plume dans un ouvrage de la même trempe !

À lire ! ❤️❤️
Alors... ça vous tente? 🌬
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